La FNAUT-IdF a réalisé pour la Ville de Paris une étude de requalification de 6 places. Parmi elles la place de la Concorde, une des plus belles places du monde… une fois débarrassée de ce qui n’a rien à y faire. Le projet technique pour sa rénovation était prêt…
Le constat est déjà connu, rappelle la FNAUT-Ile-de-France, les véhicules motorisés occupent une place beaucoup plus importante que ce que leur simple nombre devrait autoriser : 13% des déplacements, 50 % de l’espace occupé. Il ne suffit pas d’en être conscient, bien sûr, pour tout changer. L’organisation, les habitudes, le manque de références créent des résistances fortes à tout changement dans l’organisation de l’espace public. Il n’en va pas de même des grandes places !
L’association a donc choisi 6 places emblématiques, devenues plutôt des carrefours, pour illustrer tout les bienfaits qu’il est possible de trouver à leur réaménagement.
La place de la Concorde est un site emblématique entre les jardins des Tuileries, qui descendent depuis le Louvre, et l’avenue des Champs-Elysées, qui commence elle aussi par des jardins. C’est un lieu d’une grande élégance avec bâtiments classiques, fontaines, statues représentant les principales grandes villes de France, guérites et balustrades, colonnes, lampadaires, et l’obélisque, au dôme redoré sur ordre de François Mitterand. Elle fut tour à tour au gré des périodes place Louis XV, place de la Révolution, place de la Concorde, place Louis XV, place Louis XVI, place de la Charte, et enfin, sous la monarchie de Juillet, place de la Concorde … C’est là qu’a lieu le défilé du 14 juillet et là que se dispute l’arrivée du Tour de France. C’est certainement aussi la place la plus vue par les touristes, entre Palais du Louvre, grand et petit palais, jardin des Tuileries et jardins des Champs-Elysées.
Elle n’est guère aujourd’hui qu’une énorme plate-forme de circulations est-ouest et sud-nord, qui plus est très mal fichue, que les touristes traversent en courant !
La place de la Concorde
Prendre la Concorde c’est créer le verrou dont la ville a besoin pour s’établir zone à trafic limité. C’est bloquer, ou fortement restreindre, l’embouteillage permanent de la Madeleine, des Grands magasins et de Saint-Lazare. C’est casser la traversante quasi autoroutière qui va des quais rive droite dans le 16° jusqu’à l’autoroute n° 4 à Bercy, avec plusieurs passages en longs dénivelés à l’ouest de la place de la Concorde comme à l’est au-delà de l’Hôtel de Ville.
Aujourd’hui encombrée de kiosques à souvenirs d’un côté (mais débarrassée de sa foire de Noël!) et totalement disproportionnée partout ailleurs, elle avait fait l’objet d’un projet remarquable sous la direction de Jean Tibéri, maire de Paris de 1996 à 2001. Il faisait tellement l’unanimité dans la population qu’il ne restait plus qu’à trancher entre place minérale, comme à l’époque de la Révolution, place avec un peu de verdure, place très plantée comme l’air du temps y incitait. Tibéri n’étant plus maire, le projet fut oublié. Il l’est encore.
Des six projets de places étudiées par la FNAUT-IdF c’est celui qui me tient le plus à coeur, notamment parce que je faisais partie de ces Parisiens enthousiastes lors de l’élaboration du premier projet, stupéfaits et meurtris que ce beau rêve fut abandonné sans même qu’on en parle.
Mon choix s’est porté sur l’hypothèse la plus ambitieuse. (…) M. le Préfet de police a donné son accord de principe à cette proposition ambitieuse qui permet de rendre 80% de l’espace de la place aux piétons. (Elle) permettra d’offrir de véritables liaisons piétonnes entre le jardin des Tuileries et l’avenue des Champs-Élysées d’une part, entre le pont de la Concorde et la rue Royale d’autre part.
Extrait d’une déclaration de Jean Tibéri en novembre 1999 (dans l’étude, p. 9)
L’idée soutenue par l’association est de faire passer toute la circulation motorisée (bus et véhicules particuliers) par le côté Champs-Elysées, sur la largeur de chaussée actuelle. Tout le reste, c’est-à-dire tout l’espace délimité par les statues des villes de France, serait piétonnier, et donc en communication directe sur le plus large côté avec le jardin des Tuileries et seulement traversé par de discrètes pistes cyclables.
Ce projet est plus ambitieux que celui d’il y a 20 ans, encore plus intéressant. Eu-t-il été réalisé qu’aujourd’hui on voudrait aller plus loin. Il apparaissait alors comme d’un courage sidérant. Il nous paraîtrait aujourd’hui médiocre, à cause des autobus (et taxis etc.) qui la traverseraient. Il avait été « validé » par tous les services voulus, y compris de police (qui y voit des avantages pour les jours d’évènements nationaux), aujourd’hui la circulation à « faire passer » est moitié moindre. C’est pourquoi maintenant on reprendrait quasiment le même plan, à l’exception des autobus.
D’ailleurs je me demande si l’on ne doit pas aller encore un peu plus loin que l’AUT : Avec ce projet les pistes cyclables centrales sont-elles encore nécessaires?
Alors madame la maire ? La place de la Concorde n’est plus la place Louis XIV ! Elle est la plus belle place de Paris et certainement la plus visitée des touristes et la plus vue à la télé. Son réaménagement faisait l’unanimité … Votons pour la place de la Concorde ! Vous tenez là l’occasion de sauter d’un coup 20 ans d’histoire sans mentir et de devenir aussi célèbre que celui qui fit dorer le capuchon de l’obélisque !
Les autres places
Les 5 autres places étudiées par la FNAUT-Ile-de-France souffrent des mêmes maux, espace démesuré, ilots inaccessibles, passage des piétons et cyclistes exagérément contraint. A cela s’ajoute des considération patrimoniales ou historiques. Les propositions se ressemblent peu ou prou, et peuvent se résumer en « raccorder les centres aux bords; canaliser d’un seul côté la circulation motorisée ».
Porte d’Orléans : en faire une vraie place digne d’une entrée de Paris (entrée dans Paris par l’ancienne route d’Orléans, par où sont arrivés les libérateurs avec le général Leclerc), et non plus une plate-forme d’échanges relevant du purgatoire. Tout l’espace central, en forme d’entonnoir, devrait être piétonnier ce qui clarifierait les circulations et rendrait les trajectoires des cyclistes plus sûres.
Place du Trocadéro : une place très vaste sous-utilisée et très dangereuse. La proposition est de réunir la statue et son square central au parvis des Droits de l’Homme, c’est à dire au Trocadéro ce qui en fairait un vaste espace piétonnier tout en maintenant la circulation, à double sens, du côté des avenues. A noter cependant que la Ville de Paris a lancé un appel international à projets pour requalifier profondément l’ensemble urbain prestigieux qui va du Trocadéro à la tour Eiffel. (Présentation du secteur en février 2018.)
Place de l’Opéra : ce pourrait être une des plus belles places de Paris si elle n’était pas embouteillée du matin au soir. Le minimum est évidemment de faire se raccorder l’espace central au parvis de l’Opéra. Pour aller un peu plus loin, un espace piétonnier où seraient admis bus et vélos tout autour de l’Opéra permettrait d’en faire une très belle place mettant en valeur l’ensemble du bâtiment.
Place Félix-Eboué, au métro Daumesnil : la fontaine aux Lions est inaccessible, il faudrait au contraire que l’on puisse s’y rafraîchir. Un élargissement de l’espace central permettrait de fortement réduire les longueurs de traversées, comme cela se pratique déjà à Paris, par exemple place de la Nation.
Place Denfert Rochereau : Comme la place de la République avant réaménagement, elle est occupée en son milieu par deux mini-squares. Sur l’un se trouve la statue du Lyon de Belfort (qui évoque un acte de résistance de 1870). L’autre est constitué d’un petit square, lui même coupé d’un autre petit square. Tout cela est englué dans la circulation automobile. Il faudrait réunir tous ces espaces piétonniers, améliorer les accès aux catacombes (où le colonel Rol-Tanguy avait son PC avant et pendant la Libération de Paris) et à la rue Daguerre, elle-même piétonne, regrouper les arrêts de bus, mettre en valeur les deux bâtiments d’octroi, bref l’organiser pour ce qui fait sa richesse humaine et historique.
- L’étude est consultable sur le site de la FNAUT-IdF : Places et carrefours, des espaces parisiens à reconquérir. Décembre 2018.
- Libération, 23 septembre 98. : Table rase place de la Concorde. La «piétonnisation» est un projet électoral, selon la gauche.
Merci pour cet article. En plus de la portion congrue d’espace protégeant les cyclistes des motorisés, il faut signaler que cette maigre part piétonne / cyclable le long des Tuileries est régulièrement privatisée, chaque opération se déroulant en 3 phases:
. montage marquant le début du montage: de 1 à 2 semaines
. opération (parfois quelques heures seulement)
. démontage: de 1 à 2 semaines de nouveau.
Ce matin, le démontage du défilé Céline a débuté après 1 semaine de blocage complet de la portion le long des Tuileries pour 1h de défilé hier soir… En attendant, on constate que la piste existante autrefois labellisée « réseau cyclable structurant » s’efface pudiquement sur des plans plus récents. Au delà du réaménagement prévu, il faudrait aussi penser à arrêter d’autoriser n’importe quoi sur les aménagements cyclables présents et à venir…
Un grand merci, Isabelle, pour cet excellent article !
Un petit détail historique qui ne change évidemment rien au fond du problème : Napoléon a certes commis pas mal de vols pendant ses campagnes (entre autres celui du quadrige de la porte de Brandebourg à Berlin), mais on ne peut quand même pas lui reprocher d’avoir volé l’obélisque, qui est arrivé bien plus tard : c’est un cadeau offert au roi Charles X par Méhémet Ali, vice-Roi et Pacha d’Egypte.
Excellente année à toi et longue vie à isabelleetlevélo !
Ah … j’ai supprimé, en plus cela n’apportait rien en effet. Mais merci !
Bon je me dévoue pour le souligner : excellent titre de billet ! ?
☺️ ? oh Jeanne ! J’espère qu’il aura des suites!
Avant de ré-aménager la place de la Concorde, ne pourrait-on pas aménager tout l’espace entre rond-point des Champs-Elysées et Concorde, un espace inutilisé en plein milieu de la partie la plus prestigieuse de Paris ? Quand il n’y a pas d’évènement avec tribunes ou tentes d’exposition, les touristes s’y trainent sous la chaleur ou la pluie, sans une seule boutique, ni resto hormis Lenôtre) : c’est un gaspillage d’espace invraisemblable !
Il faut donc y construire un quartier vivant avec surtout des logements, certes plutôt luxueux. Du coup, la Concorde sans voitures serait justifiée comme place de quartier, tout en restant prestigieuse (axes Champs-Elysées – Tuileries et Madeleine – Assemblée). Un peu d’herbe y serait bienvenue sous les fenêtres des nouveaux habitants.
Merci Isabelle pour cet article !
D’une manière plus générale, les élus en charge des transports et les urbanistes de la Ville ont-ils profité des récents jours de neige pour photographier les espaces de circulation réellement utilisés par les véhicules motorisés afin de s’appuyer dessus pour leurs projets d’aménagements de la voirie en rendant les « délaissés » aux piétons et cyclistes ? (j’ai oublié le nom de cette technique de visualisation)
Le sneckdown, traduit en français par améneigement.