Voirie: Grenoble s’y prend avec méthode

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Les Grenoblois s’impatientent un peu, mais 6 ans c’est court, encore plus si on veut faire bien. En matière d’espace public la nouvelle équipe n’a pas voulu foncer tête baissée, mais plutôt commencer par savoir pourquoi et pour qui elle agissait.
Présentation de la méthode et de quelques premiers résultats.

Le contexte grenoblois, c’est un changement d’équipe, le passage en agglo et avec la compétence sur toutes les routes, y compris les RD, un programme qui se veut à l’écoute des vrais besoins… 

Construire une métropole à partir d’une vallée de montagne
La première démarche aura été de faire en sorte que la métropole (le « mariage imposé ») soit fructueuse pour tous. Les communes ont donc fait le point sur les intérêts qu’elles avaient en commun, et sur ceux qui divergeaient. A cette fin chaque maire a reçu la visite d’un élu ou d’un technicien métropolitain. Ils sont tombés d’accord sur la notion de métropole apaisée.

Métropole apaisée—————-
La chance, c’est que c’est une commune d’opposition qui a fait connaître la première son souhait de tout passer à 30 km/h.
Les suivantes ont été convaincues une par une, mais facilement, et les dernières se sont finalement déclarées la veille de la signature, ou le matin-même ! La seule qui est restée en dehors de la démarche est une petite commune de montagne qui ne se fait pas à l’idée d’avoir été rattachée à une grande ville. C’est donc à 43 sur 49, tous ensemble mais chacun de chez lui, un dimanche de septembre 2015, qu’ils ont annoncé la signature du projet « la métropole apaisée ».

C’était le début d’une démarche qualitative ambitieuse, mise en place par chaque commune signataire selon ses propres rythmes (avec ou sans concertation par exemple) et le début de la généralisation à tout le territoire, y compris en pleine campagne, du 30 km/heure. Personne en France ne l’avait encore fait, mais ce n’est pas le plus difficile : qui s’opposerait au 30 à l’heure sous sa fenêtre? Cela est même demandé par les commerçants, qui craignent plutôt les rues piétonnes sans stationnement… mais si l’on interroge les clients, c’est la rue piétonne qui est plébiscitée.
14 communes sont passées au 30 intégral dès le 1er janvier 2016.

Ambition mais pragmatisme
Le tout a été fait de façon légère: pas de panneau (ce qui est autorisé depuis le 30 septembre 2015 s’il y a du marquage au sol), la plupart des feux voués à être retirés, pas de verbalisation jusqu’à fin 2017 mais des radars pédagogiques qui ont d’abord fait prendre conscience des vitesses pratiquées et devaient évoluer vers la verbalisation automatique. Cela ne sera pas car l’Etat se réserve le monopole de la verbalisation automatique. L’agglo a donc, au début de cette année, demandé à la police de verbaliser, à partir de 40 km/heure !
Elle a obtenu l’autorisation de tester l’absence de panneau « 50 à l’heure », mais n’obtient pas vraiment de consensus pour retirer les marquages de passages piétons. Elle sera donc obligée de le faire progressivement, en profitant parfois, comme à Zurich, de leur effacement naturel …

Si à Grenoble on se veut attentif aux réalités, à Paris la règle sait se faire impitoyable.
Pour le stationnement, c’est un équilibre sur le fil. Les parkings relais sont restés gratuits jusqu’en 2014 pour les possesseurs d’un titre de transport, puis les tarifs ont évolué en contre-point de ceux des autres parkings. Ils sont devenus gratuits seulement les premières heures lorsque les tarifs des parkings métropolitains baissaient et que la ville centre augmentait les siens sur voirie. Dans le prochain PDU le stationnement sur voirie sera limité dans le temps, mais toujours au même prix pour tous. Le conseil d’Etat a en effet refusé toute modulation du tarif résidentiel en fonction des revenus mais ne pourra pas s’opposer à la tarification des services selon les revenus. 

Il ne faudrait pas que les édiles soient trop en avance.
Si en mairie l’esprit l’emporte sur la règle,
en ville la volonté de donner priorité au piéton partout se heurte aux habitudes.

Un Guide métropolitain des espaces publics ————
Pour mener à bien sa démarche l’agglo a engagé une écologue-herboriste !  Elle est « chargée de la qualité » dans un monde masculin d’ingénieurs. C’est elle qui a mené le travail de concertation, très structurée, avec des étapes affichées et la production de documents.

Cela a abouti à la rédaction d’un guide métropolitain des espaces publics et de la voirie qui ne parle pas technique mais enjeux et principes. La démarche aura été très structurée et découle du premier travail de cohésion. 

5 principes se sont dégagés

  • Partager l’espace public en faveur des mobilités actives et des transports en commun.
  • Conforter les pôles de vie et notamment les centre-villes
  • Garantir la place de la nature et prendre soin de l’environnement
  • Cultiver la diversité des territoires
  • Faire mieux, avec moins.

Les enjeux prioritaires sont eux aussi déclinés. Concernant la mobilité on trouve, dans l’ordre : 

  • Réseau piéton pour tous (fréquentation et qualité)
  • Réseau vélo (fréquentation et qualité)
  • Réseau TC (fréquentation et qualité)
  • Mesures de réduction et apaisement du trafic motorisé.

16 cahiers méthodologiques suivent, avec des thèmes comme:

  • Donner envie de marcher;
  • Pourquoi pas à vélo;
  • Des transports publics intégrés dans leur environnement;
  • Vivre et se déplacer serein dans la ville à 30;
  • La voiture bien utilisée, une bonne solution… 

La recherche de « l’intensité sociale » se traduit dans le nouveau PDU par des objectifs tels que favoriser et accompagner l’évolution des comportements, apaiser la circulation, bien articuler les offres de mobilité et la structuration du territoire… 

L’application de la quotation remet en cause bien des projets techniques
Chaque projet, chaque dépense envisagée, se retrouve évaluée au regard de ces principes, chaque décision est passée au crible. Cela a souvent permis d’éviter des dépenses.  Faire mieux avec moins peut signifier ne pas refaire à neuf ce qui a un peu vieilli mais convient toujours. La question est toujours : est-ce que cela apporte quelque chose, ou en fait perdre, au regard des critères adoptés ?

 

Le résultat c’est que le village de Fontanil-Cornillon n’a pas obtenu de financement pour refaire sa rue principale, qui était très en avance lors de sa conception (absence de feux, pas de priorités, rond-points franchissables…). Sa rénovation n’aurait en effet pas apporté d’avantages réels, si bien que la commune n’a obtenu que des bornes pour rendre piétonne sa place centrale. La décision a été prise après vote, et assortie de la création d’un espace de parking à proximité. Et le résultat, c’est que la route et la place ne servent plus de raccourcis du matin pour éviter l’autoroute, et que la route est un peu vieillissante mais fonctionne toujours très bien. 

L’autobus n’a pas priorité sur les piétons
A Meylan le projet de BHNS a reculé au regard de ses point négatifs : il aurait fait reculer la nature, encouragé l’étalement urbain et fait perdre la priorité aux piétons.
Même en centre-ville de Grenoble le bus à haut niveau de service n’a pas eu gain de cause sur l’impératif de priorité piétonne, il n’y a pas de feux réglés pour lui. Par contre la remise à double-sens de la plupart des rues s’est faite en une nuit, en avril 2017. Dans la ZTL (zone à trafic limité) 1/3 des feux a déjà été retiré. La circulation est passée de 16000 véhicules jour à 2000. C’est ce qui a produit ce silence qui nous a tant frappé.
La réalisation du BHNS, comme du chronovélo, est testée d’abord à coup de peinture.

Le PDU oblige à baisser l’usage de l’automobile, mesuré en kilomètres parcourus. Dans le centre-ville de Grenoble 50% des autos ne sont déjà jamais utilisées en semaine. Ce sont elles qui les premières pourraient ne pas être renouvelées, car l’objectif, que l’on espère trouver dans la Loi sur les mobilités, est l’absence de possession de l’auto. 

Quand aux berges, elles ont bénéficié du rétrécissement de la rue, mais sont restées un peu sauvages, le respect de la nature l’ayant emporté sur le confort des chaussures. 

Economie, rigueur, sensibilité et ambition font bon ménage,
mais la population peut ne pas tout comprendre.
C’est tout le problème des mandats de 6 ans. 

 

Pour en savoir un peu plus : 

Les premiers tests pour le chronovélo ont eu lieu en janvier 2017 :
Des autoroutes à vélo testées à Grenoble, Francebleu, 26 décembre 2016.

 

  • Cet article a été écrit suite à une visite organisée par les associations Rue de l’Avenir, France et Suisse, fin mars 2018.

—Note— (24 avril)
Je reçois à l’instant le journal de la Fub, fédération des usagers de la bicyclette. Son article « A Grenoble, une politique cyclable qui a du mal à se développer » ne nous donne pas si tort que ça. « Faire du vélo à Grenoble est beaucoup plus agréable que dans la plupart des villes de France », mais l’auteur (associatif) souligne la faible qualité des aménagements cyclables et la difficulté à passer « de l’expérimentation au développement à l’échelle métropolitaine ». Les cyclistes s’impatientent, malgré une première place au baromètre des villes cyclables, largement due à l’action des municipalités antérieures.

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Emmanuel
5 années

Bonjour Isabelle, merci de cet article qui montre Grenoble avec un regard extérieur suite à la visite organisée par Rue de l’Avenir. Je me retrouve bien dans cet article.
Quelques précisions :
Métropole à 30
45 communes sur 49 sont passées à 30. Sur les 4 communes restantes, 3 sont des communes rurales et/ou de montagne peu peuplées (Mont St Martin : 80 hab. , Sarcenas : 196 hab. et St Paul de Varces : 2 200 hab.). La 4e, Meylan, a 17 000 habitants et est située à quelques km de Grenoble.
Parkings relais
-> jusqu’en août 2014 : ils étaient gratuits pour les titulaires d’un abonnement urbain (TAG) de transport en commun et pour 1,60 € ou 2,60 € (pour les P+R (trop) proches du centre de Grenoble, on obtenait un AR pour une à 5 personnes.
-> depuis septembre 2014 : les P+R sont devenus gratuits pour les titulaires d’abonnement TER ou TC Périrubain (Transisère) ; pour les non-titulaires d’un abonnement, pour sortir du P+R il faut présenter son titre de transport validé. L’ancienne formule était si avantageuse pour les automobilistes qu’il devenait intéressant de prendre une voiture à plusieurs, même pour quelques centaines de mètres, pour profiter de la tarification P+R.
-> Au Fontanil, le parking attenant à la zone piétonne était déjà existant avant la piétonisation.
BHNS à Meylan
Il est toujours à l’étude, sa réalisation est prévue dans l’étape 2018-2023 du PDU 2018-2030 (à notre regret à l’ADTC où nous pensons qu’un bhns est insuffisant et qu’il faudrait un tram).

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