Un livre curieux et plutôt agréable, par Noël Jouenne, ethnologue. Une belle façon de voir notre vélo et notre pratique.
Notes sur le vélo et la bicyclette relève d’un attelage curieux, car l’auteur est un ethnologue qui s’intéresse à la « véritable nature » du vélo dans notre société, ce qui est normal. Mais comme il est lui-même cycliste, il lui est peut-être difficile de s’en tenir à la neutralité requise en matière de science. Cela avait autrefois été lourdement reproché à certains auteurs aujourd’hui respectés.
Pour ces deux raisons ( qu’il soit ethnologue et qu’il soit cycliste) j’ai été surprise de le voir s’en prendre aux « incivilités » des cyclistes, regretter leur manque d’inter-relations sur la route, et leur témoigner un certain mépris à cause du manque d’entretien de leurs vélos. Me manquait sans doute un certain appareil scientifique, comme ils disent. L’auteur parle aussi des chiffres d’accidents de façon … quasi littéraire. Mais au-delà de ça vous découvrirez de fort intéressantes pages sur l’histoire des vélos pliants, sur celle du mot vélotaf (un extrait a été publié dans ce blog et dans Velotaf), et sur le fait de savoir si les vélos à assistance électrique sont encore des vélos, ce qui s’avère être une vraie question. J’ai aussi bien aimé sa description du casque que portent certains cyclistes, qu’il qualifie d’ersatz de la protection qu’offre la carcasse automobile, les protégeant du monde et leur donnant un sentiment de sécurité. Vous n’y auriez pas pensé, n’est-ce pas ?
Pour tout dire j’ai même commencé par rigoler de très bon coeur, pendant au moins la moitié du livre. Je crois que mon rire venait de la tendresse exprimée par l’auteur, et que je partageais, envers les cyclistes, d’une forme de complicité. J’ai bien aimé aussi les citations littéraires dont l’auteur a été friand, et enfin, bien sûr, été très intéressée de comprendre pourquoi j’avais été amenée à publier un article dans le célèbre numéro 5 des Cahiers de Médiologie de Régis Debray. J’ai même eu la faiblesse de croire que les gentillesses que j’ai lues étaient, sinon scientifiques, du moins reflétant des faits exacts. L’auteur considère que cet épisode est révélateur des forces en place à l’époque. Je ne regrette rien, mais heureusement Noël Jouenne cite aussi Jean-René Carré, qui était à cette époque le seul chercheur à s’intéresser, parler et publier sur le vélo – mode de déplacement, ce dont on ne le remerciera jamais assez.
L’auteur aimerait que le vélo soit le vecteur d’une utopie des villes et qu’il le soit aussi pour la socialisation. Pour lui le vélo est porteur de « liberté fragile » selon un des jolis mots qui nagent tranquillement au travers de ses pages. Il craint pourtant qu’il soit victime des enjeux politiques, économiques et citoyens. Sera-t-il un objet passager, ou bien un objet du futur, se demande-t-il. C’est bien une question qui nous préoccupe.
Ce petit bouquin devrait être le premier d’une longue série sur le vélo. Commençons donc à en suivre l’auteur, et prions-le de continuer bien vite.
Noël Jouenne
Notes sur le vélo et la bicyclette
Regard ethnologique sur une pratique culturelle
L’harmattan, novembre 2019. 21,50 €
« Le vélo sera-t-il un objet passager, ou bien un objet du futur ? »
Très bonne question en effet, et j’ai envie de mobiliser les mathématiques et la physique pour tenter d’y répondre !
C’est somme toute assez simple : tout d’abord un vélo mobilise pour sa fabrication et son entretien beaucoup moins de matières non renouvelables, et de technologie, que pour la fabrication d’une voiture, quel que soit le moyen de propulsion de cette dernière, d’ailleurs.
Si l’on considère ensuite le rendement énergétique du vélo (je ne ferai pas la démonstration ici mais cela se trouve aisément), celui-ci est imbattable, et devant la marche à pied, notons le au passage !
Pour terminer, mobilisons le théorème mathématique qui indique que pour toute ressource finie, sa courbe de consommation est toujours nulle à – l’infini, nulle à + l’infini et passe obligatoirement par un maximum entre les deux !
Conclusion ?
Le vélo est apparu sur la courbe croissante des moyens de mobilité au tout début de la révolution industrielle, il réapparaitra naturellement comme solution de mobilité de masse lorsque l’humanité verra ses ressources non renouvelables se tarir (dont le pétrole mais pas que), avant de disparaitre tout au bout d’un long plateau, que l’on espère le plus long possible à nos descendants !!
Précisons également que le développement, entre temps, de tout autre solution de mobilité plus consommatrice de ressources que le vélo, ne changera rien à la démonstration.
La parole circule…