Les RER métropolitains, des projets forts encore très fragiles

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« Les collectivités forcées de tailler dans leur budget » annonçait en Une le journal Le Monde de ce samedi. Pile au moment où les congressistes des Journées de la mobilité quotidienne avaient compris que la réussite des RER métropolitains impliquait argent et bonne gouvernance. Dernières corrections le 11 février vers 12h30.

Les plus de 400 congressistes, venus de la France entière y compris ultra-marine, et notamment des 24 projets de SERM déjà labellisés, auront compris plusieurs aspects de la question grâce au modèle d’Annemasse, le plus abouti de France après l’Ile-de-France. Impossible de nommer toutes les personnalités présentes, alors juste une seule tout de même, Antoine Comte-Bellot, du Secrétariat général à la planification écologique.

M. Comte-Bellot, premier à gauche

Un SERM c’est d’abord du ferré, lequel est complété par tout le reste, de l’autocar au vélo en passant par le co-voiturage, le tramway, les autos en libre-service, etc. et aussi les véhicules intermédiaires, dont le nom n’a jamais été prononcé pendant ces deux jours alors même qu’ils sont soutenus par l’ADEME. J’en ai souvent parlé, par exemple suite au salon du Havre.

Compléter veut dire rabattement, mais pas seulement. A Annemasse on construit en parallèle voie verte intercommunale, qui va jusqu’à Chamonix, et tramway, et tous mènent à Genève Ainsi l’un peut sauver l’autre en cas de pépin, ou alléger la demande.  Il y a aussi le « Léman express » qui n’est qu’un train banal mais cadencé à la demi-heure et roulant sur une voie dédiée, en tranchée couverte et scénarisée. C’est donc une infrastructure, une optimisation, une gouvernance et des financements. 

Chaque réseau a ses particularités. Certains sont déjà ferroviaire par nature, comme Toulouse et ses 6 branches ou Tours et ses 8 branches. Certains sont déjà multimodaux, voire même cyclables, comme à Tours. Certains sont à cheval sur plusieurs communautés de communes, voire plusieurs régions. Le territoire doit être le bon, c’est le bassin de vie, les décisions doivent être coordonnées, il faut un chef de file du projet. A Orléans c’est l’agence d’urbanisme, à Chambéry c’est le SYMOS, Syndicat des mobilités de l’ouest-savoyard, et à Lyon c’est le SYTRAL1qui associe depuis le 1er janvier 2022 la métropole de Lyon, la région Auvergne-Rhône-Alpes, les communautés d’agglomération Villefranche Beaujolais Saône et de l’Ouest Rhodanien, ainsi que l’ensemble des communautés de communes dont le chef-lieu est situé dans le département du Rhône,. Si c’était la SNCF il y aurait le risque que le projet se réduise à payer les rails qu’on aurait dû payer il y a trente ans. Moyennant quoi par exemple les 3/4 de la population de Auvergne – Rhône-Alpes est concernée par les 6 projets en cours, près de 80% des parcours sur le Léman express sont locaux, sans passage de la frontière. A Nantes, malgré tram et pistes, on a noté peu de report modal, l’enjeu étant le stationnement. Parfait, sauf que personne ne le connaît vraiment, fait remarquer François de Fleurian, membre de l’association !


Tout reste à faire. Un réseau signifie fiabilité absolue, cadencement très court, plage horaire de l’aube aux retours des fêtes, information très simple, billétique facile, stationnement des vélos, vélos en libre service …  et même pourquoi pas, navettes ou voiturettes en libre-service. Mais aussi raccords à la ville et aux autres modes de déplacement.

Aujourd’hui, pour beaucoup, se déplacer à Toulouse, c’est une catastrophe et cela ne va pas s’améliorer malgré les projets portés par les institutions (LGV, troisième ligne de métro et seconde rocade à Toulouse). A l’inverse, moderniser l’étoile ferroviaire existante et améliorer fortement les trains du quotidien (TER + RER) pourrait être un projet à la fois ambitieux et pragmatique. 
Rallumons l’Etoile (Toulouse)

Il faut aussi savoir trancher. Faire de la place à tout le monde, c’est continuer comme avant. Or les citoyens sont prêts, ils ne demandent que ça, dès qu’il y a un bon système qui les délivre de l’auto ils y vont. Mais tenter de transformer la conférence de financements des SERM, plusieurs fois repoussée, en conférence de financement de tous les moyens de transport (y compris routes et aéroports), c’est aller droit dans le mur. Comme transformer une mission sur la sécurité des cyclistes en mission sur la sécurité de tout le monde … Ainsi est-il urgent de savoir dire non aux nouvelles routes, a-t-il été souligné. C’est simple, l’auto ne doit pas être plus commode que le réseau métropolitain, et ne doit plus être une habitude.

Un SERM c’est le seul moyen de s’adapter au changement climatique. Côté financements il a été rappelé que le coût des conséquences de la pollution atmosphérique était de 16 milliards par an en France. Personne ne serait choqué que les financements des SERM soient nationaux et européens. Surtout s’il n’y a plus rien aux échelons inférieurs. Encore faudrait-il penser juste, en kilomètres émetteurs évités par exemple. Vu comme ça les 15 % de vélo au centre-ville de Strasbourg ne pèsent pas lourd, c’est le ferroviaire qui fait le report modal massif !

Les SERM ne vont pas tout résoudre, car l’idéal c’est aussi de moins se déplacer. Un bon levier, par exemple, c’est de rouvrir les écoles plutôt que de renforcer les autocars scolaires et obliger les parents à faire taxi. Il faut vraiment penser en kilomètres évités !

Pour cadencement et extension d’horaires, il suffirait de le déciderLe coût d’exploitation serait très faible puisque les sillons sont déjà réservés et que le matériel et le personnel sont là. Plus même, selon une étude de Trans-mission sur l’axe Villefranche – Lyon – Vienne, citée par Alain Caraco dans sa présentation du SERM de Chambéry : « Si on cadence l’offre on a besoin de 6 trains pour une fréquence à 30 minutes toute la journée, alors qu’aujourd’hui avec plusieurs trous dans la journée on a besoin de 7 trains. » 

Il faut améliorer tout ce qui devrait déjà l’être … et surtout ne pas s’en tenir au chemin de fer, ni à la seule mise en oeuvre de ce qui aurait dû être fait depuis longtemps ! Or c’est le risque s’il n’y a pas de financements forts tout de suite.

La demande est là, et très forte. Le Léman express dessert 85% des habitants concernés. Il est bondé, alors qu’il part en retard et que l’information est très mal fichue. Passer de la demi-heure au quart d’heure peut être fait, nous a-t-on affirmé. Cela aurait l’avantage que plus personne n’aurait besoin de connaitre les horaires, comme dans le métro parisien. Côté gestion de cette ligne il a fallu créer une entreprise internationale, Lemanis, filiale de la SNCF et des CFF, Chemins de fer fédéraux. 

Pilotage, et agilité sont à l’oeuvre, n’empêche que les « points de convergence » (des modes et des réseaux) restent à optimiser, et doivent devenir des « poches de compacité » (commerces, services, habitat …). Malgré le Léman express la circulation automobile en ville et tout le long de la ligne reste très envahissante, indice du fait que tout n’est pas seulement une question de transports.

Dans Annemasse j’ai remarqué que les zones de stationnement pour les vélos étaient pauvres et mal accessibles. En atelier sur le vélo et les gares on a tenté de nous faire croire que « sécurisé » voulait dire libre accès, attache facile, surveillé ou fermé, avec un toit. Quelqu’un a alors suggéré que la sécurité soit garantie par l’assurance de remboursement en cas de dégradation ou de vol. (Si vous y tenez : De grands garages à vélo dans les gares parisiennes, été 2024)

Quand à la voie verte elle est peu visible sans dépliant touristique… bien que son plan soit affiché sur les toilette publiques ! 
Toujours pour le Léman-express, si 80% des déplacements sont sans franchissement de la frontière, pour un trajet moyen de 20 minutes à toutes heures et pas du tout que pour le travail, c’est bien que les déplacements locaux l’emportent. Pourtant le rabattement ne se fait à vélo que pour 6% des trajets (et 3% à trottinette). Heureusement il y a un projet de construction de 200 km de pistes cyclables.


Un RER métropolitain ce n’est pas que du déplacement facilité, c’est aussi de la justice sociale (l’auto obligatoire n’est que ruine de la personne modeste) et de la cohésion. Comme évoqué plus haut les points d’accès sont essentiels, notamment parce que le grand risque c’est le renforcement de l’étalement urbain et la hausse des prix. Si pour financer il faut faire de la spéculation immobilière, ou si les bons salaires suisses amènent un trop fort peuplement côté français … on se pose des questions. Annemasse connaît déjà le problème des sans-abris. Dans la vallée, ou le long de la ligne de chemin de fer d’Annemasse à Bellegarde, on voit des sortes de villes nouvelles avec vastes zones piétonnes … et le tout pas forcément visible et raccordé depuis la gare. Par ailleurs on commence à s’inquiéter pour la nourriture, pour laquelle il est impératif de protéger les terres. Les opérateurs professionnels qui mènent les études et pilotent les réalisations sont la Société des Grands Travaux, Artelia, Egis et quelques autres très grosses entreprises dont certaines logiques peuvent être à surveiller.

Et plein de personnes debout à l’arrière !


Les vélos, on l’a vu, sont indispensables aux RER, et vice-et-versa, c’est l’ensemble qui compte. Il ne suffit pas de le dire, la puissance du lourd peut toujours écraser le faible, même si cela lui porte tort. Aux rencontres des Mobilités du quotidien à Annemasse aucune, aucun, responsable de la représentation du vélo n’était là. Ni du Réseau Vélo et Marche ni de la Fub. Seuls, comme souvent, des cyclistes isolés se sont démenés. Cela n’est pas sérieux. Comment comprendre les rapports de force et les blocages, comment jouer jeu égal si l’on n’est pas présent là où cela se joue ? De nombreuses collectivités, entreprises et citoyens l’ont bien compris et ont déjà pris leur adhésion à Objectif RER Métropolitains dans la foulée de ces deux journées.

En conclusion nous avons compris qu’il faut absolument faire des réseaux efficaces de déplacement (les RER métropolitains ou SERM) capables de faire oublier l’automobile, et qu’ils doivent être articulés sur les chemins de fer.

Mais les chemins de fer ne doivent pas être les dominants, ils ne feraient alors que du rapiéçage. Ils doivent n’être qu’une partie du tout, le vélo étant aussi stratégique que lui, comme le stationnement automobile et cycliste.

Autrement dit, sans le chemin de fer on ne fait rien, le consensus portait là-dessus, mais avec lui seul on ne ferait que rattraper 30 ans de négligence, sans aller plus loin. S’il faut bien sûr investir en grand, ce qui est long à mettre en oeuvre, on peut commencer par optimiser l’existant, pour très vite marquer le coup.

Et en même temps il faut que les gens se déplacent moins et que l’urbanisme soit sous contrôle.

Comme vous l’aurez compris ces journées ont été extrêmement riches et ont souligné la complexité des situations à résoudre. Des freins, de la complexité, des mises en garde… et des succès éclatants qui ne résolvent pas tout. On n’échappera pas à la pensée complexe.

Même si je n’en nomme pas les auteurs, tout ce que j’ai écrit a bel et bien été dit, parfois en privé. Vous trouverez la liste des intervenants dans le site de l’évènement.

▶️ Journées des Mobilités du quotidien 2025 – Objectif RER Métropolitains.

▶️ Liste des exposants

▶️ La première rencontre du Réseau Vélo et marche aura lieu à Annemasse début octobre ! Lien vers un dossier sur la politique cyclable de la ville.

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Michèle Dambrine
1 mois

« aucune, aucun, responsable de la représentation du vélo n’était là. Ni du Réseau Vélo et Marche ni de la Fub »…
Aie aie aie… Merci Isabelle !

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