Tout est encore possible mais rien n’est sûr, voici en gros ce que pensent les acteurs les mieux informés du vélo. Organisée par le club des villes et territoires cyclables pour commencer l’année, la conférence de presse était bondée. Tous ont bien vu les inquiétudes concernant la Loi sur les Mobilités.
Pour Jean-Baptiste Germet, Strasbourg, le Plan vélo est certes insuffisant mais déjà on n’est pas sûr que l’argent soit consommé. Vous imaginez la catastrophe si personne ne demande d’aides pour le vélo ??? Michel Gillot, de Tours, rappelle que les dotations aux collectivités territoriales ont baissé mais craint que les dossiers soient trop complexes à remplir, comme ceux des fonds européens (de la faute de la France, dit-il, qui rajoute des strates).
Pour Pierre Serne, président du club, même si la ministre est convaincue il y a plein de freins au niveau gouvernemental, et le pire c’est qu’on ne sait pas d’où ils viennent. Et encore, il peut y avoir un boulevard entre texte voté et application. On nous raconte que parfois il y a de drôles de couacs.
Les plans de mobilité d’entreprises, obligatoires dès 100 salariés, ne donnent finalement pas grand’chose malgré les promesses d’apparition de l’ange du vélo. Ce sont des solutions très traditionnelles qui sortent, avec beaucoup d’auto. Pire, même, on voit beaucoup trop de voitures de fonction, et, dans Paris, Ch. Najdovski, en sa qualité d’adjoint aux Transports, a relevé de nombreuses autos immatriculées 75 dans les parkings des entreprises !
Lors de la seconde vague de l’appel à projets Mobilité à la française 2 dossiers ont été refusés au motif qu’ils étaient déjà votés, alors même qu’on avait dit qu’il fallait anticiper.
Il y a aussi les effets induits et non désirés, comme le fait que la prime à la conversion des véhicules alimente directement l’invasion actuelle de SUV …
En aparté : Le grand paradoxe c’est la marche arrière opérée lors des arbitrages ministériels et de la crise des gilets jaunes sur 3 solutions : le contrat opérationnel de mobilité, obligeant Régions et agglomérations à se coordonner; la possibilité de leur financement via le péage urbain allégé; la disposition de « taxi amateur ».
« Sans ces 3 dispositions clés, la LOM rate totalement sa cible et sera une grande désillusion après les remarquables assises de la fin 2017. Seule la SNCF, priorisée au détriment de la LOM début 2018 aura tiré son épingle du jeu avec la réforme ferroviaire. »
Article : Mobilité des zones rurales et des périphéries des agglomérations, éviter l’échec de la LOM, par Jean Coldefy, publié sur Linkedin.
L’enjeu de la fiscalité
Quant à la fiscalité, les occasions de loupés sont légion. Plusieurs mesures ont été évoquées. La prime à la conversion devrait s’appliquer au vélo. Aux 50% des abonnements aux transports pourraient s’ajouter le forfait mobilité durable (qui remplace l’IKV) et les aides à l’achat ou à la location de longue durée. Le forfait mobilité devrait devenir obligatoire, en commençant peut-être par les entreprises les plus grosses.
En aparté : La question de la fiscalité est centrale
La question de la fiscalité est centrale, mais il y a un décalage entre les choix fiscaux du gouvernement et les conséquences directes sur le budget des ménages démontre un débat enregistré par Actu-Environnement, qui se termine par la question : Le Grand débat national qui vient de débuter aboutira-t-il à des décisions politiques d’ampleur ?
Plateau-télé : Gilets jaunes : la fiscalité écologique a-t-elle encore un avenir? Actu-environnement, 21 janvier. (28 minutes)
Un débat entre Christian de Pertuis, économiste spécialiste du climat et ancien président du comité pour la fiscalité écologique, et Matthieu Orphelin, député La République en Marche du Maine et Loire.
Les Gilets jaunes interrogés ont le sentiment que les taxes sont injustes et qu’elles ne servent pas à la transition énergique. Les 2 invités sont d’accord. Ils rappellent qu’on le sait au moins depuis les Assises de l’Environnement et qu’il y a déjà un rapport. Un utile rappel sur l’histoire récente de la taxe sur les produits pétroliers, et comment Bercy en a détourné le fonctionnement, suivi d’un plaidoyer pour une fiscalité plus simple, réhabilitant l’imposition directe.
Les choix politiques sont complexes et vont nécessiter un « big-bang ». Il faut aussi mieux utiliser les « relais territoriaux » et plutôt abandonner l’idée de redistribuer entre riches et pauvres. C’est l’économiste qui le dit, en insistant sur … les indispensables remises en cause de nos comportements.
Un débat à écouter, et à ré-écouter au moins une fois avant tout Débat.
Le risque que le vélo ne soit même plus un bon marqueur
Qu’il y ait du monde à cette conférence de presse, c’est bon signe. Mais que la prime à la casse serve à acheter des SUV c’est moins bien.
Le risque c’est qu’on n’ait plus besoin du vélo pour s’afficher écolo, car l’auto électrique y pourvoira. Regardez le dernier congrès de l’ATEC (mobilité intelligente… motorisée). Chaque année son salon trouve bien quelques objets en rapport avec le vélo. Cette année, rien de rien !
Participez au Grand débat
En tous cas on a la date. La Loi sera présentée au Sénat le 11 mars et à l’Assemblée dans la foulée. Reportée il y a un an pour cause de réforme ferroviaire, reportée cet automne pour cause de crise des Gilets jaunes, reportée en janvier pour cause de grand débat … pendant ce temps les groupes de pression s’activent. Matthieu Orphelin, le député bien connu désormais, invite ceux qui le peuvent à profiter du temps qui reste pour proposer des amendements à leurs députés et sénateurs, comme cela a été fait pour le transport des vélos dans les trains et comme l’ont fait les Boîtes à vélo. En espérant que par ailleurs le texte ne perde pas trop de sa substance. La bataille n’est pas finie.
Tous espèrent aussi que le sujet sera très présent dans le Grand débat. Le Premier ministre a bien dit que la Loi serait amendée en fonction des remontées des débats, et les 2 millions de signataires pour le climat pourraient ne pas suffire à faire le poids. Qui se souvient cependant du Débat national de 1993 ? « son objectif est de mobiliser les Français sur ce qui est aujourd’hui un enjeu de société »… Suite ici : Lettre DATAR août 1993.
A vous de jouer (lien plus direct pour le grand débat). Participer au débat, par écrit ou oralement, c’est quand même plus facile que de rédiger un amendement.
Au soir du 3 février il y a 251 propositions sur le vélo pour 41816 propositions au total.
Retours sur le passé récent
- Projet de Loi Mobilités : Le vélo, seul parmi les égaux, 27 novembre 2018. Présentation du texte initial.
- Où trouver des sous pour le vélo ? Les différents fonds disponibles.
Merci pour cet article très instructif. On sent bien des attentes du côté des élus et des usagers (particuliers et entreprises) mais beaucoup moins des grands fabricants français de cycles alors qu’il y a plus de vélos vendus que d’automobiles et qu’ils pourraient tirer partie du développement de l’usage du vélo dans un contexte favorable car protégé de la concurrence chinoise.
Article très instructif, comme d’habitude.
La prime à la conversion fait augmenter le nombre de SUV car elle sert avant tout la cause… des constructeurs automobiles ! Ce n’est pas un effet de bord, mais son principal rôle, même si elle est vendue autrement aux écolos et à tous les gens qui rêvent d’une mobilité plus durable.
C’est même une sorte de perfusion pour les maintenir artificiellement en vie. Sans elle, les gens feraient ce qu’il y a de plus raisonnable : garder leurs vieilles voitures, les entretenir, et pourquoi pas utiliser un autre mode de déplacement quand c’est possible ! (Surtout si on les oblige à le faire, ce qui serait possible en ville.)
Une prime à la conversion véritablement écologiste ne serait versée que pour le report modal : il s’agirait de subventionner les gens qui revendent ou mettent à la casse une voiture, pour ne plus en posséder du tout. L’argent pourrait être utilisé par la personne pour se payer un certain temps d’abonnement au train / tram / bus / etc., ou un vélo de très bonne qualité, etc.