Pourquoi la bataille du vélo est-elle si difficile, malgré les apparences superficielles ? Tout simplement parce que le vélo lui-même compte moins que tout ce qui l’entoure, ou, plus exactement, parce que le problème est un écheveau de liens qui, conjugués, empêchent le vélo. Ne pas voir que le vélo n’est qu’un symptôme d’un système, et que c’est ce système qu’il faut démêler et réorganiser, ne peut mener qu’à des victoires à la Tartarin. Ou pas loin.
Une bataille complexe
Le principal objet du livre La bataille du vélo, de Joseph D’halluin, est d’explorer la complexité de cette bataille. Pour changer la ville, accessoirement développer l’usage du vélo, il faut comprendre que l’on a « transféré sur la bagnole des fonctions que sa propre diffusion a rendues nécessaires ». Il nous faut briser ce cercle vicieux, car « l’alternative à la bagnole ne peut qu’être globale ». Ce livre nous fait comprendre dans quel piège nous sommes tombés.
Nous verrons par exemple comment la voiture nous a été imposée jusqu’à « criminaliser l’usage libre de la rue », dès les années 1920, notamment en transformant une possibilité théorique en besoin ou désir intrinsèque. Aller vite n’est pourtant pas un désir naturel. Au-delà des « revendications simplistes » (ou de cow-boy, tels 50euros, puisqu’il le nomme, mais chacun en connaît quelques autres), l’auteur consacre un chapitre entier à montrer « pourquoi c’est extrêmement compliqué de sortir du système automobile ». Les justiciers solitaires de X se font des illusions, montre-t-il, et créent un mauvais climat, ce qui est pire. Si on ne s’intéresse pas aux prix des logements ou à l’accès au travail, on n’avancera jamais, insiste-t-il.
La « bataille du vélo » est peuplée de chausse-trappes. L’auteur ne mâche pas ses mots lorsqu’il parle des fédérations sportives, et, à côté de ça, isabelle et le vélo est de la bibine (il est vrai que je me retiens parfois de faire du canard ligoté !). Il dépouille aussi les Pays-Bas d’une partie de leur trône, montrant que ce n’est pas du tout un pays « écolo », il traite « les cyclistes » de secte1dans l’une je suis …, et invite à une certaine modération. Ne pas mettre tout le monde dans le même sac, grignoter l’espace, se méfier des études qui veulent tout prévoir (notamment nos fameux reports de trafic), alors que pour lui il faut « décider et concevoir ». Il n’y aura pas de grand soir du vélo, prédit-il, il faut attaquer le mal à sa racine, décider selon l’intérêt général, réduire l’efficacité du système automobile et déconstruire les discours. Par exemple : Pourquoi y a-t-il autant de publicité pour l’auto si elle est si indispensable ? Réponse : parce qu’elle n’est pas indispensable … « On ne défend pas le vélo juste pour rendre heureux les urbains« , déclarait-il le 15 janvier dans La Croix.
La bataille du vélo,
Vaincre le système automobile
Joseph D’halluin
Éditions L’escargot, novembre 23
15 €
Un appel à faire évoluer le système de mobilité au profit du vélo afin de se détacher de la dépendance et de la fascination envers l’automobile
Un peu comme les livres de Frédéric Héran, c’est tellement bien écrit, sans grossières affirmations à l’emporte-pièces, qu’il est difficile de tout mémoriser. C’est donc un livre à lire un crayon à la main.
Lire aussi :
- Voitures, par Aurélien Bigo. L’avenir de la mobilité n’est pas la voiture.
- Paris, une ville piégée par ses illusions technicistes, par Julien Demade, un livre « fondateur » qui montre, notamment, que le rôle des décisions est plus faible que celui des courbes naturelles.
- Les automobilistes roulent toujours le plus vite possible
- Le retour de la bicyclette, par Frédéric Héran, un livre à souligner sur l’histoire.
- « Développer le vélo » ne signifie rien tout seul. Une note du Shift project.
- L’évaporation du trafic existe bien, quoi que vous en pensiez. Conférence de Fr. Héran.
- L’évaporation du trafic existe, Transitec le voit tous les jours. Présentation d’une étude.
- Impossible réglementation. J’y introduis la notion de partage des espaces en fonction de la vitesse et non de la nature de l’engin.
Rencontrer l’auteur à Paris
Le 8 février 2024 en soirée, conférence-débat avec l’auteur organisée par le MDB. Vous pourrez y acheter le livre. Entrée gratuite, réservation conseillée. Lieu : Médiathèque de la Canopée La Fontaine, Passage de la Canopée, Paris,
Et là vous verrez qu’il n’y a pas contradiction avec mes voeux aux cyclistes parisiens …
On n’entend pas beaucoup parler des mobilités, sauf sous l’angle des véhicules. La mobilité est liée aux modes de vie, pour réduire les effets nocifs de la mobilité et rendre crédibles les mobilités actives il faut réformer les distances à parcourir. Quelles pistes le gouvernement a-t-il ?
L’auteur préconise de réfléchir sur le triptyque logement/emploi/déplacement et d’articuler chacune de ses composantes pour répondre à une question simple en apparence : quel monde voulons-nous ? Mais il n’est pas encore ministre…
Oui, très bon petit livre. D’ailleurs, je ne l’ai plus sous la main, on me l’a déjà emprunté !