L’accessibilité, le tourisme et les mobilités inclusives, c’était le thème de la rencontre qui aura signé la première Journée de l’accessibilité. C’était à Issy les Moulineaux, en lisière de Paris-15, au siège d’Accor, le 3 avril 2025, et ça devrait se reproduire désormais chaque 3 avril.
Des villes accueillantes
La France a découvert l’inclusion par et dans le sport grâce aux Jeux Paralympiques, et a aussi compris qu’il y avait autant de cas que de personnes. Autrefois, dans les aménagements urbains, on ne s’occupait que des personnes se déplaçant en fauteuil (et encore… manuel, électrique etc ?). On rattrapait les obstacles en ajoutant une rampe à l’arrière, des plaques qu’il faut sortir, des zig-zag en pente parmi les escaliers, des ascenseurs bien cachés… tout plus long et plus compliqué, tout stigmatisant. Aujourd’hui on s’est aperçu que de créer bien tout de suite était plus efficace, une rampe pour passer au sous-sol de la gare est toujours plébiscitée par les tireurs de valises comme par les pousseurs de poussettes et les accompagnateurs de vélos, ou les personnes dont les genoux ne répondent plus trop… et bien plus polyvalents que des ascenseurs ou escaliers mécaniques, sans même parler de l’entretien.
De même une vaste place est bien plus bienveillante en pente douce qu’à plat avec des escaliers. Ce qu’on peut avoir pensé pour certains trouve un public bien plus large. Le village des athlètes à Saint-Denis, est également un bon exemple de cette façon de voir. Il s’agit bien d’accessibilité universelle, de bien-être pour tout le monde.
La Loi d’orientation des mobilités spécifiait déjà en 1981 que toute personne a le droit de se déplacer par les moyens de son choix. Vingt ans se sont écoulés depuis l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Il faudrait peut-être se décider.

L’accès aux transports publics
Il y a aussi l’accès aux transports publics, et la question majeure de l’information. Muriel Larrouy, chargée de mission à la Délégation ministérielle à l’Accessibilité, a présenté la plateforme collaborative Accès libre, en service depuis 5 ans. Elle dresse la liste des lieux (par adresse et par catégorie) où l’on accède facilement, avec des précisions. Y sont référencés épicerie comme salon de coiffure, piscine comme cinéma, commissariat de Police comme centre des impôts. La plateforme s’enrichit de nouveaux thèmes de jour en jour. En ce moment l’équipe travaille sur les cheminements en espace naturels.
▶️ Accès libre
Elle a également cité Ginko Guide, à Besançon, dédié aux personnes à handicap visuel ou cognitif, Ginko vous guide oralement, et vous aide à trouver l’entrée ou les sièges libres.
▶️ Ginko
Il y a aussi l’accompagnement, surtout en situation limite. Cela a été fait systématique pendant les Jeux, toutes les personnes arrivant pour les Jeux Paralympiques ont été accompagnées de la passerelle de leur avion à leur place dans le train, puis attendues et accompagnées jusqu’à leur destination. L’idée est que cela soit une évidence, et qu’il ne faille pas se prosterner pour obtenir de l’aide. La SNCF a dit qu’elle avait réduit le nombre de jours d’anticipation qu’il faut pour s’annoncer …

Quelques belles entreprises expertes
Tactiles Studio est même une entreprise du Patrimoine vivant, un label d’excellence on ne peut plus élitiste. Cette PME qui travaille à l’international créé des moyens de se repérer adaptés aux personnes porteuses de handicap visuel, et ce n’est pas du tout une copie de ce que l’on fait pour le public majoritaire. Ils favorisent aussi l’accès aux oeuvres d’Art grâce à des copies en relief et autres solutions. C’est ainsi que des « photographies » nous ont été mises sous la main. Je vous assure que je « voyais » vraiment la photographie.
Okeenea, de son côté, se présente comme la voix des feux rouges. Leur dispositif rend bien service à d’autres personnes que leurs destinataires les personnes mal-voyantes.
▶️ Okeenea


Le long et délicat travail de normalisation
L’Etat travaille également à l’écriture de la norme, dans un cadre européen incluant la Suisse et les Etats européens volontaires. C’est le chantier très complexe de la définition commune des objets et concepts de la mobilité, reconnu indispensable pour faciliter les déplacements. Ce travail m’a été présenté quelques jours après par Tu-Tho Thai, son animatrice pour la France. Il est très long notamment parce qu’il exige le consensus des participants, autorités des transports, transporteurs, développeurs, industriels, responsables de billétique, Etat, etc.
Il ne s’agit pas des pictogrammes, qui eux ne peuvent pas être harmonisés, car, de même que la langue des signes varie d’une langue orale à l’autre, chaque pays a ses propres représentations et sa propre culture. Un cimetière, un point d’eau, un téléphone public ne sont pas vus de la même façon partout. Un billet de banque ou une femme non plus. En revanche la description du « contenu » peut tenir compte des mêmes critères. Qu’est-ce qui caractérise un chemin sûr? Un trottoir confortable pour telle ou telle catégorie de personnes ? Sur quelles réalités peut-on décider qu’un carrefour est sûr à pied ?
Ce travail de normalisation concerne toutes les mobilités, et n’est pas fini. Il se fait en France dans le cadre de la normalisation des échanges informatiques liés à l’information voyageurs. L’objectif est que ce corpus soit utilisé très simplement. Chaque autorité coche les éléments qui correspondent au carrefour à qualifier, pour reprendre cet exemple. Automatiquement alors le carrefour se retrouvera affiché à son niveau de qualité et doté des pictogrammes locaux correspondants.
Par jeu et pour me faire comprendre je vous propose d’imaginer comment on pourrait décrire une personne honnête. Peut changer d’avis-ne change pas d’avis; fait des contre-rendus écrits après chaque réunion-privilégie la confiance; offre des cadeaux-n’offre pas de cadeaux; donne des prix fixes-négociations incluses, etc. Prenons l’hypothèse que la malhonnêteté n’a pas les mêmes caractéristiques aux yeux des citoyens de différents pays, pour arriver à une description de l’honnêteté faisant consensus il faudra prendre le temps.
Le résultat concerne évidemment autant les personnes porteuses de handicap que n’importe qui.
Ce travail n’a pas encore commencé pour le vélo, et ce n’est même pas programmé. Pourtant on en a autant besoin pour parler de la qualité des itinéraires ou des équipements, des services, des composants. … Qu’est-ce qu’un sol de qualité ? Naturel ou en dur ? Pour décrire les tunnels, avec éclairage, sans éclairage; à détection, à la demande; présence de trottoirs de 2 mètres- absence; piste cyclable, couloir marqué, interdiction aux motorisés de doubler ??? et au total quels sont les modules qui vont faire passer un tunnel de « très dangereux » à « sécurisé » ? car c’est là l’objectif. Il y aurait aussi « pour sportifs seulement », par exemple, et pour les bécaniciens tout autant sans doute de qualificatifs. Pour le stationnement des vélos, ce pourrait être autorisé-interdit; payant-gratuit; abonnements-payant sur place. Etc etc. ce qui nous amènerait à ce que quelques pictos nous renseignent de façon homogène dans tout le pays. On a aussi un besoin urgent des renseignements concernant le transport des vélos, et même des vélos spéciaux !
Quelques entreprises et organismes à l’honneur
La journée s’est terminée par la remise de trophées. Parmi les lauréats il y a :
- Annette Masson, Présidente de l’association Tourisme et Handicaps;
- Fouad Ben Ahmed, fondateur du collectif Plus sans ascenseur, et de l’entreprise Solution d’Assistance à Mobilité Verticale
- Ginko Guide pour le Grand Besançon
- Mon copilote, entreprise fournissant un service d’accompagnement
- Le Parc naturel de la Vanoise pour ses sites, matériels et activités aménagés.
- Le prix spécial est revenu à l’agglomération de Lorient pour son projet collaboratif Handicap innovation et territoire, dans la suite de son attention portée de très longue date au public en difficulté de mobilité, qui avait commencé dans les années 80 grâce à son important Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelles.




