Ceci n’est pas le titre d’un article mais d’une revue de presse, sur un centre pour personnes sans domicile qui a été construit en plein sur une piste cyclable, dans le 16° arrondissement de Paris. C’était si gros que personne ne l’a vu. C’est devenu un piège entre solidarité, politique et plan vélo à construire. Un piège d’information pour que le sujet ne soit pas mis sous le tapis, et la piste réparée. Un piège de priorités en 9 points, de la piste cyclable à l’élection d’un président pour la France. Ajout du 3 décembre : visite du centre en vidéo (Pavillon de l’Arsenal)
Paris : Le piège de la piste cyclable démolie.
Ceci n’est donc pas un article sur le centre pour personnes sans domicile qui a été construit en plein sur une piste cyclable, dans le 16° arrondissement de Paris, mais une revue de presse. Pas de mention dans les journaux, sauf tout récemment, un tout petit peu sur la toile. C’est un piège car le projet a été fort contesté, mais jamais sous l’angle de son emplacement sur une piste cyclable. Par indifférence sans doute, par gêne par rapport à l’aide apportée aux personnes dans la difficulté, gêne aussi pour raisons politiques, ou bien parce que ceux qui ont vu n’en ont pas cru leurs yeux.
Bref, une belle piste, structurante et agréable, a été démolie. Sans doute pas délibérément, peut-être par simple erreur, peut-être pour en finir avec les oppositions, ainsi que le suggère le second article cité.
Revue de presse sur la piste cyclable des fortifications, démolie à l’automne 2016, suivie du relevé de quelques urgences.
1 Centre pour SDF du bois de Boulogne: le chantier est presque fini. Le Figaro, 15 septembre 2016. Lire le commentaire : « Rappelons que cet édifice est posé sur une route et une piste cyclable, qu’il interrompt donc complètement. »
2 SDF au Bois de Boulogne entre hystérie locale et gabegie politique. Blog de Hugues Crepin, 18 mars 2016. Tout l’historique de l’affaire, beaucoup d’informations, et cette mention « La piste cyclable sera interrompue et 170 places de parking perdues. » Il se peut qu’on ne pouvait pas faire autrement si on voulait en finir avec les oppositions, suggère l’auteur, dont par ailleurs je ne sais rien.
En tous cas une belle saloperie faite aux cyclistes, et au « plan vélo » … d’autant qu’une fois coupée en deux morceaux, cette piste n’a plus aucun intérêt.
3 Le 5 novembre 2016 le centre est inauguré, et Emmanuelle Cosse, ministre du logement, twitte : #Paris16 Ce centre d’hébergement de 200 places permettra d’accueillir dignement et de proposer un accompagement pour tous #Solidarité.
S’ensuit un petit échange : (Isabelle) vous saviez que c’est SUR la seule piste cyclable importante de l’ouest parisien ? / (Emmanuelle Cosse) il y a bien une piste cyclable, sauvegardée, qui longe le centre d’hébergement / (Isabelle) madame, tant mieux, mais j’ai fait des photos pendant les travaux. Les bâtiments ont été déplacés après construction ?
Puis des alertes vers plusieurs responsables locaux, et quelques passes d’armes « constructives » : Comment peut-on opposer l’accueil d’ #humains à la pratique du #velo ?
#YaDesFachosMêmeChezLesCyclistes, et aussi ceci, qui contribue à tout mélanger :
rien entendu quand le maire de Nogent a cédé aux voitures autour du bois de #Vincennes ou celle-ci : Et la condamnation de l’incendie criminel alors qu’il y avait 50 pers. à l’intérieur dont des enfants, c’est pour quand ? (C’est beau d’être soudain chargée de toutes les batailles !!!), ou ceci qui résume assez bien l’opinion de certains : Je defends la bicyclette mais aussi certaines valeurs de solidarité, d’accueil… La piste attendra.
3bis Visite des lieux en vidéo du Pavillon de l’Arsenal. Il s’appelle « Les promesses de l’aube » et a été construit sur … un terrain en friche !!! (ajout du 3 décembre)
4 Le Parisien en remet une couche le 14 novembre 2016 : Quand les pistes cyclables ne mènent… nulle part.
5 Et le 18 novembre, Abel Guggenheim en parle dans Tout un rayon : Pistes cyclables en impasse ou supprimées, un exemple à Paris. Pendant sa visite, en images, il propose même des solutions.
6 Le 20, le Journal du Dimanche nous dit ce que nous avons déjà entendu 1000 fois : Les jeunes ne passent plus le permis de conduire. Ils n’en ont pas besoin, tout simplement, disent-ils, et utilisent le réseau de transports en commun régional « noté comme étant le meilleur du monde en octobre dernier par l’Institut for Transportation and Development Policy. Dans cette étude, Paris intra-muros est en tête devant 25 mégalopoles ».
« Ce phénomène (…) s’observe dans tous les pays industrialisés, même aux Etats-Unis depuis le début des années 2000. »
7 Alors si « Les pays du monde entier ont salué le leadership français » (sur la COP 22) selon Royal (même journal, 20 novembre), on s’en fout. Mieux vaut lire l’avis de Laurent Fabius : Notre maison continue de brûler (JDD, 6 novembre), ou le communiqué de la fondation Shift Project (à Paris, le 20 novembre) :
Emissions mondiales : – 5% par an maintenant, ou … impossible plus tard.
COP22 – Pour sauver le climat, c’est maintenant ou jamais !
Pour avoir une chance de limiter le réchauffement à +2°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 5 % par an dès 2018. C’est déjà énorme, mais si nous tardons davantage à agir, le défi deviendra pratiquement impossible à relever. Si nous attendons par exemple 2025, il faudrait que le rythme de réduction atteigne pas moins de 10 % par an. Irréaliste : cela reviendrait à diviser par deux les émissions mondiales en sept ans, souligne une note d’analyse que publie The Shift Project à l’occasion de la clôture de la COP22.
Attendre encore dix ans pour agir, c’est renoncer à sauver le climat ! Il est illusoire d’espérer transformer 10 % de l’économie chaque année, et de façon durable.
La frontière entre « c’est encore possible » et « c’est devenu totalement inatteignable » est dramatiquement liée à ce que nous ferons et déciderons durant les trois ans qui viennent. Chaque année qui passe sans que nous réduisions nos émissions rend plus inaccessible l’objectif des +2°C. Attendre 2025 pour décider d’objectifs nationaux plus ambitieux que ceux présentés lors de la COP21 signerait la mort de l’accord de Paris. L’humanité est engagée dans une course contre la montre. Comme dans la fable, l’important, c’est de partir à point…
Sans une mobilisation exceptionnelle et rapide pour réduire les émissions, l’accord de Paris risque de rester dans l’Histoire comme le symbole d’un aveuglement collectif.
Inventons dès maintenant le monde post-carbone ! L’année 2017 doit être partout – et d’abord en Europe – le début d’un profond mouvement de transformation. Les émissions de l’Union européenne ont crû de 1,4 % en 2015 alors qu’elles ont baissé de 0,7 % en Chine et de 2,6 % aux États-Unis. Nous n’avons plus d’autre choix que de nous engager sans tarder dans une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons tout à y gagner.
8 Le rôle du vélo ne peut pas être passé par dessus la jambe.
Comptages de trafic suite à la fermeture des voies sur berges de Paris rive droite : Comité de suivi du 31 octobre sous l’égide de la Préfecture de police. C’est le trafic (vitesses, temps de parcours) sur les rues impactées par la fermeture des voies sur berges, mais pas le trafic cycliste induit par cette même fermeture sur les voies libérées.
Ce trafic nouveau n’a pas été compté, sans doute parce que personne ne l’a demandé. Et si les deux extrémités (sous-terrain des Tuileries et sous-terrain de l’Arsenal) étaient ré-ouverts, ils se compteraient par centaines, comme rive-gauche, où on ne les compte pas non plus.
Et pendant ce temps à Harfleur, près du Havre … La voie cyclable s’allonge. Elle est le maillon qui manquait pour relier des voies cyclables communales d’une part, et la véloroute de Seine-Maritime d’autre part. Le courrier cauchois, 11 novembre: pressedd-76600011-20161115-1149
9 Ils appellent les électeurs écolos à voter Juppé lors de la primaire de la droite. Une tribune signée Yann Wehrling dans le JDD du 14 novembre, dans laquelle il rappelle l’action du maire de Bordeaux en matière d’aménagement urbain, et le lancement par l’éphémère ministre de l’Environnement du Grenelle de l’Environnement « une des plus grandes avancées environnementales dans ce pays au cours des 15 dernières années ». Moi je me souviens d’avoir été catastrophée lorsqu’il avait été mis fin, brutalement, à sa fonction, par le président de la République. Yann n’est pas le seul à avoir rendu public cet appel, Olivier Razemon l’a fait sur Facebook, tout comme Philippe Goirand, ex-adjoint au maire de Toulouse. Je n’avais pas prévu de terminer là-dessus en voulant parler de la piste cyclable parisienne, mais tout se tient… Voir aussi le dernier article d’Olivier Razemon (22 novembre) : Vélo-Juppé vs Auto-Fillon.
Fabius, Shift Project… ou encore le physicien Etienne Klein: »Nous développons toutes sortes de mécanismes intellectuels pour ne pas croire ce que nous savons. » (vidéo, lien dans ma signature)
Qu’est-ce qu’un cycliste? RIEN! Une si « petite chose ».
La destruction de la piste des fortifications (fermeture et premiers coups de pelleteuses dans le bitume) avait démarré dès Avril. J’ai fait un tweet à l’époque (effectivement dans le désert) surtout pour ironiser qu’aucun opposant local au centre d’accueil ne se servait de l’argument : signe clair que le vélo « n’existe pas » là-bas. On avait pourtant entendu par exemple une riveraine dire qu’accueillir tant de gens au milieu des grands arbres était dangereux en cas de chute ! Claude Guoasgen, le maire, n’a, à ma connaissance, jamais parlé de cette piste, il n’hésite pourtant pas à recourir à des arguments très douteux contre ce centre, par exemple en doutant de la réalité des tentatives d’incendies.
Effectivement, personnellement j’avais laissé la piste cyclable de côté, considérant que ce n’était pas la dimension la plus sévère. Mais c’est vrai que la mise en danger quotidienne des cyclistes devient alors conséquente. C’est un peu la preuve que la mairie de Paris surfe sur les sujets et les traite comme des gadgets. Passés de mode les sdf seront probablement re-remplacés par une piste cyclable ou une lubie sans aucune cohérence. Les plans de circulation lente doivent être cohérents et continus, sinon ils font pis que bien. Ce projet n’avait aucun sens dans sa conception.
Où en est la proposition d’Abel G.? A-t-il pu rencontrer les autorités? Reste-t-il un peu de bitume pour contourner ce logement provisoire? Y aura-t-il des parkings à vélos pour les occupants qui auraient la chance d’en posséder un, ou pour ceux qui pourraient leur rendre visite?
Je ne crois pas qu’il ait encore pu rencontrer les autorités, ni qu’il y ait encore du bitume à cet endroit, la route ayant été entièrement barrée. Pour des parkings à vélo, on peut douter que quiconque y ait pensé, mais il y a un peu de place entre la clôture et les bâtiments, et sans doute aussi sous les escaliers.
C’est une honte supplémentaire de nos dirigeants qui prétendent agir, maintenant qu’on attend le pic inadmissible du Paris irrespirable et alors qu’on en parle depuis 30 ans, sinon plus. Et comme toujours aux moindres travaux, au lieu nécessaire pour entreposer du bazar dehors, qui ignore-t’on ? qui bloque-t’on ? Les cyclistes bien sûr. Des comme ça y en a plein d’autres.
La semaine dernière le pont de Bezons. Pas bien loin, la piste vers Courbevoie a été repeinte « priorité piétons ». Juste avant, l’été dernier, le pont de Suresnes a été entièrement refait sans rien ajouter pour les vélos, avec pourtant Longchamp et Boulogne à deux pas. Jusqu’à la partie de piste coupée plus haut. Avant les barières j’avais à plusieurs reprises viré les arbustes posés vite fait. Maintenant tout mon itinéraire quotidien a été changé, il est 100% partagé voitures, 0% piste cyclable… Mais bien sûr, tout pour les voitures qui puent, et qui tuent, surtout. La Honte je dis. L’ère de l’idiotie, voilà le 21ème siècle…
Des nouvelles, dans Sud-Ouest :
Malgré cela, l’association Aurore, gestionnaire du centre, compte « redéposer un permis pour se mettre en règle, car le centre est installé jusqu’en novembre 2019 », a expliqué son président Éric Pliez. Protégé par la trêve hivernale, « le centre ne va pas déménager demain », a-t-il ajouté. « Il a toujours été temporaire » et a selon lui « trouvé sa place et ne pose pas de problème de voisinage ». L’association espère obtenir « un délai supplémentaire » pour le prolonger au-delà de 2019.
La Ville de Paris a pour sa part indiqué qu’elle allait « se pourvoir en cassation » et demander un « sursis à exécution ».
Ce que l’on ne dit pas, c’est que ce centre aurait pu être posé à côté de (et non sur) la piste cyclable des Fortifications, piste agréable et structurante de l’ouest parisien. Il n’en reste que deux bouts disjoints ayant perdu tout intérêt. Comme si le vélo ne servait à rien ni à personne.
Un grand merci à Vincent pour cette information très importante. Voici ce qu’en dit le journal Le Parisien : Centre pour sans-abri du XVIe, la justice annule le permis de construire. Saisi par plusieurs associations et riverains, le tribunal administratif a estimé que ce permis, délivré en mars 2016 pour une durée de trois ans à titre précaire, était entaché d’illégalités et l’a en conséquence annulé.