Cyclistes et aires piétonnes : et si la Fub levait le nez de son guidon ?

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La grande affaire de l’été 2023, c’est l’arrêt de l’autorisation aux cyclistes de rouler dans certaines rues du centre d’Agen. Rappel de la situation et commentaires sur les réactions, un article d’Abel Guggenheim.

  1. Le contexte réglementaire et historique
  2. Depuis 1998 les cyclistes et leurs vélos ont bien changé
  3. L’affaire d’Agen
  4. Des raisonnements dignes de ceux des automobilistes … d’il y a 20 ans
  5. Paris et Strasbourg aussi ont interdit des zones aux cyclistes
  6. En Allemagne les zones piétonnes sont piétonnes et parfois piéton-cyclistes la nuit
  7. La FUB1Fub : Fédération des Usagers de la Bicyclette ne lève pas le nez de son guidon

1 Le contexte réglementaire et historique

Le code de la route nomme aire piétonne ce que le langage courant appelle zone piétonne. Elle est définie par l’article R110-2 : c’est […] une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente [dans laquelle] seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l’allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. […].

L’article R 431-9 indique : Les conducteurs de cycles peuvent circuler sur les aires piétonnes […], sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police, à la condition de conserver l’allure du pas et de ne pas occasionner de gêne aux piétons.

Ce paragraphe a été introduit dans le code de la route par l’article 6 du décret 98-828 du 14 septembre 1998 relatif à la circulation des cycles. C’était un peu avant la re-numérotation du code de la route en 2001, et l’article modifié s’appelait alors R190.

2 Depuis 1998 les cyclistes et leurs vélos ont bien changé

En 1998, les cyclistes qu’on a ainsi autorisés à circuler en zone piétonne étaient tous au guidon d’un cycle au sens de l’actuel article R 311-1 du code de la Route, c’est-à-dire un véhicule […] propulsé exclusivement par l’énergie musculaire des personnes se trouvant sur ce véhicule […].

Les choses sont très différentes aujourd’hui. Plusieurs dispositions nouvelles ont progressivement aligné sur les cycles plusieurs types de véhicules, et des dispositions ont autorisé d’autres catégories encore à bénéficier de la même autorisation, comme l’article R 412-43-1 : les conducteurs d’engins de déplacement personnel motorisés […] peuvent également circuler […] sur les aires piétonnes dans les conditions définies [par] l’article R 431-9.

Beaucoup de ces véhicules sont partiellement ou entièrement motorisés, donc plus rapides, et certains sont plus longs et/ou plus larges, et peuvent même être suivis d’une remorque.

Toutes sortes d’objets sont maintenant assimilés aux cycles

Last but not least, ces nouveaux véhicules sont souvent utilisés pour des activités professionnelles, c’est-à-dire avec parfois des contraintes horaires nettement plus fortes que les simples déplacements. On peut tous les jours constater par exemple qu’un livreur à vélo, aussi bien lorsqu’il circule que lorsqu’il stationne, garde la plupart des caractéristiques d’un livreur en camionnette.

Stationnement gênant

3 L’affaire d’Agen

En juillet 2023, le maire d’Agen, préfecture du Lot-et-Garonne, interdit aux cyclistes la circulation dans une partie de la zone piétonne au centre de la ville. L’association cycliste locale, Vélocité en Agenais, dépose un recours contre cette décision. La presse locale, puis nationale, rend compte de l’affaire et publie des entretiens avec un coursier à vélo et avec la dynamique présidente de l’association, qui font part avec vigueur de leur opposition à cette décision, et avec divers cyclistes et piétons, d’avis plus divers et nuancés. 

La partie piétonne de l’artère centrale de cette zone, le boulevard de la République, mesure environ 400 mètres, distance qui peut être parcourue à pied en 6 minutes, à vélo en 2 minutes. Le temps maximal perdu par un cycliste poussant son vélo, conformément à la nouvelle réglementation, sur toute la traversée de la zone piétonne est donc de 4 minutes.

Centre-ville d’Agen

Le décret de 1998 autorisant dans le cas général les cyclistes à circuler dans les aires piétonnes a, comme toutes les dispositions du même type, précisé sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. Le Maire d’Agen était donc réglementairement habilité à prendre une telle décision : comme je l’avais annoncé dans une de mes chroniques quelques jours avant, le juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de suspension de l’arrêté (« La justice administrative a tranché. Et plutôt nettement en faveur du maire d’Agen« , commente le journal Sud Ouest), et ce d’autant plus qu’il faisait suite à un certain nombre d’accrochages et à deux accidents sur des enfants, l’un provoqué par une personne en trottinette, l’autre par un cycliste. 

Le Tribunal rejette tous les moyens soulevés par l’association contre l’arrêté du Maire, qu’il estime suffisamment motivé en fait comme en droit. Pour appuyer son jugement, le Tribunal indique aussi que d’autres zones piétonnes à Agen étaient déjà dans le même cas, citant une passerelle et les rives du pont-canal d’Agen.

Contrairement à ce qu’affirme, après avoir été démenti en référé, l’avocat de l’association Vélocité en Agenais, rien ne permet de penser que l’action intentée contre la décision de la mairie d’Agen puisse être couronnée de succès lors du jugement définitif. Je suggère vivement à l’association d’abandonner cette action au profit de propositions réellement constructives, prenant en compte l’intérêt des piétons autant que celui des cyclistes.

4 Des raisonnements dignes de ceux des automobilistes … d’il y a 20 ans

Au contraire Vélocité en Agenais se lance dans une véritable croisade contre la mairie d’Agen. L’association est appuyée par la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), qui publie en première page de son site un texte utilisant un vocabulaire particulièrement déplacé, en tous cas ne faisant pas la preuve d’une volonté de dialogue : mesure inique, arrêté pris en dépit du bon sens, la mairie d’Agen pousse la farce encore plus loin, faire revenir la mairie à la raison

On peut aussi s’étonner de lire sous la plume de cyclistes, au mot près, toute l’argumentation jusque-là utilisée par les partisans de l’automobile, que les associations de cyclistes ont toujours mis toute leur énergie à combattre, comme si c’était un simple copier-coller :

Il s’agit bien d’une mesure discriminatoire à l’encontre des cyclistes mettant bon nombre d’usagers dans une situation compliquée : livreurs à vélo, personnes à mobilité réduite circulant sur vélo adapté, travailleurs utilisant leur vélo pour rejoindre leur lieu de travail. Pour les commerces, il s’agit aussi d’un manque à gagner économique important.

C’étaient jusqu’à présent les livreurs en camionnette, les personnes handicapées circulant en voiture, les travailleurs utilisant leur voiture pour rejoindre leur lieu de travail, le manque à gagner pour les commerces qui étaient mis en avant pour remettre en cause les infrastructures réservées aux cyclistes, qui servent à présent à ne pas accepter les infrastructures qui pourraient être réservées aux piétons.

La ville d’Agen est membre du Club des villes et territoires cyclables et marchables. Jean Dionis, qui se déplace à vélo, en a été élu maire en 2008. En 2010, le large boulevard de la République et les rues alentour ont été piétonnisées. Ça ne s’est pas fait facilement et à l’époque les automobilistes et beaucoup de commerçants s’y étaient opposés, annonçant la mort du commerce et plus généralement de la ville, prévoyant que la fermeture à la circulation automobile ferait fuir les Agenais vers des centres commerciaux périphériques accessibles en voiture.
Il ne semble pas, et la vigueur de la polémique en cours semble le prouver, que c’ait été le cas. Tout le monde se félicite aujourd’hui que Jean Dionis ait tenu bon, et c’est sans doute ce qui motive le maire à tenir bon face à une opposition de même type.

5 Paris et Strasbourg aussi ont interdit des zones aux cyclistes

La situation qui existait déjà à deux endroits à Agen, aujourd’hui étendue à certaines rues du centre ville, se retrouve dans de nombreuses villes, comme Montauban et Niort, mais aussi Strasbourg et Paris, villes généralement considérées comme plutôt favorables aux cyclistes.

Aux entrées du pont des Arts à Paris, dont le plancher en mauvais état vient d’être remplacé, des panneaux similaires à ceux d’Agen ont été posés lors de la réouverture après travaux de cette passerelle piétonne. La pose de ces panneaux n’a pas provoqué d’émotion particulière, comme une reconnaissance du droit et de la légitimité de la Maire de Paris à décider s’il convient ou non de faire prévaloir ici la tranquillité des piétons, touristes comme Parisiennes et Parisiens.

Petit échantillon de cas français

Rien ne justifierait que Monsieur le maire d’Agen, comme les maires de toutes les grandes et petites communes de France, ne puisse bénéficier du même droit et de la même légitimité que Madame la maire de Paris pour décider si la tranquillité des personnes faisant leurs courses dans le centre piétonnier commerçant d’Agen, s’y attablant, s’y déplaçant ou s’y promenant, ont droit à la même tranquillité. Les outils informatiques à notre disposition aujourd’hui permettent de se faire une bonne idée de la qualité urbaine et de l’aménagement de ce lieu, moins prestigieux mais tout aussi respectable que le pont des Arts. Ils permettent aussi de constater qu’il est rectiligne et d’une largeur importante, ce qui ne rend malheureusement pas étonnante l’information selon laquelle des cyclistes et des personnes utilisant des engins réglementairement assimilés cèdent à la tentation de le parcourir à une vitesse incompatible avec la présence de personnes se déplaçant à pied.

L’artère centrale d’Agen

La même difficulté des cyclistes à mettre pied à terre se retrouve à la traversée de l’esplanade devant la mairie du 17ème arrondissement de Paris, récemment piétonnisée et interdite à tout véhicule, dont la longueur est inférieure à 100 mètres, ou rue d’Austerlitz dans le centre de Strasbourg, dont les élus ont du mal à comprendre que des cyclistes n’acceptent pas de faire le léger détour par une rue parallèle toute proche qu’une signalisation explicite leur indique.

Deux rues piétonnes pour deux villes majeures

Lorsqu’on les interroge, les cyclistes qui roulent sur ces espaces assurent toujours le faire à une vitesse appropriée et avec la plus extrême prudence. Comme pour les personnes en véhicule motorisé dans la même situation, ces affirmations sont très largement contredites par la simple observation.

6 En Allemagne les zones piétonnes sont piétonnes,
et parfois piéton-cyclistes la nuit

En Allemagne la réglementation est celle qui existait en France avant 1998 : les zones piétonnes sont réservées aux piétons, et il faut une décision de la collectivité pour y autoriser la circulation des cyclistes. Le centre piétonnier de Constance est par exemple divisé en deux zones : l’une est autorisée aux cyclistes en permanence, l’autre seulement de 22h à 10h. Les deux jours où j’y suis passé, j’ai vu à 9h50 des cyclistes y rouler, à vitesse modérée, et à 10h10 les cyclistes que j’y ai vu poussaient leur vélo. Peut-être pourrions-nous revenir à cette réglementation. J’ai proposé au Cerema d’envisager cette hypothèse.

Constance : Autorisé en permanence / Interdit aux vélos sauf de 22h00 à 10h00

7 La FUB ne lève pas le nez de son guidon

Les villes de Nice et de Lille ont pris une décision analogue à celle d’Agen.

La réaction des associations locales de la FUB2Fub : Fédération des Usagers de la Bicyclette est beaucoup plus mesurée que celle de Vélocité en Agenais. Nice-à-Vélo « soutient l’arrêté de la Ville de Nice pour garantir que chaque usager ait son espace« , tout en soulignant « l’importance de mettre en place des mesures complémentaires« . A Lille, l’ADAV « demande des adaptations pour les cyclistes«  et fait des propositions concrètes. Le tout formulé dans des termes courtois vis-à-vis des décisions de ces municipalités, ouvrant la voie à une discussion sur les modalités de leur application.

Du Nord au Sud les piétons d’abord

D’autres villes réfléchissent à mettre en place des mesures analogues, comme Marmande, Villeneuve-sur-Lot, Grenoble et même Toulouse.

On aurait pu penser que cet échec juridique et cette extension géographique inciteraient la FUB à s’interroger sur les raisons qui poussent des maires à prendre de telles décisions, à réfléchir à la légitimité de sa première réaction. Il n’en est rien, et la FUB a au contraire publié un communiqué de presse offensif intitulé :

Multiplication des interdictions du vélo en centre-ville : la FUB tire la sonnette d’alarme

La Fub tire la sonnette d’alarme.

Comme dans le texte précédent appuyant l’action de son association agenaise, la FUB n’évoque les piétons que dans des phrases générales théoriques, sans propositions concrètes, mêlant cyclistes et piétons.

  • Nous appelons les maires à développer le vélo et la marche […] plutôt qu’à les opposer.
  • La FUB est très attachée à la protection des usagers les plus vulnérables […], qu’elles ou ils soient piétons ou cyclistes.
  • De nombreuses alternatives existent pour une cohabitation sereine entre piétons et cyclistes.

Mais aucune autre alternative que celle, rejetée par principe, qui consiste à les séparer à certains endroits n’est évoquée. Là aussi, ces phrases, surtout la première, ressemblent étrangement à celles des partisans de l’automobile expliquant n’avoir rien contre les cyclistes mais refusant toute mesure leur réservant effectivement de la place.

Et la seule mention particulière des piétons est une statistique de décès :

  • Chaque année, le rapport de l’Observatoire National de la Sécurité Routière rappelle un fait indiscutable : […] La presque totalité des décès de piétons résulte de collisions avec des conducteurs de voitures, de poids lourds ou de camionnettes.

Autrement dit : rien n’autorise les piétons, à partir du moment où des tableaux Excel démontrent que les cyclistes ne les tuent pas, à se plaindre de la gêne que leur procure la circulation de vélos en zone piétonne et à souhaiter qu’elle n’y soit pas toujours autorisée. Mais la préoccupation des piétons sur le boulevard de la République à Agen n’est pas le risque statistique d’y mourir mais le souhait de pouvoir s’y promener, faire des achats ou tout simplement se déplacer, ou de prendre tranquillement un pot et laisser ses enfants jouer sans crainte, sans peur de se faire frôler par des cyclistes ou trottinettistes roulant à une vitesse excessive.

Et le sentiment d’insécurité, que nous cyclistes évoquons à juste titre à l’appui de nos demandes d’infrastructures cyclables bien séparées des circulations motorisées, pourquoi ne l’entendrions-nous pas de la part des piétons vis-à-vis de nous ? Et ce d’autant plus, comme cela revient constamment dans les discussions entre cyclistes, que le comportement de beaucoup de cyclistes, en particulier dans leur rapport avec les piétons, nous inquiète de plus en plus.

Balayons donc devant notre porte, réfléchissons à la possibilité de faire progresser la nécessité de respecter partout les piétons, avant de protester contre des mesures rendues hélas nécessaires, précisément à cause de ce comportement.

Le Club des Villes et Territoires Cyclables est devenu Club des Villes et Territoires Cyclables et Marchables, le Coordonnateur interministériel pour le développement du vélo est devenu Coordonnateur interministériel pour le développement du vélo et de la marche. J’ai récemment demandé à Olivier Schneider, président de la FUB, si une telle transformation était envisageable pour la Fédération. Il m’a répondu par la négative, avec des arguments que j’ai estimé tout à fait pertinents.


Les cyclistes et les piétons, et les associations qui les représentent, sont toujours en paroles en total soutien à l’autre mode. La réalité les oppose parfois, comme sur ce sujet, et c’est précisément dans ces circonstances que les actes doivent confirmer les discours. Les demandes des piétons sont aussi légitimes que celles des cyclistes et doivent être écoutées, y compris celles qui n’ont pas auparavant reçu l’imprimatur des associations de cyclistes. On ne peut pas faire semblant d’ignorer qu’en 2023 les cyclistes et leurs vélos n’ont rien à voir, qualitativement comme quantitativement, avec celles et ceux dont on a, en 1998, fait de la possible circulation la règle générale dans les zones piétonnes. Et l’arbitrage entre les différentes réglementations possibles revient, comme le prévoyait sagement et légitimement le décret 98-828, à l’autorité investie du pouvoir de police, ce pouvoir lui étant conféré, faut-il le rappeler, par élection tous les 6 ans par l’ensemble de la population, les cyclistes et les piétons comme tous les autres.

Le tribunal administratif a aussi rejeté le recours qui avait été déposé contre l’arrêté de la mairie de Lille concernant la circulation des deux-roues dans le centre-ville. Francebleu, 1er décembre 2023. Certaines rues restent interdites aux cyclistes ainsi qu’aux cyclistes et patineurs à moteur entre 11h et 22h.

Ça aurait pu dérailler, mais la vitesse est finalement passée. C’est en tout cas ce que laissent entendre la mairie de Pau et l’association d’usagers Pau à vélo. Vendredi 12 décembre, une rencontre a eu lieu entre différents acteurs du milieu pour évoquer des solutions d’aménagement cyclable pour la ville. Sud-ouest : Pau, bientôt une « ville pilote » pour les vélos ? Ce qui pourrait changer dans l’agglomération. Cette rencontre a eu lieu entre le maire lui-même et des représentants des cyclistes ainsi que le président de la FUB.

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Sam Nantes
1 année

Merci Abel d’avoir pris le temps de rédiger cet article.
Interdire le trafic cycliste dans des zones piétonnes se fait aussi dans d’autres pays, comme les Pays-Bas (où semble-t-il l’interdiction est peu respectée), et la réglementation française le permet déjà comme tu le soulignes. Je pense que ces interdictions vont se multiplier, même si, comme l’a montré le reportage de Biclou, les contextes sont très différents entre Nice et Agen.

▶️ Comment faire en sorte que ces interdictions soient mieux acceptées par les personnes à vélo?
Gagner en cohérence dans les arrêtés municipaux me paraît indispensable pour permettre aux habitants, commerçants et livreurs d’y rouler à vélo aussi bien qu’en scooter, fourgon ou voiture. Et accéder aux demandes et propositions des associations cyclistes pour la sécurisation des aménagements et itinéraires autour des zones interdites contribuerait à un apaisement.

Les statistiques de sécurité routière ne concernent que les accidents graves, mortels et avec intervention des secours. Elles ne traduisent pas les accidents moins graves, les imprudences et l’agacement. Des campagnes d’observation seraient les bienvenues pour mieux comprendre le phénomène et son ampleur.
Il faut garder à l’esprit que les piétons ont intériorisé depuis longtemps la domination du trafic routier. Par exemple, renoncer à traverser est courant à Paris, comme le montrent les vidéos de l’association Sixteen, mais le bruit médiatique et l’agacement se focalisent principalement sur les cyclistes. Aménager un double sens cyclable dans la rue d’une école parisienne provoque une angoisse chez certains parents qui demandent des barrières sur le trottoir pour protéger les enfants, ce qu’ils ne demandaient pas avec le trafic automobile (c’est un exemple que tu emploies). Qui protège les cyclistes?

L’empressement de ces maires à protéger les piétons est une bonne chose. Peut-être sommes-nous jaloux et souhaiterions bénéficier de la même attention? Certes, les plans vélo et les financements se multiplient depuis des années, la marche étant la grande oubliée et avec une tendance à prendre sur son espace (plutôt que celui de l’automobile) pour faire des aménagements cyclables.

Mais si l’on parle de sécurité, je note que les élus ne s’empressent pas d’intervenir aux endroits où des cyclistes sont tués : à Lille à la sortie de l’A25 où un homme à vélo a été tué par un conducteur d’Audi début octobre, à Nantes où une femme enceinte a été tuée par un chauffeur de camion sur un giratoire, sur le barrage de la Rance où plusieurs cyclistes ont été tués ou gravement blessés, ou encore à Nice où les témoignages de violence routière touchant les cyclistes sont quotidiens.
La difficulté à pouvoir porter plainte en cas d’agression ou d’accident, les classements malgré les preuves vidéo et les témoignages, démontrent qu’en l’état actuel la police et le parquet ne prennent pas au sérieux le phénomène.

▶️ Que font les autorités vis-à-vis des autres modes?
L’exigence vis-à-vis des cyclistes, nécessaire et indispensable puisqu’il y a des accidents et de l’agacement, m’apparaît très forte par rapport à ce qui se pratique vis-à-vis des autres modes. Autorités, médias et entourage nous demandent une exemplarité jamais satisfaite. Pourtant, les associations du réseau FUB mènent des actions de prévention pour sensibiliser au respect des piétons (comme Place au vélo Nantes avec la police municipale).
Malgré ma veille je n’ai relevé qu’une opération à Rouen (contrôle des priorités piétonnes en 2019) et une à la Grande Motte (radar piéton en 2017). A Nantes, avec une dizaine de piétons tués en 2019, la métropole a réagi en aménageant des « refuges » au milieu des voies en prenant sur les bandes cyclables. Quand l’étude MMA sort, les médias se précipitent pour interviewer les associations FUB… mais pas les représentants des automobilistes, des 2 roues motorisés (que l’Etat continue à faire siéger au CNSR malgré leur rôle dans le dieselgate, leurs positions contraires à la protection des plus vulnérables, ou des méthodes violentes) ou des piétons.

▶️ Faire cause commune avec les piétons?
Nous le faisons déjà mais pas assez puisque tu relèves une communication de la FUB digne de 40 millions d’automobilistes. Mais avec qui militer? Le ton et les publications de l’association 60 millions de piétons me posent problème (qui proviennent principalement de leur porte-parole parisien), et pas qu’à moi d’ailleurs si j’en crois un billet de Carfree « 60 millions d’automobilistes à pied » qui fait malicieusement écho aux propos de Pierre Chasseray dans Le Parisien en 2013 : « N’oublions pas qu’un automobiliste c’est juste un piéton qui ne s’est pas encore garé ». Leur contribution au Code de la rue de la ville de Paris renforce cette caricature (« [les cyclistes] sont hélas peu détenteurs d’un permis de conduire, ils connaissent donc encore moins les règles du Code de la Route qui s’applique à tous véhicules ») avec une longue liste de demandes spécifiques aux cyclistes que l’association… ne reprend pas pour les automobilistes, les motards ou les scootards (puisque leur domination est intériorisée comme je l’écris plus haut).

▶️ Continuer à « laver plus blanc que blanc »?
Je reste persuadé que la stratégie non-violente et coopérative de la FUB sera gagnante sur le long terme (Olivier s’est déplacé à Agen), elle montre des résultats avec les différents plans vélo et programmes d’accompagnement. Mais il faudra revenir sur les prises de position que tu fustiges.

Au quotidien, notre posture de bisounours, le peu d’empressement des autorités pour nous protéger et la violence routière ordinaire que nous subissons sont lourdes à encaisser.

Dominique
1 année

Bravo pour cet article, analyse très fine (que je partage) de situations qu’on retrouve un peu partout dans les villes comportant un plateau piétonnier. A Fribourg-en-Brisgau (D), idem, certaines rues de l’hyper centre sont interdites à la circulation des cycles certaines heures de la journée. Il est également bien vrai que cycliste « musculaire » circulant souvent à vitesse modérée soit 3/4 X la vitesse d’un piéton, il m’arrive d’être surpris/effrayé par des engins qui me croisent ou dépassent à 20/25 km/h, c’est-à-dire des VAE ou EDPM…. alors les piétons….

Dambrine Michèle
1 année

 » Depuis 1998 les cyclistes et leurs vélos ont bien changé », Oui c’est certain ! Et comme souvent les abus de quelques uns pénalisent tout le monde, ici piétons et cyclistes.
A Metz au début des années 2000 le centre-ville piéton était l’un des rares de France interdit aux cyclistes en journée, autorisé seulement à vélo la nuit à condition d’y rouler dans le sens de circulation voitures. L’Association Metz à Vélo demandait la transformation de ce centre-ville en un espace piéton accessible à vélo, sous conditions de respect des piétons par les cyclistes. Le changement de municipalité et un Maire cycliste et marcheur ont rendu cyclable le plateau piétons. Quel plaisir et facilité de déplacements, en particulier pour les cyclistes ne pouvant se déplacer à pied ou porter des objets facilement transportables à vélo. Ensuite la politique des déplacements a progressivement évolué, avec plus de partage des rues et places, zones de rencontre, DSC. Metz est une belle ville, avec un centre compact et relativement petit, qui mérite de pouvoir s’y déplacer plutôt à pied ou à vélo, à condition que chacun le fasse avec civilité.
Mais le problème n’est-il pas celui de l’incivilité des personnes, et alors comment légiférer ? Vive le vélo et la marche à pied dans nos villes et villages, en cohabitation lorsque c’est possible, séparés autrement, mais le moins souvent possible avec assistance électrique ou autre.

Monique
1 année

Un grand bravo pour cette mise au point. Depuis 1998, l’augmentation du nombre de cyclistes et de leur vitesse lorsqu’ils sont motorisés, fût-ce électriquement, et le fait qu’ils sont désormais souvent le nez sur leur GPS (ou leur portable), ou encore équipés d’un casque pour s’enfermer dans leur bulle musicale (une amie cycliste a eu le malheur de se vanter de ce « plaisir » auprès de moi !), rend effectivement leur accès aux zones piétonnes très problématique… La FUB peut dire ce qu’elle veut, tant mieux si les maires modifient leurs réglementations en conséquence !

Flo
1 année

L’argumentation est bonne et je lui donne raison globalement. Votre expertise est très souvent excellente et mon niveau sur ces sujets est moindre.
Oui les pratiques ont changé. Mais le souci à Agen n’est pas d’interdire les cyclistes, mais de comment cela a été fait. Le maire se dit cycliste mais les infrastructures sont dangereuses, non structurées et vieillissantes, il n’y a ni une vraie politique ni assez de budget.
Nous sommes bien d’accord que la zone piétonne est une super idée, qu’il faut laisser les piétons en sécurité sans pratique de véhicules rapide. Mais dans les faits, il n’y a pas d’alternative pour le vélo. On aurait pu imaginer des horaires pour les salariés, des contrôles des personnes qui vont trop vite. On aurait aussi pu interdire uniquement les engins à moteur.
Le risque était que les petites villes généralisent ce genre d’interdit sans trop réfléchir. Et c’est le cas. Nice n’interdit pas toute l’année et les rues sont étroites, à Niort la zone interdite est moins structurante avec des rues parallèles. Grenoble a des axes vélos, je pense que la zone sera pensée avec intelligence. À Villeneuve-sur-Lot et Marmande le centre ville est encore autorisé aux voitures sans infrastructures nulle part pour le vélo.
Bref, on a fait un antécédent. Et oui la FUB défend les cyclistes et un peu moins les piétons mais c’est son rôle. Piétons, qui à Agen, sont certainement automobilistes pour venir en centre…

Dambrine Michèle
1 année
En réponse à  Abel Guggenheim

Les assocs fUB n’ont pas une folle envie de se lancer dans des contentieux juridiques, elles ont pour la plupart des objectifs plus « positifs » et enthousiasmants, et l’envie de faire connaitre et partager le plaisir d’être à vélo en sécurité, en même temps que rappeler et permettre les rôles utilitaires des déplacements à vélo. Bravo aux Municipalités à l’écoute de leurs citoyens et qui mettent en place des concertations avec les usagers.

Philippe
1 année

Bien d’accord avec Abel. La plupart du temps les piétons et les cyclistes font cause commune pour des rues pacifiées. Il serait dommage qu’en refusant quelques rares rues vraiment piétonnes les cyclistes s’attirent l’opposition des piétons.
Trois remarques en complément :
1° l’exclusion des cyclistes est parfois soutenue par le lobby des automobilistes, attention à ce que les piétons soient vraiment demandeurs
2° les maires tentés d’imposer des interdictions aux cyclistes devraient d’abord verbaliser les excès des vélos dans les zones piétonnes (vitesse excessive, stationnement abusif) et ne prononcer des interdictions que si les incivilités persistent.
3° Dans l’intérêt bien compris des cyclistes la FUB devrait communiquer sur l’obligation de respecter les piétons (ne jamais rouler sur un trottoir !), en particulier dans les zones piétonnes et les voies vertes (dépasser tout piéton à plus d’un mètre, ne pas dépasser la vitesse du pas en présence de piétons).

Lucien
1 année

Bonne analyse entre piétons et cyclistes ainsi que de l’évolution sur la pratique du vélo. Toutefois il est regrettable de ne pas parler du retard pris par toutes les collectivités sur l’ensemble des programmes d’aménagements cyclables (Paris n’a par exemple réalisé que 26% de son programme cyclable à mi-mandat.), ni de la nécessité d’une véritable prise en compte des synergies entre les différents modes de mobilité. Les cyclistes ne sont pas en opposition avec les élus mais ceux-ci ne développent pas autant de zèle pour réaliser correctement des aménagements cyclables parfaitement sécurisés. Une petite minorité de cyclistes pourrit la vie des piétons et des cyclistes. Ne serait-il pas plus efficace d’informer, d’éduquer, de sécuriser, de sanctionner plutôt que pénaliser des itinéraires? N’oublions pas que le cycliste emprunte généralement le parcours le plus court, comme le piéton d’ailleurs.

Administrateur
1 année
En réponse à  Abel Guggenheim

La mairie de Paris a annoncé son nouveau Plan piéton pour jusqu’en 2030, les prochaines élections municipales étant en 26. Il consiste en des trottoirs élargis et des feux verts plus longs (donc des attentes plus longues si les autres phases restent en l’état). On amuse la galerie.

Hervé
1 année

Pour que ces arrêtés d’interdiction fonctionnent tout en encourageant l’ensemble de la population à passer aux vélos, il faut que le gestionnaire de voirie propose des itinéraires cyclables de contournement de ces aires piétonnes.
Strasbourg s’y engage avec des travaux qui seront achevés d’ici la fin du mandat municipal en cours (cf l’article du DNA du 15 novembre). Agen, Lille et Nice en font-ils de même ?

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