Une formation interne de la FUB sur les relations entre administrations, associations et grand public au sujet des évolutions de la réglementation a montré que personne ne s’y retrouve. En intitulant mon exposé « Code de la route, ou Réglementation à ne rien y comprendre ? » je tombais dans le mille. Thomas Jouannot, du CEREMA, et moi-même avions eu la même idée, vous faire mesurer que nous ne connaissions pas le code de la route : Ni les militants avertis, ni les professionnels, ni la blogueuse ne savaient combien de personnes on peut transporter sur un vélo, combien de catadioptres sont obligatoires, si une auto a priorité sur moi dans une zone de rencontre ou si nous avons le droit de marcher sur la chaussée lorsqu’il y a un trottoir …
J’avais été invitée à ouvrir la journée et ai montré des panneaux utilisés à mauvais escient, ainsi que des aménagements parfaitement compris bien que discrets et se passant totalement de panneau.
En introduction je m’interrogeais sur la notion de « culture vélo », et en conclusion je plaidais pour qu’on arrête de tout voir par le prisme de la règle, au bénéfice de l’aménagement bien conçu.
Voici mon exposé : « Code de la route, ou réglementation à ne rien y comprendre? », que j’aurais pu intituler « Ce qui se conçoit bien se signale clairement » ou «C’est l’aménagement qui crée le comportement. »
-1- Culture vélo
Un pays qui a la culture du vin est un pays où il est impensable de servir un mauvais vin, où chacun sait reconnaître le bon du mauvais, où chacun connaît au moins les principaux crus. Un pays qui a la culture du livre est un pays où une émission littéraire dure 20 ans à la télé à la meilleure heure, et où, plus que le diplôme, c’est l’expression « son dernier livre » qui caractérise toute personnalité un peu en vue. Un pays qui a la culture du vélo, à mon avis, c’est un pays où ceci (01) est totalement inimaginable.
Un pays où règne la « culture vélo » c’est un pays où la continuité est toujours assurée pour les cyclistes; c’est un pays où le confort du cycliste est systématiquement assuré, quels qu’en soient les moyens (02).
C’est un pays où la signalisation peut être réduite à sa plus simple expression, où ce qui est évident n’a pas besoin d’être montré (03), ici c’est un Passe-partout naturel.
C’est un pays où on ne s’embarrasse ni de barrières ni de laïus (04), ici pas de panneau pour les automobilistes, on leur laisse croire qu’ils arrivent sur une piste cyclable (Ardennes), un pays dans lequel on sait qu’une certaine souplesse d’usage ne nuit pas forcément aux usages.
C’est un pays où les choses sont simples. Par exemple, si on met un panneau sa signification est évidente. Une tasse signifie « troquet », un lit « hébergement en dur », etc.
Je ne crois pas que la France ait une forte culture du vélo.
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-2- Travaux pratiques
Et d’abord, dites-moi ce que signifie ce panneau ? (05) —> autorisé aux vélos. Et en-dessous : Interdit aux vélos. Vous ne me croyez pas ?
Et alors, celui-ci ? (06) —> à partir d’ici les cyclistes n’ont plus le droit de rouler sur le trottoir.
Vous ne me croyez toujours pas ?
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(07) A partir d’ici les piétons et cyclistes sont mélangés. (Il n’y a plus de réservation aux vélos, aire piétonne signifiant que les vélos sont autorisés), et comme personne ne comprend, ajout de « cyclistes pied à terre » qui ne correspond pas aux panneaux.
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(08) Est-ce que ces panneaux servent à quelque chose? un petit marquage au sol n’aurait-il pas suffi? Ou au moins pourquoi ne pas avoir mis le panneau (vélos au-dessus de piétons) ? Ou l’inverse, ou en parallèle? Parce que ce panneau n’existe pas en France.
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(09) Qu’importe ! En France on aime les panneaux ! On en crée de nouveaux, on les complète, ou on les explique.
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-3- Les zones 30
Lorsque je publie l’information, début juillet 2010, de l’entrée en vigueur de leur nouvelle définition, je démontre que le DSC est d’office dans toutes les nouvelles zones 30, et que pour les anciennes on avait eu un délai pour les « mettre en conformité ».
J’avais eu beaucoup de mal à en être sûre, mais je m’appuyais à toutes forces sur le texte de l’arrêté, mais aussi sur le communiqué de presse.
Tout comme un préfet, qui avait considéré n’avoir pas à intervenir puisque, disait le communiqué :
« À partir du 1er juillet 2010, les vélos peuvent circuler à double sens dans les zones 30 et zones de rencontre. », texte identique sur le site de la Sécurité routière.
On sait finalement que c’est l’exact inverse dans la pratique,
et que la compréhension de la réglementation est chose rare.
Il y a ceux qui ne savent même pas si un vélo est un véhicule ou pas (10), ceux qui confondent zone 30 et priorité aux piétons, ceux qui croient qu’une voie verte ça veut dire refuge dans un carrefour, ou trottoir autorisé aux cyclistes, et même ceux qui continuent à faire des pistes cyclables pour éviter sans doute que l’on roule avec ceux qui roulent lentement, ou qui y interdisent les cyclistes (11).
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Et puis, il y a ceux qui ne comprennent rien.
(12) Ce triple panneau veut dire que la RATP (ou ses véhicules) est soit un piéton, soit un vélo, et que, bien qu’appartenant à cette catégorie interdite, ils ont le droit de passer.
Je crois qu’il aurait mieux valu faire en sorte que piétons et vélos puissent passer, et ne pas mettre de panneaux du tout.
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-4- Les règles sont incomplètes.
Un pays qui a la culture du vélo c’est certainement un pays où on ne trouve pas ce genre d’erreurs et approximations, c’est aussi, sans doute, un pays où l’on ne compense pas les mauvais aménagements par des panneaux et où n’existe pas le besoin de créer ou modifier souvent les règles. C’est l’exemple des zones 30 où c’est 20 ans après leur création qu’on y a rendu obligatoire les DSC.
C’est plus encore les règles du stationnement en édifice, qui ont connu déjà deux modifications, le cas des passe-partout qui ne sont que des élargissements des tourne-à-droite, ou des voies vertes dont on s’aperçoit qu’elles ont oublié les usages motorisés légitimes ou indispensables… Il y en aura d’autres, pour préciser par exemple qu’une voie, même verte, n’est pas un trottoir, pas plus qu’une « aire » (surface) piétonne ne peut être un étroit ruban de goudron dans un tunnel ou pour préciser ce qu’est un trottoir, puisqu’on s’aperçoit maintenant que les rollers doivent rouler dessus, même à toute vitesse, comme les mono-roues électriques, mais que les parents cyclistes qui accompagnent leur petit bout de chou … n’en ont pas le droit.
En conclusion
Puisque ni autorités ni citoyens ne connaissent le code de la route (ou, du moins, ne comprennent les panneaux), jouons-là intelligent : Ne mettons ni panneau qui décrit ce qu’on a sous les yeux, ni panneau que personne ne comprend. Arrangeons-nous pour ne pas avoir à mettre de panneaux et faisons en sorte que les lieux se suffisent à eux-même, qu’ils soient bien pensés pour les usages pour lesquels on les destine.
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Exemples d’aménagements sans panneau
à Epinal. (voir article Epinal et le vélo : découverte d’une ville apaisée).
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Pour finir, je citerai un passage du dernier livre de Jean-Louis Debré, intitulé « Ce que je ne pouvais pas dire », où il raconte sa vie de président du Conseil constitutionnel.
« Les lois (…) sont devenues de plus en plus bavardes et incohérentes. Rapidement votées, elles comportent de nombreuses malfaçons ». Il parle de « logorrhée législative absurde », et indique que « Nous attendons de lui (le Président de la République) qu’il mette toute son influence pour que les lois soient désormais mieux préparées, plus cohérentes et stables. »
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Concernant le code de la route, je n’invente rien. Lire : Vélo et Droit, un couple mal assorti. Par exemple « Le code de la route est affaibli depuis le début par de graves défauts. »
Au 18 mai 2020 cet article avait été lu 3 103 fois.
[…] […]
[…] sur le blog Isabelle & le vélo […]
« Trop de normes, tue la norme ». Trop de panneaux, on ne les regarde plus, déjà que certains ne veulent rien dire.
Il en est un sur les voies vertes qui me fait sourire (Zone partagée). Chacun devrait savoir que tout espace permettant la circulation est forcément partagé et qu’il suffit tout simplement de se respecter que l’on est entre cyclistes ou bien avec d’autres.
Il suffit d’un peu de bon sens et surtout de respect. Ce panneau là n’existe pas.
La raison pour l’hypersignalisation que vous avez montré est assez facile à comprendre. Avant, c’était : ici, les véhicules à roues, là, les piétons. Je regrette la tendance actuelle d’imiter, sans réflexion, la politique néerlandaise de « cycle apartheid », avec ses lamentable pistes cyclables étroites et bosselé qui entravent le cycliste et vexe le piéton, au lieu du renfort des vrais mesures de sécurité tel que la répression d’excès de vitesse, l’alcool au volant, la distraction par portables.
Avant qu’on commence d’examiner la difficulté crée par la croissance annuelle du nombre de véhicules immatriculés https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_automobile_fran%C3%A7ais. (Sujet tabou, sans doute, dans le pays de Peugeot, Citroën, Renault, et Michelin)
Plus: http://velofou.blogspot.fr/2014/10/sur-la-route-lenfer-cycliste.html (FR)
http://juliusbeezer.blogspot.fr/2015/06/taking-high-road.html (EN)
http://juliusbeezer.blogspot.fr/2015/10/separate-development-or-civilised.html (EN)
Chère Isabelle, à propos de lisibilité, que signifie « DSC » ? Merci de votre réponse.
DSC : Double-Sens Cyclable. En français, contre-sens vélo, ou sens interdit autorisé aux cyclistes. J’en profite pour en remettre une petite couche rigolote, mon article « Petit toilettage de code », de l’an dernier (lien dans ma signature).
Le décret 2016-448 du 13 avril 2016 modifie l’article R313-25 du code de la route et semble autoriser le feu arrière d’un cycle en clignotant. J’ai vu cette information sur un site de vente de matos pour vélo. Est-ce une bonne interprétation ? Quel est votre avis? Peut-on la relayer notamment lors de la campagne « Cyclistes, brillez »?
Le clignotement n’est pas une variation d’intensité mais un allumage et une extinction à une fréquence donnée.
(Note : La variation d’intensité permet notamment une intensité lumineuse de plus en plus forte pour marquer une progression, par exemple les feux stop en lien avec l’effort de freinage, ou bien une intensité moindre d’un feu de position situé à côté d’un feu indicateur de direction afin d’améliorer la perception de ce dernier lorsqu’il est actionné. Lors d’une variation d’intensité, l’intensité minimale réglementaire est toujours respectée.)
—> En résumé opérationnel, pour les cyclistes le clignotement est réservé aux feux indicateurs de direction et interdit pour des feux de position et donc non applicable pour les cyclistes. Dixit madame vélo soi-même directement interrogée par les services spéciaux de Isabelle et le vélo.
Grand merci pour ces explications précises et bravo pour votre réactivité efficace.
Le R313-25 précise bien « 2 feux placés symétriquement », il n’y a aucune ambiguïté, le vélo n’est pas concerné sauf si celui-ci dispose de deux feux arrières (je pense au triporteur suffisamment large). Une lecture rapide de certains articles réglementaires donne souvent de telles erreurs.
Je trouve qu’il y a ambigüité, moi. La symétrie ne s’applique qu’à « deux feux (…) susceptibles d’être employés en même temps ». Le texte sur l’intensité s’applique, lui, à tous « les feux et signaux », qui « ne peuvent être à intensité variable », « sauf ceux des indicateurs de direction, des feux de position arrière, (…) ». Donc à moins de me trouver une ligne perdue ailleurs qui précise que le passage d’une intensité non nulle à une intensité nulle n’entre pas dans la définition de la « variation d’intensité » (et alors que feraient les clignotants dans la liste ?), je ne vois vraiment rien qui puisse me faire penser que le feu clignotant arrière ne soit toujours pas autorisé.
M’enfin ! Madame vélo est quand même bien placée pour répondre! et si c’était devenu autorisé, j’en aurais fait un article, normalement. Là tout est parti d’un site commercial… ce ne sont pas les meilleurs informateurs …
@Lesens, Isabelle: Oui c’est clairement une source de poids. Mais tout de même, j’aurais aimé un truc un peu solide (→ une base légale). Là j’ai l’impression qu’on n’a qu’une interprétation, et on sait à quel point les interprétations peuvent connaitre un destin fatal devant les tribunaux, vinssent-elles de personnes qui sont censées être les premières à savoir (vous vous souvenez du cycliste qui a gagné son procès dans le flou juridique des rues en zone 30 sans dsc et sans arrêté de prise de disposition contraire après le PAMA 1 ? (qui était prioritairement en faute, le cycliste qui n’a pas respecté la signalisation sur place ou l’autorité qui n’a pas fait son boulot ? le tribunal a tranché en la faveur du cycliste) (et la même histoire se répète pour le PAMA 2 dans les rues à 30, quelqu’un de la préfecture (pas en bas de la hiérarchie) m’ayant affirmé que le cycliste serait en tort, ce dont je doute vu ce précédent)).
Tant mieux que ce soit interdit : en pleine nuit, suivre un vélo qui a ces feux clignotants arrière de forte intensité est très désagréable.
Possible, mais c’est toléré, et objectivement utile aux cyclistes. Le feu fixe est obligatoire, les clignotants « pas interdits ».
Merci pour cet article qui est un véritable plaidoyer contre les signalisations inutiles ou contre-productives, et qui correspond donc tout à fait à mon opinion sur le sujet.