L’industrie du vélo se pose en acteur de la transition

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MàJ le 10 avril. 3 sessions de débat étaient organisées ce 4 avril au sein de l’exposition Faire des vélos, à la Cité du design de Saint-Etienne. Les designeurs sont un peu snobs, ces « tables rondes » s’appelaient « conversations ».

Suivie en vidéo, la seconde session m’a passionnée. Nous y avons découvert de très belles entreprises pour lesquelles valeurs sociales et écologiques sont intimement liées à leur travail, lui-même partie intrinsèque des mutations en cours.

La seconde Conversation, à bâtons pas rompus à 7 contre Une.

Chez Cycles Victoire on a réalisé que faire le tour du monde pour acheter une potence de vélo n’avait aucun sens. Julien a, dès 2011, voulu recréer en France notre savoir-faire autrefois réputé, et a créé, avec l’AFPA et l’association des artisans du cycle une formation de cadreur de cycle, où il y a autant d’apprenties que d’apprentis.

Voir Devenir cadreur grâce à l’AFPA dans Bike café.

Autant à l’époque les artisans étaient très rares et vivaient sur leur petit territoire, a-t-il dit, autant aujourd’hui, grâce à leur association des artisans du cycle et leur nombre, ont-ils une belle place dans l’exposition et ont-ils été abondamment cités dans ces débats. On a aussi cité le concours des machines comme si tout le monde le connaissait ! 

Ces nouveaux entrepreneurs passionnés du vélo et présents à Saint-Etienne ont d’ailleurs compris que pour pouvoir faire des vélos de luxe (du sur-mesure) il fallait assurer le chiffre d’affaire en faisant aussi de la série. C’est par exemple le cas de Cyfac, vainqueur du dernier Concours de machines, qui a sauvé Méral (beaux vélos de petite série) en le rachetant. L’artisanat est-il la mère de l’industrie pour autant, comme veulent le croire les organisateurs de l’exposition ? Chez Mavic pareil, l’ultra spécialité des jantes de champions ne peut plus suffire, l’entreprise s’ouvre au monde du vélo de ville.  

Peut-être peut-on dire plutôt que l’exigence de qualité et l’évidence du sens qu’a le travail imprègne désormais les entreprises du cycle, qui n’ont alors aucune difficulté à recruter étant elles-mêmes actrices du changement économique et social, et le vélo un levier de la transition écologique.

Un programme très prometteur !

L’écosystème industriel du vélo commence à se reconstituer. Milc (Made In Le Coin), créé il y a dix ans aussi pour créer des cadres, présent au dernier concours des machines, oeuvrant autour du prototypage et de la soudure, accompagne les créateurs ou désigneurs de vélo jusqu’à leur industrialisation et la mise en vente. Il participe ainsi à la transmission des savoirs. L’horizontalité et la coopération se mettent en place, comme en ont témoigné les échanges sans visible langue de bois et comme le préfigure l’Usine à vélo de Villeurbanne. Cette usine coopérative travaille pour tous ceux du domaine qui ont à faire usiner de la petite ou moyenne série. 

Florence Gall, la déléguée générale à la filière économique du cycle, à l’APIC, s’occupe elle aussi de l’écosystème, infrastructures, services, industrie. L’APIC, créée au départ seulement pour l’enregistrement des vélos, s’est presque immédiatement transformée en agence générale de la filière. Elle regroupe d’ailleurs les deux associations d’élus du vélo (villes et départements), les acteurs des transports publics, et les clients via la Fub. Un contrat de filière est en cours de négociation avec l’Etat. Un label France-vélo sera créé, afin notamment de profiter de la publicité gratuite offerte par le Tour de France. On travaille aussi sur la « réparabilité » des vélos et leur responsabilité environnementale. Cela revient à dire (mais n’a pas été clairement dit) que l’on pourrait revenir à l’époque pas très lointaine où toutes les pièces d’usure ou d’adaptation étaient interchangeables, du tube de selle au moindre écrou, et où les couronnes du pignon étaient vendues séparément. La proximité étant au coeur de la transition, et seule susceptible de donner ses chances au vélo quotidien, l’objectif de 2 millions de vélos assemblés en France en 2030, contre 800 000 aujourd’hui, tient la route. 

Ultima Mobility : un vélo imprimé en 3D, fait de carbone et plastique, et de local.

Chez Moustache, passée de 2 à 200 employés en 10 ans, on affirme toujours que le vélo électrique n’est pas le tout du vélo, que le vélo c’est très bien. Plusieurs nouveaux modèles sortent chaque année de cette usine de VAE haut-de-gamme et l’équipe compte deux, bientôt trois, designers. De quoi donner raison aux responsables de l’exposition, mais pas trop quand-même. Les designers voient du design partout, même dans les pistes à vélos, comme les appelle le président de l’APIC. Patrick Guinard pense (ou a-t-il seulement adapté son discours) que le design est la condition du renouveau.

La troisième « Conversation » portait sur la reconquête des villes et de leur périurbain. La parole conclusive est revenue à Frédéric Héran, qui a parlé très concret1Je n’ai malheureusement assisté qu’à la prise de parole de F. Héran, en conclusion. Il a montré que le vol avait sans doute des solutions technologiques excitantes, mais que le bon sens faisait aussi beaucoup. Pourquoi les nouveaux cyclistes se font presque tous voler leur vélo dans les 15 jours ? Parce que le vendeur ne parle d’anti-vol qu’une fois la vente assurée, et qu’alors l’acheteur n’a plus envie d’alourdir sa facture. Il y a aussi que les bonnes façons de faire s’apprennent par le bouche-à-oreille (et pourraient être plus formalisées). 

Frédéric Héran insiste aussi sur la très grande variété de ce qu’on nomme cycliste ou vélo. Leurs familles (que j’appelle familièrement « sectes ») sont souvent étrangères les unes aux autres. Il y a celle des parents à vélo-cargo comme celle des acrobates de la roue arrière, celle du monocycle et j’ajoute celle des vélos anciens (au sein de laquelle celle des bi-cycles et celle des grand-bi, et tous ceux d’après 1890 environ), celle du gravel, celle de l’ultra longue distance, celle des cyclos FFCT et celle des cyclo-contemplatifs, qu’il n’a pas eu le temps de nommer, cette dernière méprisant celle des promeneurs à la semaine surtout s’ils sont en électrique … Au moins 4 grandes familles, dit Frédéric, qui n’ont rien à voir entre elles, l’utilitaire, le loisir, le jeu et le sport. Tout ça est du vélo, dans un même système socio-technique car il faut au vélo, comme au tramway ou à l’auto, une infrastructure adaptée et une formation. 

Ce n’est pas si compliqué, encore faut-il le savoir, et le respect du « code de la route » est plutôt source de danger. Les causes d’accidents sont parfaitement identifiées, ce sont les angle-morts, les portières, le tourne-à-gauche du cycliste et son invisibilité de nuit. Une fois cela connu le risque d’accident diminue considérablement. Quand au code il ne faut pas trop s’y fier, dit le professeur Héran, car la réalité est souvent l’inverse2Je donne pour exemple que l’on devait rouler complètement à droite, les expérimentés s’y refusaient, ça a été corrigé. On ne devait bruler aucun feu, les cyclistes s’y sont toujours refusé, ça a évolué. . Il prend l’exemple du tourne-à-gauche.3Le code oblige à se positionner au milieu et de tendre le bras. Si tu as peur fais-le en deux fois, en un « tourne à gauche indirect » ignoré du code. 

Frédéric nous fait aussi  remarquer que la priorité accordée par le code au plus faible (ou à droite) est une pure fiction, la respecter c’est être mort. En vrai la priorité est au plus lourd. Il y a donc des règles justifiées et d’autres qu’il faut interpréter. Le code met tous les véhicules sur un pied d’égalité alors qu’en vrai ils ne sont pas du tout égaux. Heureusement la sécurité viendra par le nombre, termine-t-il une prise de parole trop courte. Aux Pays-Bas il y a cinq fois moins d’accidents par cycliste qu’en France.4Bien sûr il n’y a pas que le nombre non plus… il y a aussi les aménagements bien faits… Les participants à l’élaboration du Code de la rue, à Paris, ont d’ailleurs allègrement associé « respect du code » et « l’aménagement fait le comportement », ce qui souligne qu’il faut commencer par la formation avant de vouloir changer les choses.

Vous pouvez écouter l’intégralité des débats ici. 

Lire aussi : La filière vélo se structure par régions, et sort de son isolement. Eté 2022.

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