Les élus ne connaissent pas leurs administrés, une étude le montre encore

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C’est une chose que de dire On ne peut pas, ça va tout bloquer, et de s’apercevoir qu’en fait les habitants n’attendent que ça. On le sait depuis au moins l’année 1995, où, au congrès Velo-city de Bâle, le Munichois Werner Brög l’avait magistralement démontré. Les élus ne croient pas que les citoyens soient prêts au changement, contrairement à eux-mêmes.
Une des raisons, à mon avis, c’est que ce sont les râleurs qu’on entend le plus. Les élus alors pensent que « tout le monde est contre » et donc n’osent pas le faire, ou, ce n’est pas mieux, passent en force ou se lancent dans des débats en opposition.
Moi aussi je l’avais remarqué lorsque je faisais des Plans vélo. Il suffisait de poser les bonnes questions naïves aux passants et riverains … et de laisser venir la conversation, mais les maires, mes clients, n’en démordaient pas. La différence avec eux c’est que je discutais « en privé » avec les gens alors que le maire le fait plutôt lors de réunions ou pas grand’monde n’ose se distinguer de ses voisins et où, mon expérience actuelle le montre, les « favorables » ne jugent pas utile de se déplacer.

C’est donc très utile que l’ADEME vienne de publier, presque 30 ans après, une étude sur le sujet.

En résumé :

Les études d’opinion montrent que plusieurs mesures de réduction de la place de la voiture sont souhaitées par une majorité des habitants des villes : en premier lieu les projets de piétonnisations, le développement des pistes cyclables, ou encore la limitation de la vitesse à 30 km/h.

Ce type de propositions figure dorénavant dans la grande majorité des programmes politiques des candidats aux élections municipales dans les grandes villes, tous partis politiques confondus.

L’analyse des dernières élections municipales dans les 11 plus grandes villes françaises montre que les candidats victorieux avaient proposé dans leur programme en moyenne 3 à 4 mesures de réduction de la place de la voiture. C’était 1,10 mesure de plus que leurs adversaires.

Enfin, l’acceptabilité est un processus dynamique et elle évolue dans le temps. Une mesure initialement impopulaire peut le devenir au bout de quelques années ou lorsqu’elle se concrétise et que ses effets positifs deviennent visibles. L’étude décrit le processus de mise en œuvre de plusieurs mesures qui ont d’abord été critiquées lors de leur conception et sont devenues très populaires par la suite : la mise en place du tramway de Brest, les piétonnisations à Dijon et Arras.

Selon l’étude publiée par l’ADEME, l’acceptabilité sociale de ces mesures dépend de plusieurs facteurs : le contexte socio-économique et territorial, la possession d’un véhicule motorisé, la dépendance automobile dans les zones périphériques, la perception de l’impact direct des mesures sur le quotidien, et surtout la manière dont elles sont intégrées dans un programme global de transformation urbaine. Les mesures qui sont perçues comme isolées ou mal communiquées suscitent davantage de résistance. À l’inverse, lorsque ces initiatives sont accompagnées d’alternatives concrètes, comme le développement des infrastructures de transport en commun, le soutien aux mobilités actives ou encore les incitations financières pour les ménages les plus touchés, elles obtiennent un plus large soutien. 

Et lorsque le maire peut exposer que toutes les hypothèses ont bien été étudiées, tous les inconvénients bien mesurés et pris en compte, toutes les oppositions bien entendues, alors il n’y a plus la place pour l’hésitation.
Je me souviens avec force du discours que Alain Juppé, maire de Bordeaux, avait fait en 1/4 d’heure chrono pour expliquer qu’il avait décidé de fermer le pont de pierre aux automobiles. C’était et cela reste un chef-d’oeuvre dont devraient bien s’inspirer nos maires.


Au passage on aura vu deux choses : que mes titres ne sont pas toujours les meilleurs pour retrouver quelque chose. Et surtout qu’Edouard Philippe trouve lui aussi les mots qu’il faut. Je cite : Si on ne prend pas les bonnes décisions, c’est une société entière qui s’effondre, littéralement, qui disparaît.

Et pour finir, un petit « souvenir », un sondage d’Auto-Plus datant de mars 1992 et montrant … exactement la même chose que Brög (1995) et l’ADEME (2024) !!! 32 ans à rabâcher la même chose !


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promeneur
2 mois

On pourrait appeler ceci le biais de la démagogie, la peur de ne pas être ré-élus.
C’est pourquoi je suis favorable à des assemblées de citoyens. Souvent celles-ci sont plus allantes, plus progressistes. Et surtout plus représentatives.

Dominique Bied
2 mois
En réponse à  promeneur

J’ai été tiré au sort pour la convention citoyenne de ma métropole en Juin 2023. Nous avons travaillé un an sur la transition écologique, dont les mobilités. Sur la réduction de la place de la voiture utilisée en autosolisme et le développement du vélo il y avait des tensions. Après débat, toutes les tensions avaient disparu et les mesures ont été adoptées à plus de 90% des voix. J’ai pu obtenir une adhésion quasi totale à cette phrase: Chacun doit avoir la liberté de choisir son mode de transport, dont le vélo, en sécurité. CQFD

Moi aussi, j’avais été marqué, positivement, par cette intervention remarquable d’Alain Juppé, à tel point que j’en avais (moi aussi !) fait un billet : Pendant ce temps-là à Bordeaux le pont de pierre respire.

Alexandre
2 mois

Dans le même genre, j’avais fait une étude sur l’historique du réseau de transports collectifs à Nantes. La construction de la première ligne de tramway illustre bien ce qui est dit dans l’article (petit rappel, la ligne 1 a été mise en service en janvier 1985, les travaux avaient commencé en 1981). C’est une équipe de gauche qui a lancé le projet, l’opposition, élue en 1984 voulait initialement stopper le projet, mais il était trop avancé, donc ils ont terminé la ligne. Devant le succès populaire du projet, c’est la droite qui a lancé les études pour la ligne 2 en 1988. Comme quoi, quand on mets les élus devant un projet déjà fini, ils sont bien obligés de voir qu’une majorité des habitants en voulait.

Michèle Dambrine
2 mois

L’acceptabilité sociale de ces mesures dépend de plusieurs facteurs : le contexte socio-économique et territorial, la possession d’un véhicule motorisé, la dépendance automobile dans les zones périphériques, la perception de l’impact direct des mesures sur le quotidien, et surtout la manière dont elles sont intégrées dans un programme global de transformation urbaine. Oui Isabelle, c’est tout à fait cela. Un problème majeur reste celui des petites villes avec des élus et des équipes municipales pas forcément professionnelles des aménagements des rues, mais qui se pensent professionnelles.
La concertation avec les usagers est encore loin d’être la règle, les petites villes ne sont pas encore assez embouteillées pour oser prioriser le vélo, les esprits y sont souvent très frileux et le « qu’en dira-t-on » souvent trop présent.
Oui la manière dont les mesures nouvelles et aménagements d’une ville sont réalisés entraînera, selon que la manière sera bonne ou mauvaise, soit l’adhésion totale des citoyens, soit un rejet total, voire l’hostilité des citoyens.

Dominique Bied
2 mois
En réponse à  Michèle Dambrine

La bonne réponse à ces élus est celle donnée plus haut. Chacun doit avoir le droit de choisir librement son mode de transport, dont le vélo, en sécurité quelque soit la géographie.

Dominique Bied
2 mois

Lorsque j’ai fait mon master transports territoires et environnement en 2000-2003, Francis Beaucire, le patron de ce master, disait la même chose dans son petit livre Transports urbains.

Adrien
2 mois

Le sondage Auto Plus est une vraie perle.

Pierre
1 mois

Nos élus dans leur grande majorité sont en décrochage total de la vie de leurs concitoyens, nous le constatons quotidiennement. Encore plus grave ils ne se projettent pas suffisamment dans le futur. A croire qu’une fois élu ils bloquent les décisions qui pourraient amener des contradictions, ou faire émerger des contrepouvoirs qui nuiraient à leur mandat. En ce qui concerne le Pont de Pierre de Bordeaux il a fallu quelques manifestations et courriers auprès de la mairie pour qu’elle accepte cette modification d’usage. Les services, les élus sont biberonnés au tout automobile. La toute puissance du lobby auto est telle que nous prenons un retard considérable dans la mise en œuvre de mobilité active et de transports collectifs à la hauteur des besoins. Combien de pub sur l’auto subissons-nous consciemment ou inconsciemment par jour? Faites le bilan, c’est ahurissant et inquiétant. Continuons à nous mobiliser pour que les orientations prises soient les bonnes dans l’intérêt général et pour la planète.

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