Suite du panorama de quelques uns des thèmes qui nous agitent depuis le 15 mars. Qui dit quoi ? Que nous arrive-t-il ? Comment en tirer profit ?
03 – Guerre ? Non, Crise environnementale.
La crise sanitaire n’est qu’un épisode de la crise environnementale.
Guerre ? Crise environnementale
Le président de la République parle de l’affaire comme d’une guerre. Pourtant il n’y a pas d’ennemi, comme l’explique la philosophe Claire Marin dans le Monde du 25 mars. « Face à la catastrophe, on se rassure en la considérant comme une parenthèse plutôt qu’un avertissement ». Elle explique que la crise que nous vivons n’est pas une « guerre » mais « une rupture, qui nous met à l’épreuve dans l’intimité de nos vies ». « Pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de la détruire […] mais simplement d’essayer […] de freiner sa propagation affolante. C’est très différent. » Voir aussi dans La Tribune du 31 mars : Michel Wieviorka [sociologue], « Coronavirus : parler de guerre est une faute ».
Il s’agit d’une pandémie issue de déréglements environnementaux. On parle d’animaux en Chine, sauvages mais vendus et mangés par les humains, qui ont été en contact avec des oiseaux, qui, que, le tout lié à la déforestation. Parmi les articles, je recommande celui-ci :(Corona)virus et biodiversité, publié par l’ARB îdF-Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (3 avril : problème d’accès, inutile d’insister, je viens même de retirer le lien). Il passe en revue ce qui se dit des causes de l’épidémie (des animaux, chauve-souris à humains, de vraisemblable, à simpliste ou incontestable), et conclut sur la fonction des écosystèmes (que nous avons perturbés) et sur l’injonction à ne pas ressortir notre « peur de la nature » alors que, au final, ces relations humain-nature nous sont bénéfiques.
En tous cas des voix de plus en plus fréquentes parlent de cette pandémie comme étant une crise environnementale. Dans le numéro 4 de cette série vous verrez que Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes, dit exactement la même chose (et pas seulement, bien sûr).
Le professeur Faburel, de Lyon, déclare, dans Reporterre, que « La métropolisation du monde est une cause de la pandémie » (28 mars). il insiste aussi sur nos inégalités, illustrées par le fait que « Contrairement aux télé-travailleurs, les ouvriers et les employés continuent à se déplacer pour aller travailler et pour livrer ». Il pense qu’il faut « repenser totalement l’aménagement du territoire autour des petites villes et des campagnes.«
Jean Jouzel (climatologue, glaciologue, ancien vice-président du Giec -Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) déclare à Public Sénat « La pollution qui est éliminée par l’arrêt de l’activité industrielle sauve aussi des vies ».
Par contre il n’attend pas grand’chose de l’arrêt de la machine industrielle, « Même si on arrêtait tout, on n’inverserait pas la tendance », en gros, c’est trop tard.
« Au niveau de la France, les chiffres qui seraient nécessaires pour entamer la lutte contre le réchauffement climatique ne sont absolument pas astronomiques par rapport à ceux qu’on met en place – et je le redis, à juste titre – pour cette crise sanitaire. Ce qu’on aimerait à l’issue de cette crise, c’est voir repartir une économie plus sobre en carbone», comme disent de plus en plus de penseurs.
Jean Tirole, prix Nobel d’économie, se demande dans le Monde du 26 : Face au coronavirus, « allons-nous enfin apprendre notre leçon ? » Nous étions préoccupés par la guerre biologique. Nous tremblons de peur face à la fonte du pergélisol qui, en plus d’émettre des volumes importants de gaz à effet de serre, va libérer d’anciens virus et bactéries, avec des conséquences imprévisibles. Nous réalisons maintenant que le problème est encore plus large. Les crises sanitaires mondiales ne sont plus des « événements rares ».
Ce qui est sûr c’est que nous ne nous étions pas préparés, alors que nous avions été avertis, ainsi que le rappelle Le Parisien dans son édition du 1er avril. Le journal cite Didier Raoult (rapport de 2003), Bill Gates, Jacques Attali, Jérôme Salomon (2016, conseiller de Macron). Malheureusement je ne trouve pas l’article sur le net. Mes références à moi sont plutôt Raymond Abellio (Les yeux d’Ezechiel sont ouverts – ?) et aussi Jacques Attali (Il viendra, 1994) et même … Xavier Emmanuelli (Dernier avis avant la fin du monde, 1994).
Finalement on doit pouvoir dire que Le coronavirus est une bombe à retardement pour le climat, comme le chercheur François Gemenne. Il expliquait dans La Tribune du 1er avril que la crise actuelle sera une catastrophe pour la lutte contre le changement climatique. On risque de vouloir relancer l’économie et que de nombreux pays auront peut-être la tentation de demander la réduction de leurs engagements en matière de « lutte contre le changement climatique ». On voit déjà des constructeurs d’automobiles réclamer un allègement des règles d’émission de CO2, ou un report ! Pour l’auteur la crise sanitaire et la crise climatique ont en commun d’être mondiale et de nécessiter une réponse urgente. Mais le changement climatique n’est pas une crise, c’est une transformation irréversible.
Nous devrions être amenés à reparler de ce sujet.
Faire du confinement une chance…
Pour Boris Cyrulnik aussi, la crise mondiale liée au Covid-19 est due en bonne partie à la course à la performance de nos sociétés mondialisées. Pour le journal We demain il livre cependant trois conseils pour affronter le confinement : l’action, l’affection et la réflexion. Et esquisse une voie à emprunter pour éviter de revivre un tel traumatisme : oser imaginer un modèle de développement différent.
Pour la philosophe Maria Cezar le confinement est idéal pour se confronter à l’absurdité de nos existences, notamment de nos métiers. « Désormais, il n’est plus possible de noyer votre mal-être dans le divertissement, le consumérisme ou l’océan administratif des bureaux. » Elle nous invite à répondre aux questions essentielles : « A quoi sert votre vie? Voulez-vous continuer à être le maillon d’une chaîne qui conduit à des pandémies mondiales et a engendré la destruction de 60% des espèces animales en seulement 40 ans ? » Un pamphlet assez violent qui nous rappelle les profondes inégalités qui rongent notre société. Marianne, le 28 mars. Avec une illustration que je trouve parfaite.
Dans la série :
Crise sanitaire : Les pompes à essence et les bécaniciens restent ouverts
01 La semaine d’avant on ne parle que d’environnement / Confinement / Arrêtés de couvre-feu
02 Marchands de vélos / rouler à vélo
02bis- Attention le vélo n’est plus autorisé pour «faire de l’exercice»
04 Crise sanitaire
05 Pourquoi les chantiers étaient-ils arrêtés et comment ont-ils pu reprendre ?
06 Ça repart ???
Je me demande bien qui a pu prendre cette vue d’Orléans au temps du confinement… 😉
Ah ça y est ! Comme je n’arrivais plus à retrouver je m’étais dit que je n’avais qu’à attendre le message courroucé qui arriverait sûrement! Sera rattrapé « dés que possible », promis.
Drôle de guerre en effet. En temps normal, ou dans l’ancien temps, on faisait la guerre pour conquérir ou protéger ce qu’on avait acquis.
Depuis 3 semaines, c’est le contraire. Chacun se retranche devant un ennemi qui nous attaque de l’intérieur, et tous les régimes s’y plient : on sacrifie les plus forts pour sauver les plus faibles d’entre nous, on sacrifie la jeunesse pour sauver les personnes dans les mouroirs des Ehpad, on sacrifie la vie pour sauver de la mort les malades. L’histoire nous dira si le jeu en valait la chandelle.
Quand le Covid 19 aura livré tous ses secrets, j’espère qu’il nous dira que ce ne sont pas des respirateurs qui ont sauvé des vies, mais une mobilité active tous les jours, de l’air pur, et une alimentation saine.
Le pire est qu’on ne les sauve même pas, les personnes dans « les mouroirs des Ehpad » !