Grand-Paris : les cyclistes ont failli être rayés des gares

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Les responsables du super-métro grand-parisien ont failli annuler tous les garages à vélo de leurs gares. 
En réalité ils n’avaient aucune idée de ce qu’il fallait faire, et allaient le faire quand même. 

Pressé par le Premier ministre, le président du directoire de la Société du Grand Paris a présenté, fin décembre, un plan de réduction des dépenses. Cette société est en charge de la construction et de la valorisation du grand métro automatique de la région parisienne qui doit faire un réseau à partir de lignes radiales. Il semble que ses dépenses aient sérieusement dérapé. 

Plan de l’article : 

  • Economiser sur un budget non maîtrisé : le projet perd tout son sens
  • Réactions en fusée
  • De quoi parlait-on ? Un projet non pensé, des idées sur le vélo très sous-estimées
  • Documentation
Plan théorique car une partie ne verra sûrement jamais le jour.

Economiser sur un budget non-maîtrisé : le projet perd tout son sens.

On peut d’ailleurs se demander si l’objectif de mailler les transports en commun de la couronne parisienne, comme dans Paris, n’a pas été perdu de vue. Certaines lignes sont considérées comme déjà abandonnées, dans d’autres cas on a déjà renoncé à un tunnel, déjà percé, qui créait des continuités et des jonctions directes (à Champigny, ligne 15), ou à un viaduc, pour la desserte du plateau de Saclay depuis Saint-Quentin-en-Yvelines (ligne 18). A ce rytme la vie des habitants ne va pas s’améliorer, alors que c’était le but.

Il a été décidé de créer un nouvel arrêt sur le RER E, la nouvelle gare Bry–Villiers–Champigny, en correspondance avec la gare éponyme de la ligne 15 Sud du Grand Paris Express. Projet abandonné.

La Société du Grand Paris en est donc à rogner sur l’essentiel, à savoir les correspondances (elles se feront à pied par l’extérieur des gares plutôt qu’assis par aiguillage !) ou même les continuités, les parvis, les accès arrières ou latéraux, les ascenseurs et escaliers mécaniques, la largeur des couloirs, le nombre de cabinets de toilette, le nombre de guichets, et les stationnements pour les vélos! Tout cela est écrit clairement dans le document remis à Philippe.
La taille, la beauté et les services des gares seront revus à la baisse, alors qu’on en attendait la création de lieux d’échanges, puisque ni églises, ni mairies ni marchés ne jouent plus le rôle de centre-ville.
Rappelons d’ailleurs que c’est précisément de cela que manquent les habitants qui se sont transformés en « gilets jaunes », et qu’y remédier était bien dans les intentions. La Société du Grand Paris et Île-de-France Mobilités, en partenariat avec l’Association des Maires d’Ile-de-France (AMIF), ne lançaient-elles pas par exemple un appel à projets intitulé « l’espace public citoyen » ? « Mobilier urbain et sécurité sur les places du Grand Paris » (janvier 2018).

Ces gares seront en pleine ville avec 90% des gens dans un rayon de 2 km. Il est évident que se rendre à la gare à vélo ou à pied est le plus adapté, pour soi comme pour les rues et les voisins. L’accès en auto devrait être quasi-exclu, ne serait-ce que pour cause de place de circulation comme de stationnement, l’accès en autobus aussi pour de si petites distances. Restait comme seule solution possible le vélo et la marche, comme s’en est aperçu dés le début Patrice Pattée, adjoint au maire de Sceaux. Ou comment faire exprès tout faux et passer à côté de l’histoire.

Patrice Pattee, adjoint au maire de Sceaux, a remarqué que seuls les vélos seraient capables d’assurer le rabattement sur ces nouvelles gares, et a constaté que … la question de l’accès aux gares n’avait même pas encore été étudiée !!!  Dans Premières mesures d’envergure pour le climat, article où heureusement le faux est lardé de vrai (avril 2015).

On devait faire de l’urbanisme, on va se contenter de tuyaux même pas connectésOn devait faire de la lenteur et de la rencontre, on va se contenter de vitesse. On devait faire de l’humain, on se contentera de machines. On retombe dans les vieux travers qui nous ont si bien réussi.
Le rapport envoyé en décembre au Premier ministre suite à son injonction de faire des économies dit texto page 1 : « sortie des consignes à vélo des gares ou prise en charge par les promoteurs. » S’en débarrasser sur autrui et ne rien contrôler. 
Vous noterez aussi que les tunnels et les parvis rognés ou abandonnés avaient été signalés par les journaux, mais pas les garages à vélos… 

Economies sur le vélo, réactions en fusée

En revanche, dès que le rapport a été rendu public les réactions ont fusé (enfin… dans le petit milieu, et encore).

La ministre, Elisabeth Borne, par tweetter, presque immédiatement, en a fait une question de principe (qu’elle ne partage pas toujours). Est-ce que les prises de position suffisent ? 

La Fub ensuite, déclarant que la bonne mesure d’économie, c’est de «prendre en compte le potentiel massif du vélo ».

Le club des villes cyclables, enfin, qui s’alarme que l’on puisse encore négliger à ce point l’insertion urbaine des gares. Pour son président «cette option envisagée en dit long sur le décalage entre l’ambition du gouvernement de développer le vélo et l’intermodalité vélo/transports collectifs, et les gestionnaires d’un grand chantier de la mobilité en Ile-de- France. » Voilà un président clairvoyant. 

Le Club rappelle que l’obligation de créer des places de stationnement pour vélos sécurisées dans les gares nouvelles ou rénovées figure dans la loi portant réforme ferroviaire de 2013. La SNCF devait se doter d’un plan d’aménagement et de financement de places de stationnement vélo dans et aux abords des gares prioritaires en concertation avec les collectivités locales. Or, la SNCF n’a jamais communiqué de données relatives à cette obligation et au nombre de places réalisées. 

« Un beau métro, tout neuf, est bien moins utile si l’on ne peut accéder à la gare que par une seule entrée, si le parvis n’est qu’un trottoir mal agencé, si la station est inaccessible aux personnes en fauteuil roulant, mais aussi à celles transportant des poussettes, des valises ou des sacs de courses », explique Olivier Razemon, dont un lecteur démontre que de toutes façons le nombre de places prévues est dérisoire. 

De combien de vélos parlait-on pour les gares du Grand-Paris?

Cette mise au point se trouve dans un article d’Olivier Razemon : Le métro du Grand Paris se passera-t-il des parkings à vélo? (ancien titre : Le métro du Grand Paris se passera des parkings à vélo) :

Dans la première version on trouvait ceci à la fin : En réaction à cet article, dans un tweet, la Société du Grand Paris assure que « 10 200 places seront réalisées sur le Grand Paris Express dont 6 550 sécurisées en consigne ». Mais la SGP nʼinfirme pas, ni ne confirme, la suppression de ces consignes, annoncée par la lettre de Thierry Dallard au Premier ministre.
Par ailleurs, comme le remarque justement Mathieu, ce total de 10200 places correspond à 150 places pour chacune des gares accueillant plusieurs milliers de personnes par jour. « Le stationnement vélo public de la seule gare centrale de Utrecht (335 000 habitants), cʼest 12500 places, soit 2300 de plus que le *total* des 68 gares du Grand Paris Express… », précise-t-il. 

Le collectif Vélo Île de France (en cours de création) a fait savoir qu’il demandait 100 000 places, soit 10 fois plus que prévu, ne correspondant pourtant qu’à 10% des voyageurs. Cela reste faible puisque la présidente du Conseil régional, Valérie Pécresse, veut faire atteindre au vélo 15% des déplacements à l’échelle de sa région (voir notamment ici : 10 000 vélos électriques d’un coup, bientôt en location en Ile-de-France). On en est à 1,6 % (Vélo : L’Ile-de-France peut faire bien mieux que les Pays-Bas !).

Une place pour auto coûte entre 30 et 50 000 € ajoutent les cyclistes, en insistant sur l’importance d’avoir des accès sûrs et agréables. C’est à ce prix que les Français passeront au vélo, au bénéfice de tous. 

Cette histoire aura au moins permis de voir que la Société du Grand Paris n’avait aucune idée de ce qu’il fallait faire, et notamment du nombre de places à prévoir. Cela montre aussi qu’elle n’avait reçu aucune consigne sur ce sujet.

Elle montre aussi à quel point la moindre faiblesse, le plus petit oubli, fait tout capoter. C’est le résultat d’une société très parcellisée et où tout dépend de tout. C’est très embêtant quand on veut réformer, et même tout changer. Les mauvais comportements sont enracinés, les mauvaises habitudes reviennent vite. 

Madame Borne n’affiche pas partout sa détermination pour le vélo.

La vigilance est une arme dont il faut abuser ! 

Mais on ne peut pas passer sa vie à pinailler. N’est-ce pas ce qu’on appelle « la gouvernance » qui ne va pas ? Qui devrait décider quoi ? On ne peut pas s’étonner qu’une entreprise faite pour gagner de l’argent ait le nez dans sa comptabilité. Quant au préfet il a sans doute auto et chauffeur. Je sais que c’est là la question. Chacun décide en fonction de ses intérêts ou de ce qu’il connaît, même si ma remarque est insuffisante. 

De toutes façons nos garages à vélos seront mal fichus et trop petits puisque ceux qui s’en occupent n’en ressentent pas l’intérêt.

Documentation

La société du Grand Paris construit le super-métro dit du grand huit, ou Grand Paris express.
C’est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par la Loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, lui-même lancé par Nicolas Sarkozy en avril 2009. Il était alors question de tout réaliser pour 2013. 
Ce grand métro est donc le fruit d’une décision de l’Etat, qui a confié la réalisation à cette société contrôlée par l’Etat, échappant ainsi à la gestion et au contrôle de Ile-de-France Mobilité, dont c’est pourtant le rôle normal.
Son directoire est composé de 3 personnes nommées par l’Etat, son président étant depuis avril 2018 M. Thierry Dallard, président de diverses sociétés d’autoroutes, de la société qui construit la ligne à grande vitesse de contournement de Nimes et Montpellier, ainsi que du vélodrome national de Saint-Quentin en Yvelines.
11 représentants de l’Etat siègent au conseil de surveillance.
Les communes, les représentants des métiers et diverses autres instances siègent au comité stratégique. 
Son financement provient de dotations de l’Etat (3 taxes sur les entreprises) et de l’emprunt, auprès de la Banque des Territoires (ex-Caisse des dépôts)  et de la Banque européenne d’investissements, ou ailleurs, et de subventions européennes. Il est garantit par l’Etat. 
Les recettes viendront de l’exploitation de ce grand métro, de l’exploitation des gares (commerces et publicité), des péages des compagnies exploitantes. Enfin, de la « valorisation » financière des espaces autour des gares, ce qui se traduit par une densification bienvenue, mais incontrôlée et sans espace public. La suite en découle. 

  • Société du Grand Paris.
    Fiche Société du Grand Paris dans Wikipedia.
  • Métropole du Grand Paris.
    Paris et la petite-couronne plus quelques communes. C’est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, présidé par Patrick Ollier, maire de Rueil. La question de son avenir est posée depuis le début, car elle souhaite devenir une entité propre comparable à une agglomération ou à un département. 
    Fiche dans Wikipedia.
  • Le Grand Paris : Lancé aussi par Nicolas Sarkozy sur une idée de … Napoléon 1er, il n’existe encore pas plus que la Métropole. Son territoire est grosso-modo la vallée de la Seine de Paris au Havre, faisant de Rouen et du Havre les ports de Paris. C’est dans ce cadre qu’agit M. le préfet Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine. 

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5 années

Ces décideurs sont face au vélo comme une poule devant une fourchette.

Isa
5 années
En réponse à  jeanba

?

5 années

Le fiasco de la nouvelle gare « Montpellier Sud de France » (la Mogère) montre par l’exemple le coût exorbitant pour la collectivité d’une gare mal desservie et mal interconnectée. En effet, elle a coûté 130 millions d’Euros (sans compter la LGV) mais n’étant utilisée que par quelques rares voyageurs, le coût / voyageur réel est phénoménal (sans compter le manque à gagner de la SNCF qui doit brader se billets sur les qq trains qui l’utilisent).
Pour la même raison, le coût des transports du « Grand Paris » sera plus élevé en rognant sur les caractéristiques essentielles que sont l’intermodalité et les accès et parkings à vélos car la fréquentation et les reports modaux ne seront pas optimisés. Il faudra construire d’autres routes et subir d’autres nuisances pour compenser.
Calculer selon une logique comptable qui exclut les coûts externalisés et non comptables (temps perdu par les citoyens par ex.) est une ineptie.
Les quelques dizaines de millions économisés au moment de construire les parkings à vélo des gares du GP , une fois amortis sur 30 ou 50 ans, seraient peu de choses en comparaison des millions de voyageurs empêchés chaque jour d’opter pour une solution de transport optimale.
Un rapide calcul: 1€ x 300 jours travaillés/ an pour 1 million de passagers = 300 M€. x 30 ans = 9 Milliards sur la durée d’amortissement de 30 ans.

Pons Jean-Louis
5 années

Merci Isabelle pour ton article qui cible parfaitement les dysfonctionnements du projet du réseau du Grand Paris, en particulier une absence de vision à long terme: ces travaux sont faits pour durer plus d’un siècle et il faut les inscrire dans une démarche qualité, sachant que la non qualité coûte en définitive très cher. Il ne faut pas laisser aux générations futures le soin de corriger les erreurs et manquements. Pensons à Fulgence Bienvenüe et à son héritage!
En outre, il est indispensable que la gouvernance du Grand Paris soit clarifiée et qu’elle s’inspire de celle du projet de la vallée de la Seine.
En ce qui concerne les stationnements vélos, il sont absolument indispensables et en grand nombre avec des accès faciles en privilégiant les zones de partage de l’espace public, c’est à dire en prohibant les bordures.
Vive l’intermodalité en gardant à l’esprit que chaque mode de déplacement a son domaine de pertinence!

Régis Reguigne
5 années

Et si il n’y avait que le Grand Paris tombant dans le mépris des cyclistes et de leurs vélos ! Hélas, en dépit de Plan National Vélo, cette noble intention risque de faire du sur place, or tous les cyclistes ne maîtrisent pas cette discipline acrobatique ; la chute sera plus dure !

Claude Lievens
5 années

Moralité :
1 – ne jamais laisser s’occuper de vélo aux gens qui ont cessé d’en faire quand on leur a retiré les roulettes !
2 – ça continuera à craindre tant que les décideurs n’arriveront pas à vélo aux conseils d’administration
3 – la FUB et le Collectif viennent d’en prendre pour vingt ans !
Amical salut à Jean-Louis Pons

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