Une visite à la « vélo-station » de la gare Montparnasse : une ruine toutes portes ouvertes en plein Paris

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Cela fait 4 ans, à quelques jours près, que nous parlons de la vélo-station de la gare Montparnasse, et dès ce jour nous allions au désastre. Pas parce qu’on appelait vélo-station ce qui n’en aurait pas l’ambition, sauf en rêve, mais parce que rien n’allait.

Cela avait commencé le 20 janvier 2020 alors qu’était demandé au conseil du 15eme arrondissement d’accepter un avenant à la convention du parc de stationnement Montparnasse-Raspail ayant pour objet l’extension de son périmètre afin d’y intégrer une vélo-station. 

Drôle d’appareillage sur lequel personne ne fit vraiment de commentaire. Par contre dès ce premier soir j’alertais sur le fait qu’un concessionnaire de stationnement automobile pouvait ne pas avoir toutes les compétences requises pour garder des vélos. Je proposais déjà de se tourner vers une entreprise spécialisée ou d’insertion. 

Sur la compétence j’avais partiellement tort parce que l’autre parking (dit Raspail) de cette concession dispose aujourd’hui d’un garage à vélos de belle facture. C’est un garage à vélo, pas une vélo-station. La compétence n’était donc pas non plus le problème pour Montparnasse, mais peut-être bien celui de l’intérêt à faire, ou de la possibilité de le faire. 

Mais, à l’origine, le principal problème était plutôt  la précipitation, qui avait fait ouvrir cet équipement sans y avoir assez réfléchi. 

D’ailleurs fin mars 2021, c’est-à-dire un an après l’élargissement du périmètre, ou 5 mois après l’ouverture du local à vélos (qui avait ouvert en novembre 2020), rien n’étant prêt pour assurer le « renouvellement » de la concession du garage automobile, on décidait de prolonger l’ancien contrat de 4 mois et un jour.  

Déjà à ce moment le faible taux d’abonnements (moins de 100 pour les 375 places de ce qui ne devait être que la première tranche) posait question, une des raisons paraissant être qu’il n’y avait aucune possibilité de garer son vélo pour une courte durée, à la demi-journée par exemple, alors qu’il y en avait pour les automobilistes, chez le même concessionnaire, jusqu’au quart d’heure ! 

Il y avait bien d’autres défauts, pas d’accueil ni de véritable gardiennage, pas d’atelier de réparation contrairement au cahier des charges. Pour se renseigner ou s’abonner il fallait se rendre à l’autre parking, à 3 ou 4 kilomètres, ou le faire par internet. Si j’ai bien vu quelque fois un gardien, la plupart du temps j’ai pu rentrer sans que nul ne s’en préoccupe, grâce à un abonné quelque fois, ou en général parce que c’était grand ouvert. 

Je me suis mise à surveiller d’assez près les évènements, et alertais régulièrement le cabinet de l’adjoint aux transports à la Ville de Paris. En public parfois, le plus souvent en privé, je décrivais les flaques d’eau, les murs suintant et les trainées de calcaire, les portes cassées… Le cabinet en tenait compte, les portes à battants ont été réparées puis changées pour un modèle plus solide, les aimants renforcés ou déplacés … et à chaque fois les dégradations reprenaient. Nous eûmes aussi les portes des casiers défoncées, les cadenas arrachés … la porte secondaire sur le toit (la dalle devant la gare Montparnasse) elle aussi désactivée, puis des rumeurs de vols. 

Des usages non prévus apparurent, par exemple les lieux étaient devenus une base arrière pour les livreurs (certains y faisaient la sieste sur l’armoire destinée à l’atelier, la plupart s’y changeaient avant de rentrer), on me dit même qu’un abonnement servait à plusieurs en même temps, puisque personne ne surveillait rien. On sentit des odeurs d’urine, je soupçonnais que les lieux servaient de dortoir. 

Je vous passe tout le détail de ce que j’envoyais. En août 2023 je constatais encore, je me cite : « Vu fuites partout, porte de secours souvent ouverte, porte rue serrure encore cassée, portillons ont l’air OK, c’est du nouveau matériel. Un réparateur de vélos serait venu visiter les lieux, devrait s’installer« 

En septembre 23 le cabinet m’informait que tout était enfin réparé et que le concessionnaire (Indigo) avait porté plainte. Il m’indiquait aussi que le dispositif de surveillance était renforcé. 

J’ai encore envoyé un message courant octobre pour dire que la porte à deux battants était encore en panne, cette fois c’était un des deux moteurs qui avait lâché, et que j’avais pu rentrer. 

Et puis j’en ai eu marre. Je voyais bien que l’on passait son temps à réparer ce que d’autres allaient, volontairement ou non, dégrader dans les jours ou semaines suivants. 

C’est alors que l’association Paris en Selle prend le relai, sans le savoir. Et cette fois ce fut en public : elle se fend en décembre dernier d’un tweet ravageur clamant « 3 ans après sa mise en service la vélostation Montparnasse est à l’abandon ! »1Dans sa lettre d’information du 31 janvier l’association parle de parking vélo.. Un reportage sur BFMTV s’en suit, diffusé  le 15 décembre, et un grand article du Parisien le 26 janvier avec deux photos de l’intérieur, ce qui indique une fois de plus qu’on y entre comme dans un moulin. Tous montrent la véritable ruine qu’est devenu ce lieu, un lieu à l’abandon c’est bien le mot. 

Je suis passée dimanche 28 janvier au garage à vélos, vers 16h. Les trois portes étaient ouvertes, celle du haut, sur la dalle, et les deux du bas, l’une après l’autre. Si j’avais été à pied j’aurais pu l’utiliser de bout en bout comme un couloir. Je me suis contentée de rouler aller-et-retour sur toute sa longueur, sans rencontrer personne. J’étais dans un lieu abandonné …

Le principal problème à l’origine de tous ces désordres me paraît finalement être tout simplement que le local n’est pas dans un parking automobile mais isolé. Et que donc il n’est pas surveillé comme il faut. La qualification de précipitation de cette affaire est toujours valable.

Il y a aussi le problème des accès, et il faut comprendre qu’il n’y en a toujours pas. Plus de 3 ans après l’ouverture. D’un côté on est sur la sortie à deux voies du souterrain automobile de l’avenue du Maine. De l’autre, la petite rue en contre-bas de la rue de l’Arrivée est peu visible, étroite et en sens unique. La distance entre ces deux rues est trop importante pour qu’elles soient interchangeables. Combien de fois ai-je alerté sur le fait qu’il n’était pas possible d’aller à vélo se garer au garage à vélos sans rouler en sens interdit puis sur le trottoir ? 

On s’étonne avec tout ça qu’il n’y ait environ qu’un tiers d’abonnés rapportés au nombre de places. 

Avec un bâtiment qui fuit de toutes parts, des accès impossibles, une organisation qui ne convient pas, les désordres sont tels que je ne vois qu’une solution, « repartir de zéro ». 

Cela peut vouloir dire que soient mises à l’étude les pistes que j’avais énoncées depuis l’origine, à savoir 

  • Gestion par une entreprise spécialisée ou une association d’insertion

Ou au moins, aujourd’hui

  • Constat d’échec, renégociation des engagements réciproques, surveillance accrue du respect des engagements pris par le concessionnaire. Le tout se traduisant forcément par le recrutement de personnel d’accueil et de surveillance. La solution entreprise spécialisée ou d’insertion prend du poids. Pour les travaux lourds (fuites d’eau et problèmes d’évacuation) il va bien falloir qu’ils s’arrangent.

Changer d’entreprise est possible, puisque dans le contrat il est écrit que le concessionnaire ne peut changer d’entreprise (= sous-traitance éventuelle) qu’avec l’accord de la Ville. Il suffit donc que la Ville soit d’accord, quitte à ce que le nouvel exploitant soit un sous-traitant. 

Espérons que la vélo-station Montparnasse cesse un jour de nous faire honte et au contraire qu’elle rende les services qui manquent cruellement aux Parisiens. Qu’elle soit au moins un local à vélos sûr et pratique. Et vous, lecteur, tirez-en les enseignements qui vous conviendront.

(Ps : je me suis occupée de cet équipement, et continuerais de le faire, parce qu’il se trouve sur mon territoire et que j’y suis conseillère déléguée aux mobilités actives. )

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Le garage à vélos de la gare de Lyon avait connu des désordres du même ordre, et avait rapidement été utilisé par des personnes sans domicile. Son accès était très bien, mais avait subi le même sort, au point que personne n’osait plus y passer. Aujourd’hui un nouvel équipement est sur le point d’ouvrir à proximité. Il serait déjà un peu utilisé, bien qu’il soit peu visible, et ne semble pas comporter de gardiennage. Je ne sais pas s’il sera payant.
Une « halle à vélos » de 1200 places est aussi en cours de construction à la gare du Nord.

Selon un informateur, la Halle à vélos de Paris Nord sera gardée, tandis que le parking de la gare de Lyon, rue de Bercy, sera une solution provisoire seulement vidéo-surveillée en attendant la rénovation de cette aile de la gare. La future consigne sera fermée et au sec. D’autres bonnes nouvelles sont encore à venir, me dit-il …


Je me souviens d’un espace de stationnement qui se trouvait dans la gare d’Austerlitz. Il était en plein air, mais à l’abri des regards, au fond de la partie qui alors était réservée à la sortie, dans une sorte d’enclos assez vaste devant lequel les voyageurs n’avaient pas à passer. Le lieu était agréable, il inspirait confiance et n’a pas duré longtemps. Certains de mes lecteurs se souviendront peut-être de la gare de Tours. Les vélos y étaient rangés et accrochés de part et d’autre de certaines voies, en grand nombre. On n’a jamais fait mieux. Abri, surveillance naturelle, fermeture la nuit. La rénovation du hall a amené à transposer le dispositif à l’extérieur, et cela est clairement beaucoup moins bien.

La construction c’est très bien, l’emplacement, les conditions, l’accueil et la surveillance font bien la moitié du travail. Il me paraît élémentaire que ces établissements soient fermés une partie de la nuit.

Il faudrait savoir ce qu’il en est aujourd’hui à Toulouse-Matabiau (qui faisait figure de grande réussite), à Bordeaux-Saint-Jean (n’est-il pas fermé ?), à Nantes (très ancienne réalisation très appréciée, plusieurs fois améliorée), à Strasbourg (faisant figure de modèle, sauf l’accès) ou ailleurs. Cela mériterait un reportage.

En attendant on peut consulter le Guide du stationnement des vélos en gare réalisé par le collectif Vélo en Ile-de-France. Je ne suis pas d’accord sur la gratuité par principe, je ne crois pas qu’ils parlent du gardiennage, le reste m’a paru bien. J’insiste sur le gardiennage, autant par déduction que par ce que j’ai vu aux Pays-Bas.

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Lire aussi :


On peut également lire ou relire le 3b- Les vélo-stations de l’article Le point sur le stationnement (Mars 2021) :


La fiche de présentation parue dans AMC en mars 2022 vous donnera photos et descriptions du point de vue de l’architecte : À PARIS, DES TUNNELS TRANSFORMÉS EN PARKINGS À VÉLOS, PAR DIETMAR FEICHTINGER. Le site de l’agence de l’architecte aussi, dans la note sur les vélo-stations de Montparnasse et de la gare de Lyon, comportant pas mal de photos.

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Bibinato
9 mois

Je suis bien contente d’apprendre que les travailleurs à vélo qui livrent de bons petits plats aux gens des quartiers sud-ouest ont trouvé un endroit pour se mettre à l’abri. Les conditions de vie et de travail de ces forçats du bitume mériteraient que cette station se transforme en véritable lieu d’accueil, de repos, de restauration, d’entretien de leurs vélos…
Je me souviens de comités vélos où on nous promettait que ces parkings souterrains à proximité des gares seraient gardés jour et nuit, auraient un atelier de réparation, et même un service d’accueil pour les coursiers et les professionnels à vélo (il n’y avait pas encore Delivre héros et uberk it.)

Erick
8 mois

Il manque une mise en cause plus directe de l’exploitant, Indigo, qui n’est même pas cité. Que la Ville n’ait pas rompu ce contrat alors qu’aucune des clauses n’est respectée est inadmissible. On attend plus d’exigence et de rigueur dans la surveillance de l’exécution des contrats.

J Marc
8 mois

Pour ma part je conseille le garage à vélos du hall 2 (Pasteur) qui est sous le contrôle d’une carte Navigo mais avec liste d’attente – un lieu de passage donc sans (trop) de dégradations.

Dehousse
8 mois

Ce qui est vrai ici l’est pour tout parking vélo même petit : sans un contrôle permanent par des humains, il n’y a pas de sécurité.
On devrait savoir que la technique ne remplace pas la présence humaine quand on voit les dégâts des stations de vélos partagés. Un gardien qui en plus pourrait rendre différents services ( petites réparations, réglages, fourniture d’éclairages et de gilets fluo, conseils divers) est rentable à tous points de vue. En plus cela fournirait pleins de boulots à des étudiants, chômeurs, retraités…

Alexandre
8 mois
En réponse à  Dehousse

Je rejoins la remarque. En Bretagne, il y a un projet dans la gare d’Hennebont, proche de Lorient. L’idée de l’association qui a obtenu la gestion du « bâtiment voyageurs », comme on dit dans le jargon, est d’y installer une personne à temps complet. Cette personne aura plusieurs missions :
Vente de billets et mise à disposition d’informations sur la ligne ferroviaire (avant, le guichet était fermé quand les voyageurs étaient là et ouvert quand la gare était déserte); surveillance des vélos et opérations d’entretien courant (vérifier la pression des pneus, graisser chaîne et câbles de freins, etc.); gestion de l’espace de coworking créé à l’étage.
Ce qui est intéressant dans cet exemple c’est la mutualisation des tâches. Evidemment, avoir une personne (et même plusieurs si c’est 7j/7 et 24h/24) pour garder les vélos nécessiterait soit des subventions très importantes, soit un tarif rédhibitoire pour les cyclistes. Par contre, si on répartit le salaire de la personne sur d’autres fonctions, ça devient plus acceptable.

JPB
8 mois

Pour l’utiliser deux fois par semaine, je confirme que le parking vélo de la gare Saint-Jean à Bordeaux est ouvert. Il fonctionne plutôt bien, avec une carte d’abonnement ( autour de 20 euros par an) pour ouvrir la porte automatique. Une télésurveillance existe, ainsi qu’un office à côté, ouvert aux heures de bureau. Ma seule critique : peu de places disponibles … car on peut y (dé)laisser son vélo sans véritable contrôle de durée ! Il en existe un nouveau de l’autre côté de la gare, mais je ne le connais pas.

Tissot, Max
8 mois

En Alsace, une association ALSEO est née en 2014 sous la houlette de la SNCF. Moyennant une carte d’abonnement, on accédait à des garages grillagés sur certaines lignes de TER. Dix ans plus tard la plupart des abris ont été vandalisés et seules subsistent des carcasses de vélos. Le vandalisme n’est donc pas seulement l’apanage des grandes villes. ALSEO les parcs à vélos, 9 ans plus tard – velomaxou

Florent
8 mois

A Dijon, il y a un parking vélo à la gare de 98 places. On y entre avec un badge (abonnement de 10 euros par an, gratuit pour les abonnés bus et tram). Il y a parfois une présence humaine mais pas la nuit. L’entrée et plus globalement les abords du parkings sont vidéosurveillés. Aucun problème de vandalisme (idem pour les autres parkings sécurisés en ville).
Est-ce lié à la taille ? au positionnement ? Difficile à dire. Le seul problème aujourd’hui est la saturation du service !

Isabelle
8 mois
En réponse à  Florent

Peut-être l’ambiance générale de la ville, le fait qu’elle ne soit pas trop grande, ou bien une présence efficace de la police ???

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