2 mois en France vus de mon bureau – 06 – Ça repart ???

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Fin de ce long panorama des thèmes qui nous ont agités depuis le 15 mars 06 – La pollution a baissé, l’économie se prépare à repartir. Entre crise sociale, crise économique et crise environnementale il va falloir choisir : La solution de laquelle est la plus valable pour les deux autres ?  

La pollution a spectaculairement baissé au-dessus des villes, comme le montraient les photos. Nous allons « vers une décrue historique des émissions de CO2 » nous annoncait le Journal du Dimanche le 19 mars

Suivait une analyse des conséquences économiques de la crise vue comme un simple mécanisme, sans la moindre notion de décisions gouvernementales, par exemple sur la nature de l’offre, ou sur la définition d’une limite maximale de km dans la fabrication d’un produit, ou de tout autre critère d’appréciation. Quelles entreprises soutenir ??? ça vaudrait le coup d’y penser. Ben tiens, ce 2 avril je lisais dans Actu-environnement que l’Autorité environnementale pointait la contradiction entre développement aérien et objectifs climatiques. 

« Il semble désormais (…) indispensable de mettre à l’agenda la question de la compatibilité du développement du trafic aérien avec les engagements environnementaux de la France dans plusieurs dossiers aéroportuaires qui seront présentés en 2020 (Marseille-Provence, terminal 4 de Roissy, Nantes-Atlantique, etc.) », affirment les membres de l’Autorité environnementale (Ae) dans leur rapport annuel, publié le 31 mars.

Mais revenons à l’article du JDD. En Chine, explique l’auteur, « Mi-mars, le gros de la crise sanitaire semblant passé, le mot d’ordre est à la relance. Malgré l’ouverture des vannes du crédit par la banque centrale, la reprise de l’économie chinoise semble toutefois poussive. La confiance n’est pas revenue, ce qui plombe la demande des ménages (consommation et logements). Sur le front extérieur, la reprise des exportations bute sur la récession, frappant désormais les principaux clients de Pékin. » Allez, on repart !!!  

Gilles Clément parle de stratégie de la peur, dans Botanique, jardins Paysages. (signalé par Yann Fradin). « L’imprévisible danger (…) place le pouvoir en devoir de contrôle absolu et légitime sous le prétexte d’une lutte contre le danger en question. (…) Il faut donc asservir le peuple au masque, aux gestes barrière, aux distances règlementaires (…). L’ennemi pour ces instances n’est pas un invisible virus (…) mais un possible accès à un autre modèle de vie. Le pire serait d’aboutir à une économie de la non-dépense. (…) L’important n’est pas de sauver des vies mais de sauver le modèle économique (…). » Il faut inverser « le modèle de convoitise. Ne pas forcer le « pauvre » à désirer un SUV et douze paires de baskets mais à comprendre où l’on vit et pourquoi c’est le chant des oiseaux qui nous équilibre (…). Les puissants de ce monde s’opposeront avec violence à cette tendance. » « Faudra-t-il un jour remercier les micros organismes de nous avoir ouvert les yeux ? »

Prenez garde, monsieur le président

La France d’après le coronavirus doit-elle ressembler à celle d’avant l’épidémie ? Le confinement nous invitant à la réflexion, beaucoup de citoyens se sont posé cette question… et y ont répondu par un grand non. Exemple avec l’écrivaine Annie Ernaux. Elle a écrit une lettre à Emmanuel Macron au ton audacieux et percutant. Lue sur France Inter par Augustin Trapenard « cette lettre ouverte semble refléter l’opinion de bien des Français ».

Bd des Maréchaux, Paris15. @bahjesaispas

On parle de « guerre économique contre le coronavirus » (Batinfo le 23 mars), les publicités ont continué d’arriver comme devant et je reçois déjà des propositions d’agences de voyages pour des aventures sportives proposant des expériences bla bla bla impliquant de prendre l’avion. Plus remarquable encore, « En pleine crise boursière, les entreprises européennes se préparent à verser des dividendes record », selon Bousorama le 24 mars.

Nos amis des travaux publics n’y vont pas par quatre chemins. Le 14 mai le secteur de l’ingéniérie (syntec-ingéniérie) alertait sur les « risques d’effondrement de l’économie » ou du moins de « l’ensemble des filières économiques » (Batinfo) : « 90% d’entre elles (les entreprises d’ingéniérie) anticipent un ralentissement durable de leur activité et craignent un effondrement économique global. L’ingénierie intervient dans tous les domaines d’activité (aéronautique, automobile, environnement, construction, BTP, infrastructures, industrie, énergie, chimie, numérique, etc.) » Donc «  Maîtres d’ouvrages et industriels doivent à tout prix maintenir leurs projets d’investissement. »

Béatrice Gurrey, dans Le Monde du 12 mai, le dit très bien : « La lutte sans merci entre développement durable et intérêts industriels et commerciaux se poursuit. (…) Ces masques peuvent être portés quatre heures (…). Une durée d’usage assez mince pour un produit relativement sophistiqué, dont la durée de vie est, elle, très longue.

Masques : l’occasion manquée pour le monde d’après. Béatrice Gurrey

Et pourtant …

Qui aurait parié il y a quelques années sur le fait que les aménagements cyclables seraient identifiés pour leur importance nationale en matière d’investissements bas-carbone, se demande Hans Kremers. Voici ce qu’en dit le Journal La Tribune sous le titre :

Comment sortir de la crise économique tout en préservant la santé et le climat 

« sept secteurs particulièrement importants car regroupant les deux tiers des investissements bas-carbone du pays » : la rénovation des bâtiments tertiaires (publics et privés), le déploiement des véhicules électriques, les infrastructures de transport en commun, les infrastructures ferroviaires, les aménagements cyclables, et la production d’électricité renouvelable – pour laquelle I4CE appelle notamment à ne pas supprimer les appels d’offres annoncés.
Vous l’imaginez avec peu de voitures (quelques charrettes, un tramway, comme en 1900)… et des piétons partout ? Aujourd’hui on y ajouterait de nombreux vélos, c’est tout. Il y a ici quatre voies, une ligne d’autobus, un trafic de dingue, et les pièces de façade absolument invivables.

D’autres entreprises se sont déjà reconverties, comme cette entreprise d’enseignes du Val-d’Oise qui s’est mis à fabriquer de fort jolies vitres de protection qui font un carton et relancent son activité. Le Parisien, 20 avril.

Il se pourrait qu’on fasse le contraire. Le député écologiste Matthieu Orphelin s’insurge dans Le Monde du 16 avril contre le projet consistant à augmenter la participation de l’Etat sans contrepartie dans des secteurs comme l’automobile ou l’aérien, durement touchés par l’épidémie due au coronavirus. « On va investir des milliards dans des entreprises polluantes sans aucune contrepartie ». 

Jean-Pierre Chevènement se plaint dans l’Express du 27 mars de ce que « Nous avons cessé de penser le monde en termes stratégiques« . On ne délocalise pas la moitié de son industrie à l’autre bout du monde sans que ne se créent des fragilités, on est en train de mettre en pièces la politique agricole commune, qui assurait notre sécurité alimentaire, on se prive de l’énergie nucléaire, ce qui nous obligera à importer gaz et pétrole, on érige le calcul d’optimisations individuelles en garant de la prospérité de l’économie globale… Il résume aussi l’affaire des masques.

Préparer le jour d’après

60 parlementaires veulent « Préparer le jour d’après » (source Ouest-France, communiqué par Sam-Nantes). Une plateforme collaborative, appelée Le jour d’après pour élaborer « un plan post-crise » a été lancée samedi 4 avril par 58 députés, un sénateur, un député européen. Parmi eux les Parisiens Pierre-Yves Bournazel et Cédric Villani, l’Angevin Matthieu Orphelin, la Somoise Barbara Pompili, et peut-être votre député. Elle était ouverte jusqu’au 4 mai. La crise a violemment révélé les failles et les limites de notre modèle de développement, ils appellent tout ensemble à l’élaboration d’un grand plan de transformation de notre société, qui comporteraient des mesures très fortes pour le climat, la biodiversité, la solidarité, la santé et la démocratie. Il y a 11 thèmes, aucun ne parle des déplacements, mais bon … Il y avait des ateliers, un hackathon, et une consultation.

Espérons aussi que sera suivie d’effet l’exhortation de l’historien Johan Chapoutot à « Réévaluer les salaires de ceux qui servent le plus afin qu’ils ne soient plus ceux qui gagnent le moins » et « se rappeler que cette catastrophe épidémique est avant tout une catastrophe écologique ». Libération, 1er avril.

La deuxième vague pourrait être une crise sociale

Le détonateur social le plus grave sera la faim, explique Rina Dupriet, adjointe au maire de Buc (Yvelines), dans la Gazette Santé Social (signalé encore par Yann Fradin). Les « travailleurs pauvres » « sont les rouages essentiels de la vie d’une société (les caissières, les éboueurs, les livreurs, les agents de nettoyage… qui s’ajoutent aux auxiliaires de vie, aux assistantes maternelles, aux aide ménagères…). Un texte plus riche que ce que je vous en montre.

Lire aussi

  • La surconsommation numérique contribue énormément au dérèglement climatique. Or nous en avons abusé et rabusé pendant le confinement, au point de se couper des autres et de la réalité…
  • Le gouvernement tente d’anticiper un été qui s’annonce de nouveau plus chaud et plus sec … La moitié de la métropole, avec 41 départements situés pour l’essentiel dans l’Est … Le Monde, 15 mai. La Gironde et les Landes placées en vigilance rouge « pluie-inondation » par Météo France (10 mai) Dix-huit départements placés en vigilance …

Alors finalement ?

Alors finalement, ce confinement, aura-t-il été utile ? Il m’a redonné le goût de la sobriété et de la sédentarité, le goût du temps long. Cela ne suffira pas, et j’aurais préféré que cette rupture soit beaucoup plus longue – pour que les mauvaises habitudes soient mieux déracinées, pour que nous soyons obligés de nous réorganiser. 

La crise du coronavirus révèle l’ampleur du défi climatique

Selon l’Agence internationale de l’énergie, la pandémie de Covid-19 et ses conséquences – chute massive de la production et confinement d’une grande partie de la population mondiale – va faire baisser de 8 % environ les émissions mondiales de CO 2 en 2020. C’est à peu près la baisse qu’il faudrait atteindre chaque année pour avoir une chance d’éviter les effets les plus catastrophiques du changement climatique. Les Echos, 18 mai 2020. 

On a dit que le virus avait sauvé des vies puisqu’il avait amené à vivre autrement, ce qui a fait baisser la pollution. Relancer l’économie ou repartir comme si ces deux mois n’avaient été qu’une parenthèse relève de la fuite en avant. Les sociétés peuvent très bien se suicider. 

Dans la même série
Crise sanitaire : Les pompes à essence et les bécaniciens restent ouverts
01 La semaine d’avant on ne parle que d’environnement
02 Marchands de vélos / rouler à vélo
Alors comme ça, le vélo ne serait plus autorisé pour «faire de l’exercice»?
03 Guerre ? Crise environnementale
04 Crise sanitaire
05 Pourquoi les chantiers étaient-ils arrêtés et comment ont-ils pu reprendre ?

Encore ?

Si vous voulez encore de la lecture, voici quelques articles glânés ces jours-ci : 

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