Jacques Chirac, 1er maire de Paris anti-bagnoles ?

Article

Accueil » Lectures et Documents » Histoire » Jacques Chirac, 1er maire de Paris anti-bagnoles ?

J’avais d’abord écrit, le 26 septembre, jour du décès de Jacques Chirac, que le premier maire de Paris avait aussi été le premier maire de Paris à lutter contre l’envahissement automobile et à prévoir la fin du pétrole. Je soulignais qu’il avait été l’objet de profonds malentendus avec les cyclistes, mais qu’il n’en avait pas moins beaucoup oeuvré pour rendre cette ville plus vivable.
Chers lecteurs, une bonne partie de ce que j’avais écrit vient de m’être dénoncé comme trop optimiste et avoir subi quelques mélanges dans la chronologie. Cet article vient donc d’être l’objet de corrections et de notes supplémentaires. Les principales modifications sont surlignées.

Jacques Chirac est décédé, vient-on d’apprendre (26 septembre 2019) par France-infos. Il avait 86 ans, et on savait qu’il ne s’intéressait plus à grand’chose, comme le raconte notamment Jean-Louis Debré dans son livre Ce que je ne pouvais pas dire (Robert Laffont, 2016).

Pour les Parisiens il aura été le maire qui n’avait pas pu s’opposer1 En réalité nous avions fait en sorte que la mairie de Paris ne puisse s’opposer à cette ouverture d’une journée des berges de la Seine aux cyclistes. à la première ouverture des berges de la Seine aux cyclistes, le dimanche 10 juillet 1994. Mais il fut surtout le premier maire de Paris qui ait compris que l’automobile prenait trop de place dans la ville. 

Les axes rouges

Il avait créé les axes rouges (sur les quais, sur le boulevard Saint-Germain…)2 En 2001, 19 axes parisiens avaient le statut d’axe rouge : avenue de Clichy, une partie de la rue de Rivoli, boulevard de Sébastopol, boulevard Beaumarchais, boulevard Magenta, boulevard Barbès, boulevard Ornano, avenue Jean-Jaurès, une partie de la rue Lafayette, boulevard Morland, quai des Célestins, quai de l’Hôtel de ville, quai de Gesvres, quai de la Mégisserie, l’ensemble des quais de Seine rive gauche, boulevard Saint-Michel, avenue Denfert-Rochereau, avenue du Général Leclerc et avenue Jean Moulin. 20 minutes. Vous imaginez l’horreur ….  où le stationnement était banni, afin d’y faire passer le maximum d’automobiles et en débarrasser les quartiers avoisinants. Ceci fut très mal vécu par les cyclistes qui se retrouvaient à devoir rouler sur de véritables voies express en pleine ville. Ils n’acceptèrent pas mieux le slogan alors lancé de « Paris veut rouler, on va tous l’aider ». Nous pensions « Rouler ??? rouler en auto ? ben non on veut pas !  ». 

Les couloirs – bus

Il fut aussi celui sous le « règne » duquel furent créés3 Le  premier couloir de bus ouvert aux vélos fut créé en 1964 sur le quai du Louvre. Cette politique fut poursuivie sous Chirac, mais c’était le préfet de police qui en était en charge, comme de toute la politique de circulation. de nombreux couloirs réservés aux autobus. C’est cette politique, commencée avant son élection, qui avait provoqué la création du mouvement pour les couloirs à bicyclettes, devenu rapidement le Mouvement de Défense de la Bicyclette4 Le mouvement pour les couloirs à bicyclette a été créé par Jacques Essel en 1972, et fut transformé en Mouvement de Défense de la Bicyclette en 1974. MDB. Physiquement les cyclistes ne trouvaient un minimum de sécurité qu’en roulant à droite de la chaussée, ce qui d’ailleurs correspond au code de la route. Cette histoire de couloirs de bus fut le déclencheur de l’action de Jacques Essel en faveur du vélo: ils étaient vécus comme une agression caractérisée.

Potelets, Champs-Elysées, quartiers tranquilles et j’en passe

Jacques Chirac fut aussi celui qui fit hérisser les bords des trottoirs de potelets, seul moyen encore à ce jour de les préserver du stationnement. A l’époque le soir les trottoirs du centre étaient totalement envahis. Il fut aussi celui qui lança la première rénovation des Champs-Elysées, « qui a supprimé les contre-allées de l’avenue des Champs-Elysées pour élargir les trottoirs et empêcher le stationnement des voitures » nous rappelle Le Parisien. La création de pistes cyclables en bordure de l’immense chaussée qui demeure ne fut alors pas jugée recevable, malgré des appuis bien placés, tout comme il fut très difficile d’obtenir que si les « Deux-roues » se voyaient interdits de stationnement, pour cause d’huiles, cela ne devait pas concerner les cyclistes.  

Jacques Chirac fut aussi le père du premier quartier apaisé (quartier Nationale, 13° arrondissement, dont le maire était Jacques Toubon)5 Ce premier essai de quartier tranquillisé, dans le 13° arrondissement, est toujours visible. A l’époque j’avais trouvé que la bonne volonté était sincère, et l’absence de savoir-faire patente. Des pistes cyclables dans un tel endroit étaient un contre-sens, et compliquaient la vie des cyclistes. J’avais eu après-coup la commande d’une petite étude pour rendre ces pistes plus accessibles, qui ne fut pas suivie d’effet. devenus Quartiers tranquilles sous Tibéri, successeur de Chirac, rebaptisés par la gauche Quartiers verts puis aujourd’hui tout simplement Zones 30.

En 1979 il abandonne le projet de « radiale Vercingétorix » ( une « pénétrante » destructive de tissus urbain entre la gare Montparnasse et la porte de Vanves), et en 1982 il lance pour les cyclistes les « couloirs de courtoisie », qui furent un échec retentissant. Il faut dire que Jacques Essel avait alors plus de pouvoir en matière de vélo que les services n’avaient de connaissance en la matière. Tout cela est raconté par moi ici

Hélas, pour le vélo …

Malgré sa conscience de la fin de l’automobile, il ne comprit jamais rien au vélo, ce qui fait qu’en juin 1990, lorsque je publiai dans 50 millions de consommateurs le premier Palmarès des villes cyclables, Paris fut classée 20eme sur 24. 

Il fut le premier maire de Paris élu au suffrage universel, et a tenu la Ville pendant 18 ans, de 1977 au 16 mai 1995, lorsqu’il accéda au fauteuil de Président de la République. Son successeur fut Jean Tibéri, qui avait été son premier adjoint.  

Le Moniteur, de son côté, nous rappelle qu’il avait parfaitement compris que le pétrole aurait une fin et qu’il fallait « multiplier par cinq les biocarburants d’ici deux ans, développer la voiture électrique et économiser l’énergie dans l’habitat. »

Il avait imposé l’inscription du principe de précaution dans la Charte de l’Environnement : « Cette Charte affirmera des droits et des devoirs ainsi que des principes : la responsabilité écologique, la prévention, la réparation, la précaution, l’information, la participation aux décisions », cité par le Moniteur. 

Chirac fut un grand homme d’Etat

Alors Chirac fut-il vraiment un maire anti-autos ? Ce n’est pas certain … Il aura plutôt manoeuvré pour qu’elle puisse continuer, malgré des nuisances qu’il aura tenté de minimiser, à moins que ce dernier mérite ne revienne au préfet de police et à Jacques Toubon, pour un premier quartier. C’est certainement à Jean Tibéri que doit revenir le titre de Premier maire anti-bagnoles, mais ceci est une autre histoire.
Pour revenir à Jacques Chirac et compléter mes propos je vous suggère, comme le 26 septembre, la bio publiée par Franceinfo.

Notes

Print Friendly, PDF & Email
Partager sur :
S’abonner
Notification pour

1 Commentaire
Le plus ancien
Le plus récent
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Agenda

Évènements à venir

En Bref

Lectures & Documents

Parler de vélo : quand c’est flou c’est flou

Entre absence de vélo au cabinet du ministre et confusions entre Mobilité et Transport, le nouveau gouvernement semble repartir de zéro. Il voudrait même ouvrir des nouvelles « Assises »… On comprend que la Fub se méfie. Petit historique d’un flou souvent volontaire, mis à jour le 18 mars.

lire plus

Actualités & Récits