La plus belle piste de Paris est sur le point de couler

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La piste cyclable des Fortifications, dans le 16° arrondissement de Paris, était longue de 3 km, certainement la plus belle de Paris, et d’une grande utilité. Après avoir été amputée par son milieu, elle vient de subir une enquête d’utilité publique qui pourrait lui avoir donné le coup de grâce. Quelqu’un va-t-il enfin s’y intéresser ? DERNIÈRE HEURE : C’était à l’ordre du jour du Conseil de Paris le 14 juin. Voir en bas. 

  • Intérêt de la piste des Fortifications et brève histoire récente
  • La coupure de la piste
  • L’enquête publique qui autorise le déclassement de la route
  • 4 solutions techniques pour rétablir la continuité de la piste

La piste de l’allée des Fortifications, en bordure du bois de Boulogne, de la porte de Passy à l’avenue Foch, n’était pas extrêmement fréquentée. Pourtant, par ses prolongements, certains réalisés sous Delanoë (maire de Paris de 2001 à 2014), elle était une jonction agréable et efficace entre le pont du Garigliano, au sud, et le nord de la porte Maillot, au nord, dans le 17° arrondissement. 

Partie sud de ce qui reste de la piste des Fortifications.

Peu fréquentée, peu connue, elle ne demandait qu’à servir. Elle évitait de passer par la nasse de la Madeleine (aux embouteillages monstrueux) pour se rendre du sud-ouest au nord-ouest de Paris, ou de passer par le Trocadéro (franchissement radicalement périlleux) et l’avenue Raymond-Poincarré pour aller au palais des Congrès. 

Une piste structurante pour l’Ouest-parisien.

La morale contre le vélo

Un accident malheureux survint lorsque la Ville chercha à doter l’arrondissement le plus huppé de Paris d’un centre d’hébergement social. Elle l’installe en plein sur la piste cyclable, ce dont ce blog a longuement rendu compte (Voir Paris, le piège de la piste démolie, nov 2016). Personne n’avait vu venir cet accident, peut-être dû à une erreur du dessinateur. Personne n’a non plus réagi, à part ici. Suite à notre article la Ville finit par promettre de créer un raccord par les rues avoisinantes, ce qui m’a été redit ces jours-ci. 

Illégal et déclassé ? Un joyeux tour de passe-passe

Ici je ne peux m’empêcher de penser qu’on se moque de nous. Car plusieurs évènements se sont passés depuis 2016.

  • D’abord, ce raccord a déjà été fait, via un contre-sens sur l’avenue se trouvant au-dessus, et une signalisation inchangée envoyant sur le boulevard Suchet. Voir l’article de février 2018. Ce raccord est du rafistolage qui n’aurait été acceptable que pour quelques jours.
  • Ensuite parce que le 28 décembre 2018 le tribunal administratif de Paris a déclaré la construction illégale et en a annulé le permis de construire.
  • Ceci n’a pas empêché le conseil de Paris d’avril 2019 (du 1er au 4) de voter le prolongement de son bail au-delà des trois ans initiaux.
  • Enfin parce que, du 2 au 16 du même mois d’avril 2019, une enquête publique s’est tenue en mairie du 16°. Elle fut remarquablement courte et discrète, et habile. Le commissaire-enquêteur a pondu un rapport de 5 pages (certainement un record !) concluant que, selon le souhait de la Ville, le linéaire concerné pouvait fort bien être déclassé du domaine public viaire. Cela veut dire que la route ne serait plus une route.

Si ce bout de route est déclassé du domaine public routier, cela autorise après coup à y envisager la construction d’un bâtiment qui aurait déjà du être démoli (après 3 ans), et qui n’a toujours pas de permis de construire. Et alors … adieu la piste. 

Lors de cette enquête les opposants les plus virulents ont fait valoir que de toutes façons ils ne voulaient pas plus de la route que du bâtiment, réclamant qu’on en revienne au caractère boisé prescrit par … la Loi du 8 juillet 1852 et conforté par un arrêté du 23 septembre 1957 ! Le commissaire voit lui aussi des avantages à ce déclassement : cette route n’étant plus une route on pourra y remettre de la verdure. On a d’ailleurs un peu commencé. Les malheurs continuent.

Le bâtiment est posé sur la piste, et deux sentiers latéraux se sont immédiatement formés

Paris laisse sombrer sa piste

Personne ne s’étant décidé à parler de la piste cyclable, nous avions tout lieu de penser qu’elle allait couler. La Ville qui se voyait déjà capitale du vélo allait laisser sombrer sa plus belle piste, de 3 km quant même, tout en dépensant un pognon de dingue pour en créer de nouvelles.

Mais voilà, cette piste reste utile, et ce blog se fend d’une proposition de sauvetage qui tient la route, comme il l’avait fait au sujet de la voie express de la rive droite.

4 propositions pour un sauvetage  

La partie qui devrait être déclassée du domaine routier se trouve exactement entre l’avenue Ingres et la porte de la Muette.

Les premières esquisses de rattrapage proposaient deux solutions.

1 Le bitumage du sentier qui s’est créé le long de l’emprise du bâtiment, solution de loin la plus simple. Mais pourra-t-on encore le faire si la route doit être rendue à la végétation ?

Solution 1 : Reconstitution de la piste le long de l’emprise
Avec la solution 1 la suite de la piste peut être réutilisée sans travaux.
C’est ici la zone concernée par le déclassement du réseau routier.

2 La mise à double-sens pour les vélos de l’avenue du Maréchal-Maunoury. Ceci oblige alors à plusieurs détours et induit un sentiment d’inconfort et de perte. C’est ce qui a été fait, sans pour autant que la continuité soit claire et sans que le fléchage l’indique. C’est la plus mauvaise solution, et elle n’aurait du être que très provisoire.

Solution 2 : autoriser les deux sens aux cyclistes
Cette solution offre un confort dégradé, aggravé par le fait que le chemin est bloqué
depuis longtemps par des bâtiments de chantier

Deux autres solutions sont proposées aujourd’hui, médianes aux solutions ci-dessus

3 Créer une piste cyclable parallèle à l’avenue du Maréchal-Maunoury, évitant l’obstacle du bâtiment provisoire dont nous venons de parler. On voit sur la photo que l’espace est disponible pour le faire, sur la rue ou à côté. Cette solution n’est satisfaisante que si raccordée en continuité de part et d’autre.

La place est disponible sur cette avenue ou à côté.

4 Créer de toutes pièces quelque chose de direct sous les arbres du talus. Ceci serait dans la droite ligne de ce qui existe de part et d’autre, et de la même qualité.

Beaucoup d’avantages à cette solution, la seule qui fasse mieux que ce qui existait.

De ces 4 solutions c’est la plus mauvaise, pour les cyclistes, qui a été réalisée. A notre avis c’est la première qu’il fallait mettre en oeuvre, la plus simple et la moins coûteuse, le long du bâtiment. Mais le peut-on encore si la Ville sort cette emprise du domaine public de voirie et le rend à la végétation ? A défaut il reste deux solutions, toutes deux par construction d’une piste pour raccorder les deux bouts.

Pour la voie express de la rive droite notre proposition avait été suivie d’effet et désormais la piste a son flot quotidien d’utilisateurs. De vide elle est devenue axe. Espérons qu’il en soit de même pour cette piste plus discrète mais tout aussi stratégique, et oh combien agréable. 

Dernière heure, le Conseil de Paris était appelé à en débattre

Le déclassement du domaine public routier d’une emprise située allée des Fortifications, entre la voie BJ/16 et la route des Lacs à Passy (16e) était à l’ordre du jour du Conseil de Paris du 14 juin 2019. Plusieurs orateurs étaient inscrits, aucun ne s’est présenté, la délibération a été adoptée sans en parler. Vous comprenez … 

… Ce site présente l’avantage d’une emprise libre déjà viabilisée, où le trafic automobile est très réduit, et où le tapis d’enrobé offre un bon support pour recevoir des constructions légères. C’est également l’endroit où un massif végétal protège les nouvelles implantations des nuisances du boulevard périphérique à proximité.

Suite de l’exposé des motifs  :
La Commission départementale de la nature, des paysages et des sites a accepté le 21 mars 2019 une prolongation pour 3 ans.

A l’issue de cette période, la Ville de Paris interviendra pour renaturer le site en réalisant des aménagements paysagers et en réduisant fortement la circulation automobile pour revenir à une promenade tranquille. Le principe de la renaturation de l’allée des Fortifications, pilotée par la DEVE [direction des espaces verts], consiste en une pérennisation de la suppression de la circulation automobile accompagnée d’une reconquête de cette voie afin de retrouver la perméabilité du sol et permettre ainsi une reprise paysagère végétale correspondant à près de 1800 m2. Un espace de circulation douce sera dédié aux piétons et aux cyclistes.

On n’est pas à une imprécision près, ce n’est qu’après les élections que cela se fera, ou pas.

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Jb Vaquin
5 années

Quel dommage ! Que de mal à l’époque pour ouvrir cette piste! Mais elle ne devait pas compter dans les nouvelles statistiques officielles. N’empêche les bouts de nouvelles autoroutes à vélo ne remplaceront pas les mille petits aménagements qui permettaient de rouler partout et d’aller partout, bref d’utiliser quotidiennement son vélo pour se déplacer dans Paris!

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