3 avancées majeures dans le Plan vélo

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Le Plan vélo 2018 ressemble à un catalogue désorganisé d’objets posés en vrac. Ses objectifs ont l’air d’une plaisanterie et sa réalisation risque de passer inaperçue. Il n’y a vraiment rien là-dedans pour dynamiser la révolution des mobilités en France.
Mais au moins 3 mesures devraient avoir un effet de levier redoutableCet article est la suite de celui du 15. MàJ (note 3) le 20 sept. à 16 h 30.

25 articles, nous dit-on, un dossier de presse de 22 pages sans vocation pratique, une addition d’annonces dont je n’ai donné qu’un aperçu dans le précédent article. L’ambition de passer de 3% à 9% de la part modale en 2024 doit faire sourire. Cela voudrait dire multiplier par 3, en 5 ans, le nombre de trajets effectués à vélo, ou diminuer d’autant les trajets motorisés, avec un financement sur 7 ans (et des travaux bien plus longs), sans évaluation de l’efficacité des décisions ? Si au moins on avait parlé de nombre de vélos en circulation, ou de distances parcourues, ou du nombre d’élèves qui … Un pourcentage comme celui-ci, cela ne veut rien dire, c’est juste de la communication.

Déceptions, encouragements…

Que les citoyens soient déçus, c’est normal, puisqu’ils n’ont vu de ce « plan » que la fin de l’IKV ou les « 50 millions » de travaux par année.

Que la Fub se montre plus favorable, c’est tout aussi normal, puisqu’elle a beaucoup participé à son élaboration et qu’elle souhaite toujours continuer à avoir de l’influence.

Qu’une Lettre d’information des professionnels de l’automobile[1. Le plan vélo : une bonne nouvelle pour l’automobile. La chronique de Bernard Jullien, Maître de Conférence à l’Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire « Distribution & Services Automobiles » du Groupe Essca. Auto-actu, 17 septembre 2018.] se réjouisse, voilà en revanche quelque chose qui mérite attention. Je cite : « L’investissement dans le vélo est plus que judicieux si l’on entend libérer les villes d’une part de voitures »; pour les professionnels c’est « leur intérêt bien compris » , d’ailleurs grâce à l’étalement urbain ils n’y perdront rien, termine l’auteur de la chronique. 

Qu’Olivier Razemon en fasse une liste en 10 points dont une chute, c’est normal, il en fait souvent, en général je les trouve éclairantes. Comme celle-ci : 10 choses à retenir de la séquence « plan vélo ».

Pour ma part on sait que j’aurais voulu des mesures plus claires et plus fondamentales[1. Assises de la mobilité : que doit contenir la Loi ? Conclusions. Isabelle et le vélo, 12 novembre 2017.], du genre réécriture totale du code de la route, refondation des pénalités pour infractions, pose de principes comme « tous travaux s’occupent d’abord des piétons, puis des cyclistes et après on voit ce qu’on peut faire », réglementation très fortement favorable au logement et activités en zone dense, affichage d’axes majeurs entre des villes, obligation de diagnostics d’accessibilité à pied et à vélo, nouveaux aménagements obligatoirement testés en public par leur concepteur, etc. 

Je voudrais aussi une vraie équipe de choc pour mener tambour battant la politique du vélo, avec objectifs, méthode et attaque par tous les bouts. 

Ici visiblement on continue comme avant, en accélérant peut-être, en modifiant touche par touche. Je ne vois aucun effet mobilisateur pour la population dans une telle façon de s’y prendre, et guère plus pour les décideurs. Je m’attends à ce que la plupart des mesures ne se voient même pas. C’est peut-être par contre une façon d’avancer masquer, d’éviter les remous?

Un catalogue hétéroclite

Sébastien Bosvieux, de Toulouse, a remarqué que les cyclistes n’auraient plus besoin de se pousser pour être doublés, dans certaines zones, avant d’autres. A la même page du dossier de presse j’en profite pour remarquer plein d’autres annonces, telles que interdiction du stationnement motorisé devant les passages piétons, autorisation d’avoir des feux clignotants sur son vélo ou sur soi en plus des feux fixes, caméras ou rétroviseurs spéciaux sur les poids lourds si l’Europe le décide, etc. Tout ça en vrac, en évolutif et au futur. Comme souvent, adaptation aux pratiques constatées : c’est la société qui avance, et l’Etat régularise ! 

 

Voici les 3 solutions proposées par la Fédération des entreprises de Belgique pour améliorer la mobilité.
La Libre Belgique, 17 septembre.
1- Réseaux express vélo
2- Transports en commun
3- Télétravail et horaires flexibles

 

Une lectrice (merci Julie) a entendu à la radio Elisabeth Borne parler du « forfait Mobilité durable »[1. Elisabeth Borne face à Jean-Jacques Bourdin en direct, BFMTV, 17 septembre.]. Nous avions tous compris que ce serait une IKV simplifiée, comme décrit dans le dossier de presse. La ministre a dit que ce serait un remboursement plafonné des frais d’entretien du vélo, et sous réserve qu’on l’utilise pour aller au boulot ! D’autres mauvaises surprises surviendront sans doute, mais rien ne dit non plus que notre ministre ne se soit pas trompée devant un Bourdin qui passait son temps à lui couper la parole. 

Non, elle ne s’est pas trompé chez Bourdin !

Tout ça pour dire que ce plan est un catalogue d’ébauches de mesures hétéroclites à préciser et promulguer plus tard, que donc personne ne sera réellement au courant et que le risque est évident d’en voir une partie se perdre en route, d’autres d’être de portée réduite, enfin pour les rescapées de n’être que peu ou mal appliquées. De tout cela nous avons l’habitude, et ce n’est pas pour autant qu’il faille tout jeter.

Mais …

il y a au moins trois points qui me paraissent très puissants et qui n’ont encore fait peur à personne :

  • Le vélo dans le barême fiscal des déplacements professionnels;
  • La remise en double-sens -pour les cyclistes- de toutes les rues dont la vitesse est limitée à 50;
  • Le fonds, valable pendant 7 ans.

Le premier marque que le vélo fait partie des moyens normaux de se déplacer pour le travail.

Le second affirme que les sens uniques sont une hérésie absolue, et met fin à 45 ans de sens interdits qui n’ont cessé de pousser partout, rendant la vie impossible aux cyclistes. S’il est bien un obstacle à la pratique du vélo, c’est celui-ci ! Notez au passage que ceci est une décision radicale qui n’a été vue nulle part au monde.

Le dernier invite à voir en grand, et souligne que si aménager pour le vélo ce n’est pas cher, il faut quand même lancer de vrais et gros travaux, d’ailleurs proportionnellement aux dépenses réalisées pour créer les obstacles que l’on va enfin adoucir. Et ce dernier point n’est pas le moindre car de plus cela donnera lieu à de belles inaugurations et des articles dans les magazines ! Même la corporation des travaux publics doit se réjouir. 

Ce sont trois obstacles MAJEURS à la pratique du vélo qui devraient sauter :
L’absence de respect, les sens interdits, les obstacles infranchissables.
Rien qu’avec ça nous tenons une révolution du vélo
surtout s’il y a une suite. 

 

Voilà. Tout cela est peut-être habile, ou timide.
Plus courageux, le plan n’en serait qu’au même point : le début d’une nouvelle et longue bataille.
Certains vont continuer à critiquer, d’autres vont faire avec, et tirer au maximum dans le sens qu’ils considèrent comme le bon.
De toutes façons le vélo prend sa place, et de toutes façons les enjeux d’aujourd’hui le dépassent largement. N’empêche que tout est bon à prendre, et en particulier nos trois points. 

 

Note 1 : La Loi des Mobilités sera présentée au Conseil des Ministres fin octobre. Viendra ensuite le marathon des votes au Parlement, puis celui des décrets d’application… du boulot pour les blogueuses ! Le texte ne contient rien sur les véloroutes, ni sur les ateliers participatifs, ni sur les vélos dans les trains. 

Note 2 : Cet article doit être compris comme étant la suite de celui qui présente le Plan vélo. Ils se complètent, sans éviter quelques répétitions sans doute. Si une information vous manque elle est probablement dans la première partie.

Note 3 : « Plan vélo » : peut (beaucoup) mieux faire. » Le Shift project, un club de réflexion présidé par Jean-Marc Jancovici, vient de publier (le 20 septembre), sous ce titre, son avis sur le Plan vélo. Il regrette l’absence de notion de maillage sur tout le territoire et relève que primes, marquage des vélos, sas et DSC … n’ont d’intérêt que … s’il y a des cyclistes, d’où la nécessité du maillage. La note ajoute que « lorsque l’on parle de passer la part du vélo à 9%, on parle aussi, incidemment, de faire reculer celle de la voiture. Or, aucune mesure n’apparaît qui aurait pour effet de contraindre l’usage de celle-ci. »
Le Shift project a notamment travaillé sur la mobilité en zone peu dense ainsi que ce blog en a rendu compte : Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité« Développer le vélo » ne signifie rien tout seul. Pour le climat, le vélo peut beaucoup si on lui demande beaucoup.

 

—Compléments d’information—

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5 années

Donc il n’y a rien de fait pour le vélo et les piétons, ni pour améliorer les transports publics.
Les faux aménagements cyclistes ça coûte cher pour rien car ce n’est pas respecté par les motorisés. Le non respect des 1m et 1,5m pour doubler un cycliste n’étant pas immédiatement sanctionné est un des risques majeurs. Le « droit » de prendre un sens interdit dans une rue limitée à 50 km/h met trop en danger les cyclistes.
Travaillant dans ce ministère (DREAL) nous n’avons pas droit à la parole quand nous évoquons les dangers subis par piétons cyclistes et les difficultés des usagers des transports publics en commun.
De Rugy notre nouveau patron, aussi nul que Hulot, c’est déjà prouvé :
– copain des producteurs de pesticides
– avec E. Borne il ne fera rien pour le vélo et les transports publics.

Alice
5 années

Comme la personne précédente, je trouve que pour remonter une rue en sens unique sans aucun aménagement cyclable, il faut oser ! Les voitures dans le sens de la circulation vous repoussent systématiquement dans le caniveau ou les voitures en stationnement !

Hervé
5 années

Je me réjouis pour la fin des sens interdits (ce cauchemar à vélo) mais est-ce que les maires pourront prendre des arrêtés municipaux pour interdire qu’on prenne les sens interdits ? Parce que j’imagine que des gens vont se plaindre que ça les gêne de devoir croiser des vélos, en prétextant bien sûr que c’est dangereux.

Hervé
5 années
En réponse à  Isabelle Lesens

Des exceptions pour cause de danger, d’accord, c’est du bon sens. Mais j’ai peur qu’on voie fleurir des interdictions sur toute la commune pour ne pas s’embarrasser de détails.
Peut-être même, puisqu’on ne sait effectivement rien de concret, qu’il n’y aura jamais de décret d’application ? ou bien que cette mesure sera retoquée par une des chambres ? Je ne suis pas du tout juriste et je m’interroge…

5 années
En réponse à  Hervé

La loi de 2015 dit que le maintien de l’interdiction du DSC est possible à condition d’être motivé (en français : il faut qu’il y ait une raison objective). Si clairement c’est du bidon, on peut attaquer la mairie pour supprimer cet arrêté, comme par exemple à Perpignan « Généralisation du  Double  Sens  Cyclable  (DSC) (au 04/01/2016) »
http://www.fubicy.org/IMG/pdf/Fiche_DSC_Z30_04-01-2016.pdf

5 années
En réponse à  Vincent

Le document que vous citez le précise : « [le maire] bénéficie d’une large marge d’appréciation quant aux motifs lui permettant de faire exception à la règle. » Hélas.

Hélène M.
5 années

Le fait que ce soit le Premier ministre qui ait fait les annonces n’était-il pas un acte « mobilisateur » en lui-même?

Dominique Bied
5 années

Dans le commentaire de Jancovici, il y a un point essentiel. Un plan vélo doit viser un objectif de transfert modal de la voiture vers le vélo. Cela passe par contraindre le système automobile, par une redistribution de l’espace public de surface, particulièrement le stationnement. Il faut à la fois créer un système vélo performant, ce qui se fait aux Pays-Bas, et réduire la performance du système voiture.

5 années
En réponse à  Dominique Bied

Dans l’esprit des décideurs politiques (élu(e)s locaux) on en est pour le moment à l’idée généreuse mais creuse (et inopérante) du « partage de la route ». Autrement dit ils/elles reconnaissent qu’il existe une pratique et un désir de vélo. Mais seule une infime minorité ose assumer ouvertement une politique de contrainte à l’égard du « système voiture » même si dans la pratique ils mènent une telle politique, aussi timide soit-elle. Et quand bien même ils/elles élaborent et votent également des PDU qui prévoient des hausses de part modale vélo et des baisses de part modale voiture (comme à Orléans).

Adrien
5 années

J’ai toujours considéré qu’un sens interdit est un double-sens cyclable qui s’ignore… Le système de sens interdit a été inventé pour fluidifier le trafic automobile et libérer de l’espace pour du stationnement latéral. Il n’aurait jamais dû être imposé aux cyclistes. Je pense que ça a grandement contribué à la quasi-disparition du vélo de tous les jours en France et dans d’autres pays dans les années 70 / 80.

Millotte
5 années

Un exemple parmi d’autres :
Je me rends de temps en temps à l’hôpital Saint-Louis dans le 10e arrondissement de Paris et découvre qu’un aménagement vient enfin d’être installé pour garer les vélos (ce qui existait déjà était pour les deux roues motorisées et loin de l’entrée du bâtiment).
1) toujours la question du stationnement à proximité des bâtiments publics —> devoir attendre plus de vingt ans après les premiers aménagements cyclables à Paris est lamentable !
2) les aménagements consistent en des râteliers avec attache par la roue avant —> pourquoi ce choix dont il a été dit clairement qu’il n’est plus adapté à cause des risques de vol ?
3) les râteliers eux-mêmes sont mal conçus, puisqu’ils permettent difficilement de mettre tous les vélos côte-à-côte tellement ils sont proches les uns des autres et pas en quinconces —> cela bloque au niveau des guidons qui ne passent pas.
4) il y a deux râteliers de six places chacun (douze au total) et qui étaient complets ce jeudi 11 octobre ; il y avait 18 autres vélos garés un peu partout aux différents poteaux de signalétique. C’est au moins 36 places qu’il faudrait.
Voilà, même quand les gens font du vélo, c’est ailleurs que ça freine ou bien que les aménagements sont mal conçus.

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