Au royaume des Pays-Bas la vie est heureuse: tout le monde se parle et se fait confiance. Comment ça? Parce que le vélo y tient une place centrale, bien que personne ne s’en rende compte. Le beau film Pourquoi le vélo ? nous explique en quoi le vélo pourrait ressouder nos sociétés, au-delà des arguments rationnels qui ne convainquent pas.
Le film « Pourquoi le vélo? »1 Le titre Pourquoi le vélo? sonne bien, mais est une transposition apauvrissante du titre en anglais, « Why we cycle? » qui signifie Pourquoi roulons-nous? commencera par agacer les militants français. Il énonce tout ce que nous savons par coeur, pollution, coûts, santé etc. Passons vite, car le film n’est pas destiné aux militants, mais, a-t-on compris, aux décideurs (ou aux militants qui parleront aux décideurs).
C’est après ce préambule que le film devient essentiel. En gros il montre que le vélo débloque les neurones parce qu’il oblige à une vigilance de tous les instants; qu’il fait « ville » et citoyenneté; qu’il implique confiance en soi et en autrui.
Le système vélo ne peut fonctionner que par l’inter-action subtile entre tous les protagonistes; il crée une société humaine qui n’a nul besoin de règles mécaniques (des machines) pour fonctionner. L’automobile a besoin de feux rouges, le vélo, non. Les carrefours les plus encombrés se gèrent avec subtilité et énormément de micro-décisions prises par chacun en concertation non-verbale avec tous. Comme les étourneaux2 Voir l’article de Hans Kremers : Comment se comportent les cyclistes (d’après le congrès Velo-city) de juillet 2017 ., le cycliste ne peut vivre que par l’inter-action entre les personnes, alors que le trafic automobile ne fonctionne que par le recours à des machines qui organisent des machines.
Le vélo casse les codes, il créé de la ville, il crée de l’humaine rencontre, comme « ce vieux monsieur avec qui j’ai discuté philo pendant une demi-heure », dont nous parle une jeune femme voilée immigrée depuis peu. A Paris les regards se fuient, chacun est sous ses écouteurs, à Amsterdam les regards se croisent et les sourires s’échangent. Aux Pays-Bas on roule ensemble, en France on roule à la queue-leu-leu.
Pourquoi le vélo alors? Pas pour les chiffres qu’aiment tant ces messieurs, qu’ils soient sur la santé ou les sous, sur l’emploi, l’absentéisme, le commerce… Non. Le vélo pour la ville harmonieuse, la ville de la confiance accordée. Pour la ville compacte, aux espaces publics intimes. Pour les enfants libres de leurs explorations, et pour la confiance que chacun accorde à chacun. Cela ne se chiffre pas, cela se ressent.
Pourquoi parler de vélo dans ce film? Parce que le vélo est si évident aux Pays-Bas que ses habitants pourraient l’oublier. Il est leur mode de vie, une des sources précieuses de leur richesse. Et, pourquoi encore, pourquoi le diffuser en-dehors du pays ? Parce que les Néerlandais sont fiers de leur nation.
Ce film sera diffusé en version sous-titrée en France par tous ceux qui en feront la demande, cinémas, associations, institutions … Deux dates sont déjà annoncées en Angleterre. En voici la bande – annonce.
Why we cycle
Produit par Gertjan Hulster, réalisateur néerlandais, avec Arne Gielen, journaliste, Jeroen Dirks et Marco te Brömmelstroet, de l’institut pour le vélo urbain de l’université d’Amsterdam, et la voix de Chris Boardman. Taskovski Films.
Contact en français : Ambassade des Pays-Bas, M. Van Oosteren.
La première présentation en France a eu lieu le 27 juin 2018 à l’Hôtel-de-Ville de Paris à l’invitation de l’ambassade des Pays-Bas.
Sur twitter voir #whywecycle, il y a même l’enregistrement du débat.
Dimanche 8 juillet M. van Oosteren sera l’invité de Abel Guggenheim
dans son émission Rayons libres, à 14 h sur Cause commune.
Les dates de projection sont ici.
—Notes—
J’ai beaucoup aimé ce documentaire également, et la comparaison avec les vols d’étourneaux, c’est un vrai film de propagande, au meilleur sens du terme : faire rêver avec une situation dépeinte comme idyllique. Jamais d’accrochages, jamais d’engueulades, quelques images de climat froid et humide mais pas appuyées du tout, de grands ciels bleus, des champs de tulipes à perte de vue…
Les Néerlandais vivent dans un pays parfaitement artificiel, des terres patiemment conquises sur la mer au fil des siècles, une biodiversité la plus pauvre d’Europe, des paysages relativement monotones, et ils parviennent à nous convaincre de leur bonheur, et de la joie de vivre que leur apporte le vélo. L’idée semblait bien être de susciter l’envie, et c’est réussi.
Bravo et merci Isabelle pour tes informations toujours aussi intéressantes dont on ne se lasse pas. Ta plume est agréable et tes articles/commentaires sont un plaisir de lecture et toujours pertinents. J’ai hâte de voir ce film. !!
(je vais faire connaître ton article à nos membres, naturellement en citant une ou deux phrases et en mettant le lien!)
Voir aussi … Mauvaise Conduite. Documentaire sur le refus de l’automobile privée, présenté à l’Ecole des hautes études en Sciences sociales. « Un documentaire de 30 minutes qui critique la bagnole à travers les travaux d’André Gorz et Ivan Illich et les tentatives d’émancipation de mes proches. On y parle du travail, des villes, du stop, du covoit, de la vie en fourgon, du voyage à pied, du temps et de la liberté. Portraits et discussions avec des potes qui vivent sans, permettent de poser cette question peu discutée : Que nous enlève la voiture? » Curieusement, aucune mention du vélo… Intéressant quand même.
On apprend ce soir que Stein sera l’invité de Abel dimanche prochain dans son émission Rayons libres. Ils parleront du film, et d’autres sujets. Plus d’informations à temps.
Pardon pour le hors sujet mais il y a une coquille : « il crée » et non « il créé ».
et même 2 fois! Corrections faites, merci.
[…] Voir critique d’Isabelle Lesens (Blog « Isabelle et le Vélo ») […]
Le film date un peu (sorti il y a 4 ans, déjà !) mais il reste d’actualité et très intéressant, surtout quand il est suivi d’un débat. (Surtout après l’annonce récente de la version 2 du Plan Vélo National!)
Il existe une version du film traduite en français (en voix off). Cette traduction a été faite par l’association vélo du pays d’Aix ADAVA et vous pouvez la demander.
Les sous-titres du film en français de la version originale en anglais sont un peu lapidaires et si on ne parle pas couramment anglais on perd beaucoup des subtilités des propos.
La traduction française de la suite (Together we Cycle) devrait arriver prochainement.