Tout un appareillage de personnalités étaient présentes hier au ministère pour parler de stratégies climatiques, les quelques ministres invitant ayant disparu assez rapidement. Nous assistions au lancement officiel de deux consultations du public, dont j’espère que les rencontres et débats auront bien lieu. Sur internet si on veut être efficace c’est beaucoup plus difficile. Pour ma part je ne vous parle que de la partie « Mobilité » de cette présentation.
On s’aperçoit très vite que le transport est au centre de tout, et qu’en termes de planification c’est le plus compliqué. Les déplacements concernent 67 millions de personnes et plein de modalités différentes, avec une règle, rappelle le ministre, la liberté de bouger. M. Durovray voit 3 angles d’attaque, à faire dans l’ordre et en même temps, vue l’urgence :
- Aménager. L’entendre dire « l’aménagement conditionne le besoin de mobilité » me fait tendre l’oreille. S’il s’agit d’urbanisme ou d’emplacement des activités, de proximité, il s’agirait d’une belle évolution vers une pensée plus riche et complexe qu’il y a encore quelques jours. C’est sans doute le cas puisqqu’il enchaine sur le fait que les villes doivent réduire les besoins de mobilité, et qu’il faut des villes denses où marche et vélo reprennent le dessus.
- Massifier. Revenons à la route, il s’agit du co-voiturage et des cars-express, deux modalités qui n’ont pas grand avenir, si j’ai bien lu les rapports multiples sur ces thèmes, et peu d’effets sur la réduction des émissions. Il ajoute quand même qu’il faut un transfert de la route vers le fer.
- Electrifier. C’est le grand dada à la mode de Paris. Le ministre dit qu’il « croit en la science » et que grâce au « presque tout électrique » on va réconcilier écologie et économie. Le nucléaire sert à échapper à notre dépendance gazière et pétrolière auprès de nations peu amicales. Et puis la consommation d’électricité n’augmente guère.
Il ne parle pas de l’avion et nous dit pourquoi : la France fabrique la moitié des avions vendus dans le monde. Quand nous aurons réussi à les faire voler sans émissions, alors ce sera aussi la moitié des émissions qui auront disparu, ajoute-t-il.
▶️ La France est remplie d’écologistes.
Ils ont tous, à droite comme à gauche ou ailleurs, sacrifié l’écologie à l’économie.
Dans le débat qui a suivi je relève que l’ADEME a créé 4 « récits » permettant de bien visualiser ce dont nous parlons. Ce sont 4 stratégies contrastées d’évolutions. Son représentant enrichit le débat en notant que la sobriété devait s’appliquer aussi à la nourriture et aux matériaux, et qu’il nous fallait hiérarchiser les usages. Jusqu’où peut-on cultiver du chanvre ou du lin sans empiéter sur le besoin de se nourrir, et se nourrir sans dépendre de l’étranger ?
Participer à la concertation
La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) constituent, avec le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), le socle de la Stratégie Française pour l’Énergie et le Climat. Ils traduisent également la mise en cohérence avec les objectifs européens inscrits dans le Pacte vert pour l’Europe.
Objectifs
Climat, réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50% d’ici 2030, contre 40% précédemment;
Energie, passer d’une consommation énergétique à 60% carbonée à une consommation énergétique à 60% décarbonée d’ici à 2030.
Modalités
Une plateforme en ligne héberge les documents supports de la concertation et permet aux acteurs de se prononcer sur la question suivante: Produire de l’énergie, se loger, se déplacer, se nourrir, consommer : comment réussir la transition énergétique et atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
Des débats publics, des réunions d’organismes etc seront organisés. En outre une attention particulière sera accordée à la participation de publics jeunes à ces événements « compte tenu de l’influence des choix associés à cette programmation sur leur futur ».
Les personnes morales (collectivités territoriales, associations, chambres consulaires, syndicats professionnels, organismes publics, parapublics ou privés, etc.) pourront déposer un cahier d’acteur argumenté en lien avec les documents de planification énergie et climat soumis à la concertation.
La concertation lancée ce jour se fait sous la supervision de la commission nationale du débat public.
▶️ On a 6 semaines à partir du 4 novembre pour envoyer les contributions, ce qui nous mène aux environs du 10 décembre. Va pas falloir chômer.
Peut-être les cyclistes ou les élus en profiteront-ils pour faire valoir que ne pas tenir ses promesses (plan vélo, appel à projet) c’est pas moral et c’est très déstabilisant pour les victimes. Peut-être feront-ils valoir que le vélo c’est pas cher et que ça rapporte bien plus gros (mobilité pour tous, santé, mixité sociale, sobriété énergétique, densité et j’en passe), et surtout qu’il doit être pensé au minimum à l’échelle métropolitaine, et surtout, surtout, parler de priorités et donc … le vélo c’est beaucoup plus que co-voiturage et cars express.
▶️ Assises de la mobilité : Que doit contenir la Loi ? F. Luciano Hiérarchiser les modes en fonction de leurs impacts
▶️ Assises de la mobilité : Que doit contenir la Loi ? J.L. Saladin Appliquer aux transports le principe de subsidiarité. Tout ce qui peut être fait à vélo doit pouvoir être fait à vélo, les TC pourvoient au reste, pas à tout.
On trouvera la page de la concertation en cliquant ici et la page des contributions grand public en cliquant ici. Contrairement à vos craintes c’est très facile de participer. Il y a par exemple des votes à faire sur les propositions émises par des citoyens.
J’ajoute que vous n’avez pas la berlue, j’ai déjà parlé de ce sujet fin octobre.
Tout mes encouragements aux personnes de bonne volonté qui participeront à ce cirque. Mais sachant qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, j’imagine mal que le gouvernement fasse après autre chose que du « Business as Usual ». Une palme pour l’avion sans émission. Je pense que les poules auront des dents avant que ça n’arrive.
FAUSSE ROUTE en Ile-de-France. Il n’est pas certain que de confier le financement de l’infrastructure cyclable d’Ile-de-France à Ile-de-France mobilité plutôt qu’aux départements soit une très bonne idée.
D’abord parce que ce serait les dédouaner de leur responsabilité de financer des aménagements pour le vélo alors qu’ils sont déjà plutôt enclins à le faire pour les aménagements routiers. Suivant un bilan à paraître du Collectif vélo Ile-de-France, les départements sont déjà très en retard sur leurs plans vélos, en particulier celui des Yvelines. Il ne faut surtout pas les encourager à s’en désintéresser.
D’autre part, le biais « parigot centré » des instances centrales fait que les aménagements en semi-rural pour le quotidien risquent d’être complètement oubliés. Il ne faut pas oublier non plus que, dans la LOM, la Région et Ile-de-France Mobilités ont confisqué les pouvoirs des agglomérations et communautés de communes qui ne sont plus Autorités Organisatrices de la Mobilité, ce qui a pour effet de priver les associations d’avoir voix au Comité des partenaires instauré dans chaque EPCI. En Ile-de-France, la seule association à avoir un (seul…) siège à ce Comité des partenaires est la FNAUT, fédération, certes amie, mais qui est loin d’avoir connaissance de nos problèmes locaux.
Enfin, on peut s’interroger sur l’intérêt de puiser dans le financement de nos transports en commun qui ont déjà grandement besoin de modernisation et d’extension alors que la voiture a toujours guichet ouvert pour des GPII dont on n’arrive pas à faire admettre l’inanité à nos dirigeants….
« Le nucléaire sert à échapper à notre dépendance gazière et pétrolière auprès de nations peu amicales. » (sont-ce les mots du ministre ?)
…au profit d’une dépendance uranifère auprès de nations hautement amicales que sont le Kazakhstan, le Niger et l’Ouzbékistan (les trois premiers fournisseurs de la France par quantié décroissante). Les nations « vraiment amicales » (Australie, Canada) sont loin derrière, et à un coût supérieur.
Source : A quel point la France est-elle dépendante de l’uranium nigérien? Le Monde, 3 août 2023.
Un ministre n’aurait jamais dit ça ! Non, c’est une « synthèse explicative ». Le ministre a seulement nommé la « souveraineté » et la « politique internationale ».
Merci Isabelle. Complément sur le (hors-)sujet pour ceux que ça intéresse : L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique. Le Monde, 24 janvier 2022. La filière nucléaire française importe l’intégralité de son uranium …
Les besoins en uranium sont très faibles de par la très forte densité énergétique de ce métal.
Par ailleurs, contrairement au pétrole, il n’y a jamais eu de forte demande et donc pas plus de forte recherche de l’industrie minière. On est sans doute très loin du pic pour l’uranium, contrairement au pétrole (pic possible pour le conventionel en 2018, qui représente 75% de l’extraction).
Comme chaque crise le confime, la France est autrement moins souveraine pour les hydrocarbures.C’est bien ça qui devrait angoisser les écologistes.
« Les besoins en uranium sont très faibles de par la très forte densité énergétique de ce métal » : pour ce qui est de uranium « métal » prêt à servir, c’est exact.
Mais pour le produire il faut extraire une quantité de minerai brut sans commune mesure avec la taille et masse des « barres » utilisées au final dans les centrales.
Exemple du site d’Imouraren (Niger), pour lequel Orano (à l’époque Areva) avait bien obtenu un permis de recherche. Si ce projet – qui aurait constitué la plus grande mine d’uranium à ciel ouvert au monde – avait abouti, ses impacts auraient été :
déplacement de 3,8 milliards de tonnes de rochescréation de verses à stériles de 40 m de haut sur 20 km2production de 245 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés en surface ou dans les fosse de la mine à ciel ouvert (heureusement comme chacun sait, il n’y a jamais de vent dans le désert)utilisation de 1200 t d’explosifs par anproduction de 1500 t d’acide sulfurique par jourtraitement de 27000 t de minerai par jourconsommation de 12 millions de m3 d’eau par an (une ressource abondante dans cette région, bien sûr…)Source : Areva, site d’Imouraren, étude d’impact sur l’environnement.
Quant au bilan carbone, le nucléaire étant une énergie « décarbonée », les gigantesque camions (roues de 3 m de diamètre) utilisés pour le transport du minerai ne consomment évidemment pas une goutte de pétrole, ouf !
La France possède des stocks gigantesques d’uranium appauvri provenant de l’enrichissement local de l’uranium nécessaire aux centrales existantes. Cet uranium appauvri est la source d’énergie des centrales de 4ème génération, pour lesquelles la France avait 20 ans d’avance grâce à Phénix puis Superphénix, sabordé pour de basses motivations électoralistes. Astrid devait permettre de relancer cette voie, mais a été abandonnée politiquement au motif qu’il n’y a pas de risque de pénurie d’uranium naturel.
Pendant ce temps la Chine et la Russie ont mis en route leurs centrales de production.