Les adieux à Paul Fabre

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Le grand professeur, grand cycliste et auteur prolifique Paul Fabre nous a quittés le 12 janvier 2023. Résident d’Alès il se trouvait à Pézenas à ce moment-là.

Pour nous cyclistes, Paul Fabre était l’auteur de nombreux ouvrages ayant trait au vélo, à commencer par Saint Eddius priez pour nous, Eddius à la fois nom d’auteur et nom du héros, préface de Raymond Poulidor, couverture par Jacques Faizant, dédicace à Louison et Jean Bobet ainsi qu’à ses filles, « mes deux petites reines TOUT CAMPA ». Édité à compte d’auteur en 1987. 191 pages de jeux de mots et d’anecdotes picaresques… patronné par l’Académie cévenole dont il fut plus tard le secrétaire perpétuel. 

Photo Midi-Libre

Pour d’autres, il était le professeur émérite de l’université Paul-Valéry de Montpellier, spécialiste de philologie romane, grammairien, ayant enseigné l’histoire de la langue française depuis le moyen-âge, ayant publié énormément de livres, y compris en occitan et même en ancien occitan. Parmi ses dernières oeuvres on trouve une histoire de cette belle langue, en occitan. 

Midi-Libre

Paul Valéry me direz-vous, c’est à peu près le contraire de Paul Fabre ? Le premier, enterré à Sète, est d’une austérité et préciosité à rendre imbus de sa culture n’importe quel lecteur. Le second est affable et joueur, et puissamment cultivé … jusqu’à savoir qu’avec Valéry il ne fallait pas se la jouer, juste écouter la musique de ses vers plutôt que de chercher à leur donner un sens. 

Pour moi, pour d’autres, il aura été un peu des deux, un « érudit affable » comme écrit le Midi-libre, un amoureux et historien de la langue, et un grand cyclotouriste « version FFCT », longtemps président de l’amicale des diagonalistes.  Hélas pour lui il avait fini par devoir renoncer aux joies du vélo, ce qui lui donnait alors la matière de Un dernier mot, si vous permettez (2020) et Une ivresse continue ou la saga d’un cycliste ordinaire (2022), deux déclarations d’amour au vélo.

un peu au hasard …

Je n’oublierai jamais sa grandiose déclamation lors de la conférence d’histoire du cycle de 2015 à Entraigues sur la Sorgue. Voici d’ailleurs ce que j’en publiais : 

Le style de Paul Fabre, son éloquence, son rythme, ses allusions et jeux de mots me firent rire aux larmes. Un auditeur totalement non francophone m’avoua que lui aussi avait adoré écouter sa musique, alors-même que son texte était à peu près intraduisible 

Paul Fabre justifiait ainsi son conseil, appliqué à lui-même ! Il ne tenait déjà plus trop sur ses jambes, et voilà que, le temps de se lever et de prononcer son « discours » (qui était plutôt une ode),  il était ressuscité !!! 

La communication qui a eu le plus de succès fut celle de Paul Fabre, auteur de nombreux ouvrages de linguistique, grammaire, romans… Sous le titre « Les premiers récits cyclistes, l’inévitable épopée » il dépiota trois œuvres connues pour nous montrer en quoi tout en elles concourent à l’exagération. Si ce que l’on a fait n’est pas extraordinaire, en effet, pourquoi le raconter ? Ces trois œuvres sont :

  • Alcide Bouzigues, 1895 : Voyage fantastique en bicyclette de Paris à Lannemezan (éd. Artisans voyageurs)
  • Edouard de Perrodil, 1893, Velo ! Toro ! Paris – Madrid à bicyclette (éd. Le Pas de l’oiseau)1 Sur Perrodil voir aussi ma présentation de deux de ses ouvrages.
  • Docteur Ruffier, 1926 : Voyage à Bicyclette de Paris à la Méditerranée par le Jura et les Alpes (éd. Artisans voyageurs, toujours dans la même collection).
26° conférence internationale d’histoire du cycle, dans Isabelle et le vélo2 Suite à une demande j’ai retrouvé les actes de la conférence.

Il expliquait ce qu’il disait déjà dans Eddius, que c’est le verbe qui fait le fait, comment un petit fait insignifiant peut accéder au rang de légende, effaçant tout fait important qui n’aurait pas bénéficié de récits. Sans verbeux pas de retombées historiques. Saint Eddius, un livre qui m’a fait rire à en affoler tout le voisinage.

A partir de 2015 il devint ami de l’éditeur et cyclotouriste Gilbert Jaccon, qui publia pas moins de 42 de ses bouquins, certains d’ailleurs étant réservés aux proches. 

Je suis tentée de vous citer quelques unes de ses autres publications, la dernière étant une nouvelle traduction en français moderne de La cançon de la Crosada (La chanson de la Croisade), un poème épique en occitan donnant un récit de la croisade contre les Cathares. Un livre passionnant, nous dit Gilbert Jaccon, on y décrit la mise à sac de Béziers et le massacre de 20 000 personnes, puis la guerre des châteaux où l’on détruit les édifices cathares. Dans la deuxième partie, faite de 7 000 vers, on traite du concile de Latran, du siège de Beaucaire puis de celui de Toulouse. 

Sur le vélo Fabre publia notamment Expressions du cyclisme, en 2004, de nombreux romans quelquefois chez l’Harmattan, ou encore Six vélos pour mille bonheurs chez Gilbert Jaccon en 2020, et de nombreux autres.

complètement au hasard…

On ne pouvait qu’avoir de l’affection pour Paul, et de l’admiration. L’adieu publié par Gilbert Jaccon le dit mieux que moi :

Adieu Paul, toi O mais grande para sempre.

Gilbert Jaccon

Je n’avais plus de contact direct avec lui, ne sachant trop s’il voyait bien qui j’étais. En revanche j’avais de ses nouvelles par Henri Bosc, éminent cyclo bordelais qui roula souvent avec lui, et qui d’ailleurs m’a écrit l’information à peu près en même temps que sa fille, la petite Céline Tout Campa ! 

Les obsèques se sont déroulées en l’église Saint-Joseph d’Alès. Il a été inhumé au cimetière de Chambon. Les messages seront nombreux sur les avis de décès du journal, et nombreux les articles dans les gazettes cyclotes.

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Le journal n’a pas tout vu …

Résident d’Alès, Paul Fabre se trouvait comme fait exprès à Pézenas lorsqu’il est décédé. Pézenas c’est bien le lieu où Molière débuta sa carrière, et où naquit en 1798 Israël Bédarride, brillant avocat du barreau de Montpellier et prolixe historien.
La ville est à 7 km de Nizas, joli village d’origine romaine, sur un site habité depuis la préhistoire, au coeur de l’Hérault, et lieu de naissance de Paul Fabre en 1935.

Paul Fabre était un méridional pur, érudit et passionné, un grand cycliste, un orateur et écrivain digne des plus grands Piscénois. Enfin, c’était lui, Paul Fabre. 

Merci à Henri Bosc pour sa relecture de mes propos et pour ses conseils. 


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1 année

Merci isabelle, pour lui, pour nous et pour tous ceux qui viendront à le connaître par ce blog et par tous ses livres.

Fichant, Serge
1 année

Bonjour Isabelle
Je ne connaissais pas Paul Fabre, mais tu lui rends un hommage fort, aussi fort que son accent et son érudition sur la langue occitane.
Tu cites un ouvrage que je possède, Voyage fantastique en bicyclette de Paris à Lannemezan par Alcide Bouzigues. J’avais organisé avec le club Cyclo de Lannemezan le centenaire de ce voyage fantastique … Alcide Bouzigues était pharmacien à Paris et assez fou pour, dans les années 1890, décider de prendre la route vers Bordeaux et le milieu des Pyrénées, pour rejoindre sa maison familiale à Pinas, exactement.
Je vais tenter de retrouver les ouvrages de Paul Fabre, j’éprouve une grande curiosité pour ce genre d’écrits.
Merci a toi pour cet article élogieux.

En réponse à  Fichant, Serge

Tous les livres cyclistes de Paul Fabre sont présentés dans la Biblio-cycles.
Voir aussi l’hommage de Biblio-cycles à Paul Fabre.

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