Le coût du stationnement automobile pour les finances publiques, ADETEC, mars 2023 – 2
Nous reprenons ici en les détaillant quelques uns des résultats énoncés dans la première partie.
(1) Le stationnement des voitures, une dépense très importante pour la puissance publique
(2) Le stationnement public ne remplit les poches de personne,
(3) Les conséquences du parking facile
(4) Conclusion : un choix de société
Le stationnement dans la rue n’est pas un droit universel
Le stationnement dans la rue constitue une appropriation de l’espace public. Il avait été interdit par l’article 11 du Code de la route en 1922 : « Il est interdit de laisser sans nécessité un véhicule stationner sur la voie publique. » L’expression « sans nécessité » a été remplacée dès 1928 par « sans motif légitime ». En 1954, seul le stationnement « abusif » devient interdit, autorisant de fait tout stationnement non abusif.
A contrario, au Japon, les voitures standard continuent de ne pas pouvoir stationner sur l’espace public. De nombreuses communes japonaises, dont les villes de plus de 100 000 habitants, les préfectures et les communes situées à moins de 30 km de Tokyo, y interdisent même toutes les voitures. Les autres y autorisent uniquement les petites voitures (maxi 3,40 m de long, 1,48 m de large, 2 m de haut et 660 cm3 de cylindrée). Il faut justifier que l’on dispose d’une place de parking pour acheter une voiture quelle qu’en soit la taille, ou une voiture standard dans certaines communes.
Le nombre d’autos privées a augmenté en France. A Lille par exemple l’augmentation est de 50% entre 1987 et 2016, passant de 354 000 à 530 000. L’essentiel est garé dans la rue.
La taille de l’espace réservé officiellement au stationnement en France est de 875 km².
A Paris-même la surface explicitement affectée au stationnement automobile n’est plus que de 1,45 km2. La taille des espaces utilisés comme parking, sans en être officiellement, est évaluée par l’auteur à au moins 40% du total de places.
Une place (sur ou en bord de chaussée) est estimée à 10 m2. Une place en parking est estimée à 25 m2, accès et espace de dégagement compris.
Le foncier n’est pas gratuit
L’auteur arrive à un coût moyen par place payante sur voirie de 30 000 € (avant aménagement puisqu’on ne parle que de foncier).
Le coût des places gratuites Le coût foncier moyen des places gratuites est évalué à 6 940 € chacune. En supposant que le coût annuel de mise à disposition représente 1/100e de la valeur foncière, le coût annuel total est d’environ 4,86 milliards d’euros.
En supposant un amortissement sur 50 ans, le coût total d’amortissement de l’aménagement des places gratuites est d’environ 3,23 milliards d’euros par an.
Il faut ajouter à ces coût d’aménagement celui de l’entretien et du nettoiement, en moyenne 60€ annuels par place, soit 4,21 milliards d’€ annuels rien que pour les places gratuites.
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Le stationnement gratuit de surface représente donc pour la France une dépense annuelle d’environ 12,3 milliards d’euros, principalement supportée par les communes.
Coût annuel moyen pour une place gratuite sur la chaussée : 157 € se répartissant en 57 € pour le foncier, 40 € pour l’amortissement des aménagements et 60 € pour l’entretien.
Le coût des places payantes sur la chaussée Leur valeur annuelle est en moyenne de 590 € de charges et leur recette théorique de 1 190 € ce qui fait un bénéfice de 600 € par place. Le manque à gagner de 510 € par place viendrait s’ajouter à ce bénéfice, le portant à 1 110 € par place.
Le coût des parkings hors voirie En enclos le coût d’exploitation d’une place est de l’ordre de 400 € par an, en édifice il monte à 900 € et en souterrain il grimpe à 1100 €.
Les charges sont d’environ 1 600 € par place et par an, et les recettes de 620, ce qui fait un déficit moyen de 980 € par place
Les parkings en enclos et en ouvrage sont très déficitaires, les recettes ne couvrent que 39 % des charges et le déficit annuel total est proche de 1,2 milliard d’euros.
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Les contrôles reviennent cher
Les infractions routières. En 2021, près de 19 000 gendarmes, policiers et policiers municipaux sont affectés au contrôle des infractions routières, pour un coût total d’environ 1 508 M€.
Le stationnement. En supposant que son contrôle (hors stationnement payant) représente 20 % de leur activité, le coût afférent est d’environ 302 Millions d’€.
Le traitement des amendes serait tout juste équilibré si elles étaient payées
Le coût du traitement des amendes de stationnement est évalué à 10 millions d’€ par an. Ces amendes représentent quelques 20 % des amendes de circulation (hors radars).
En 2021, le produit des amendes hors contrôle automatisé est affecté à 48,6 % aux collectivités territoriales et à 51,4 % à l’Etat. Cela donne donc 63 M€ de recettes pour celles-là et 66 M€ pour celui-ci.
Comme pour le stationnement honnêtement payé, le taux de paiement des amendes ne cesse de baisser ! Pour celles de stationnement il serait de 20%.
Au total, le manque à gagner lié au non-paiement des amendes de stationnement est d’environ 186 M€en 2021, ce qui engendre un déficit de 183 millions d’€ par an.
Le produit des amendes ne couvre que 44 % du coût du contrôle et du traitement, il serait légèrement positif (+ 3 M€) si toutes les amendes étaient payées.
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Il est donc faux de prétendre que les villes mettent des amendes pour renflouer leur caisse.
Pour les fourrières c’est pire puisqu’elles génèrent une dépense nette d’environ 49 M€ à la charge des collectivités locales.
Certaines taxes sont allégées ou parfois non demandées
La taxe d’habitation tend à disparaître ou à être fortement allégée. En 2021, les recettes liées aux espaces de stationnement ont été de 272 millions d’euros, dont 129 M€ pour les résidences secondaires.
Les cotisations foncières des entreprises ont rapporté en 2021, pour les aires de parking, environ 173 M€. Une partie importante n’est pas déclarée, ce qui provoquerait un manque à gagner de l’ordre de 100 millions d’€.
Pour les habitants, l’Observatoire de l’habitat Leroy Merlin a chiffré à 35 % la part des possesseurs de garages n’y garant pas de voiture, ce qui fait à peu près autant de voitures en plus sur l’espace public.
La part de ces 35 % de citoyens ayant transformé leur garage en pièce de vie n’est pas connue, mais serait de 5% du total des garages, dont une moitié ne serait pas déclarée.
Les taxes s’appliquant aux garages sont inférieures à celles sur l’habitat proprement dit. Le manque à gagner sur ce dernier point, qui est une fraude manifeste, n’est que de 8 millions.
Article revu par Bruno Cordier et publié sous réserve d’erreurs résiduelles.
Vous pouvez trouver le rapport entier, ainsi qu’un diaporama de présentation, sur le site de ADETEC.
(24 juin 23)
Le Monde publie aujourd’hui un article de l’auteur de l’enquête de Leroy-Merlin ! Sous le tire Le garage, nouveau lieu de vie : « Même ceux qui n’ont pas de voiture en prévoient différentes utilisations » il montre le problème : les autos sont devenues trop grosses pour y entrer, on est donc obligé d’envahir les trottoirs des lotissements, notamment. Voir ici.