Le livre La Seine en roue libre s’ouvre sur une carte du bassin de la Seine, ce qui nous fait envisager un voyage très riche dans ce vaste pays où la Seine officielle se distingue fort peu de ses soeurs et où tout cela se passe comme dans du coton. Nous allons nous y perdre, mais pas comme vous croyez.
L’auteur, censé suivre la Seine, commence bien là où il doit. Mais ensuite je n’ai pas réussi à savoir où il était, nous perdons sa trace, et celle de la rivière. Il est passé par les Lacs de retenue, et se retrouve bien devant Napoléon, mais nous ne comprenons pas comment il a fait, et si moi je le sais, lui n’en a pas l’air. En revanche il a bien vu que l’Yonne était d’une autre nature … Ensuite, il est peut-être sidéré, en tout cas il y a un grand trou.
Dans ma partie personnelle du linéaire j’ai bien reconnu ma piste sous le pont, mais ensuite je n’ai vraiment pas compris pourquoi il allait grimper la côte des Gardes, et me suis même demandé s’il ne se trompait pas de nom, tant cette côte est difficile, même pour les cyclo-lycras. Figurez-vous qu’il est aussi passé par la rue de Vaugirard, ce qui ne colle pas du tout, jusqu’à ce que je découvre qu’il lui en reste un petit bout, très dénaturé, dans le bas-Meudon. Pourquoi passe-t-il par là et pourquoi nomme-t-il ces 100 mètres de jonction ? mystère, surtout pour moi qui sait que le truc qui monte sous le pont du RER à partir du grand rond-point est le fruit récent de décisions liées au requalibrage de la route, au détriment de toute une population qui vivait au bord de l’eau. Sait-il qu’ici chaque hiver on bénit la Seine ? Sait-il pourquoi il y a un arbre à la mémoire de Gil ? Connait-il notre vallée qui fut si peuplée de réfugiés de partout ? A-t-il vu ce qui reste de la descente des bateaux? … il aurait mieux fait d’attendre la rue de la Cristallerie pour quitter la Seine, et encore. On peut aller plus loin, au moins jusqu’au camping municipal de Paris et à Nanterre par la Défense …
Plus tard on se retrouve en Normandie et nous visitons quelques lieux réputés dangereux comme le Val-Fourré, Flins pour ses usines, puis quelques centre-villes, et une passe à poissons, mais ne rencontrons pas beaucoup d’amoureux du fleuve. L’auteur lui non plus ne tombe pas amoureux, alors il se force à s’imaginer que la Seine, elle, a commencé à tisser un lien avec lui. Je n’y crois pas. Son vélo, qui en a peut-être marre, est même tombé dedans. Tu parles d’un amour …
Je crois que l’auteur aurait mieux fait de suivre la Seine de près et de s’en tenir à ce qu’il avait vu plutôt que de refaire l’histoire et noyer tout le monde dans le brouillard. Quoi qu’il en soit la fin est large, comme l’estuaire. Cela ne permettra toujours pas de trouver son chemin, mais au moins de savoir que l’on peut échapper au programme de la Seine à vélo (dont j’ai déjà annoncé que jamais je ne repasserai par une horreur pareille). Logeant chez l’habitant notre auteur se remet à nous donner de belles descriptions, et nous rappeler des faits historiques (Victor Hugo, Guy de Maupassant etc).
Ce livre est décevant, même si tout n’est pas à jeter. Il se lit avec perplexité mais intérêt également, et à défaut de nous faire aimer la Seine il nous aura parlé de la vraie vie dans sa relative proximité. Il aura fait un portrait de la France d’aujourd’hui, comme dit le libraire, et c’est toujours bon à prendre. L’auteur a découvert que la Seine à vélo n’était pas prête, et c’est vrai. Pour ce qui est de découvrir la Seine vous pouvez acheter des cartes.
La Seine en roue libre
Jean-Louis Boudart
Éditions Transboreal
Voyage en poche, novembre 2024
12,90 €
Chez le même éditeur un livre très recommandé : Le Centaure de l’Arctique, un voyage dans l’URSS des années 20