La bataille insensée dans la rue, et le trou de mémoire insensé de la Fub.
Code de la route et intersections sont les deux enjeux de la sécurité en ville. Le décès de Paul a beaucoup fait réfléchir, ce qui a vite été élargi à la ville et à la société, et à la question masculine.
L’argent pour le vélo a-t-il disparu au fond d’un trou sans fond ?
4 articles importants sur le danger de rouler à vélo, le code de la route, les comportements …
La mort de Paul a déclenché une sorte de sidération dans tout le pays. On vient de prendre conscience de ce qui se joue dans nos rues et nos grosses voitures … Je n’ai relevé que quelques articles qui font vraiment réfléchir, et éliminé ceux qui ne racontent que des banalités. Cela vous fait déjà pas mal à lire …
1️⃣ Le vélo en ville, un ordre normatif spontané. Les Echos, 23 octobre 2024. C’est je crois l’article que j’essaye d’écrire depuis 40 ans. Il est normal que l’organisation des villes évolue. La circulation doit être repensée autour de notre nouveau paradigme, le vélo, plaide le philosophe Gaspard Koenig.
C’est la plume tremblante que j’aborde un sujet éminemment sensible, qui jette les êtres les plus raisonnables dans des passions irréconciliables : les relations entre « usagers de la route » dans les grandes villes, et particulièrement à Paris.
Un extrait :
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2️⃣ « Les cyclistes ne respectent pas le code de la route », vraiment ? par Frédéric Héran, the Conversation, 24 octobre 2024. Le début répète ce que beaucoup de mes lecteurs savent déjà, si les cyclistes s’affranchissent de certaines règles c’est pour leur sécurité. La seconde partie, Les règles implicites de la circulation à vélo, va nous aider à mieux réfléchir. Comme l’accès est gratuit , en voici un extrait:
Or, ceux qui ne font jamais de vélo ignorent tout de ces règles ou ne veulent guère admettre qu’elles sont essentielles. La principale règle implicite pour les modes actifs consiste à douter du bon respect du code par les usagers motorisés.
Si un cycliste ou un piéton a la priorité à un carrefour, y compris grâce à un feu de signalisation, il ne doit surtout pas s’engager sans regarder auparavant si un véhicule arrive et sans s’être assuré d’avoir été repéré par les autres véhicules.
Un peu plus loin :
Pourquoi un tel décalage entre ce que préconise le code de la route et la pratique des cyclistes et des piétons ? La principale raison, c’est que les rédacteurs du code et plus généralement les autorités ou encore les statisticiens ont tendance à mettre tous les modes de déplacement sur le même plan, comme s’ils avaient les mêmes caractéristiques.
Enfin il montre en quoi piétons, cyclistes et véhicules motorisés sont différents, présente les améliorations récentes dans le code, et celles qu’il faudrait obtenir. Pour conclure :
il est urgent de mieux intégrer les règles implicites de comportement des cyclistes et des piétons, tant dans le code que dans la conception des aménagements.
3️⃣ Après la mort d’un cycliste à Paris, la question des violences routières émerge dans le débat public. Le Monde, 26 octobre 2024. Un grand dossier étalé sur deux pages. Chiffres et moyens à mettre, rôle des hommes dans les accidents, développement du vélo dans les campagnes et apprentissage du vélo (l’exemple de Erdre et Gesvres).
Ce drame a fait émerger la thématique des « violences motorisées » dans un débat public sur les mobilités jusque-là dominé par la question des aménagements ou de l’écologie.
L’appel à témoignages sur les violences vécues par les cyclistes sur la chaussée a reçu 818 contributions en deux jours.
Le travail de sensibilisation à l’usage de la petite reine, s’il est nécessaire, reste incomplet s’il ne cible pas les autres usagers de la route, principalement les motorisés. Les automobilistes doivent eux aussi apprendre à partager la voirie. Un défi d’autant plus complexe que la taille, le poids et la puissance des véhicules tendent à augmenter avec la mode du SUV, catégorie qui représente aujourd’hui la moitié des ventes de voitures neuves.
4️⃣ Contre l’agressivité sur la route, bâtir une mobilité fraternelle. Vincent Kaufmann, Le Monde, 29 octobre 2024.
Et ce n’est pas fini !
Assez vite on est passé des questions de code et d’aménagements à des questions plus fondamentales relevant du fonctionnement de la société, notamment dans sa part masculine.
« Pro » ou « anti » vélo : ce que cela dit de vous Le clivage vélo/voiture devient de plus en plus saillant au sein de la société française. Une question qui se révèle très politique, selon un sondage Cluster17. Le Point, 26 octobre 24. Selon le magazine Droite et Gauche se distinguent assez bien ici.
Comment penser des espaces de mobilités apaisés qui rassembleraient automobilistes, cyclistes et piétons ? France-Culture, 29 octobre. 1/2 heure. Mathieu Flonneau y parle de brutalisation et d’ensauvagement de la société, et conclue sur la déshumanisation des rues avec l’absence de police de la circulation. Aude Raynaud parle de rapport de force auto ➘ vélo ➘ piéton, et conclue sur le fait qu’il faut bien une ou deux générations pour que la nouvelle culture collective s’installe. Pas mal d’autres idées à l’intérieur, dont certaines un peu approximatives.
• Cycliste tuée à Tours : il y a urgence à sécuriser nos intersections. Le tram de Tours, 10 octobre 2024. Très complet et concret. Concernera tous les lecteurs et toutes les villes.
• Avignon : un chauffard, dont le permis a été suspendu, loue une Lamborghini et tue un cycliste. Le Figaro, 3 septembre.
Chacun raconte ce qu’il veut
Et avec tout ça, Mediapart publie le 29 octobre 2024 un long article dont le titre est Le gouvernement abandonne le Plan vélo : un projet à « 2 milliards d’euros » s’évapore. Si je m’y attend depuis le premier jour, ainsi qu’on pouvait peut-être le supposer en lisant mon Les « CEE » sur la sellette, la Fub en danger ? du 2 octobre, je me gardais bien de l’annoncer sans preuve, et surtout en imaginant d’autres possibilités comme une réduction assez forte mais pas totale. Cet article de Mediapart n’apporte aucune preuve et ne fait que broder sur ce que l’on sait, « il préfère les autocars », ou sur ce qu’aurait dit le ministre aux associations. Diverses fautes dans les noms propres ainsi qu’une mention un peu curieuse indiquant que « Michel Barnier, faisant mine de découvrir un gigantesque trou dans les caisses » avaient contribué à ne pas m’inciter à accorder beaucoup de crédibilité à cet article, qui, visiblement, cherchait à faire du bruit. Et donc, malgré son envoi par une lectrice respectée … (et que je remercie bien fort) je ne vous en donne pas le lien.
▶️ Et pourtant, pendant que j’écrivais ces lignes la Fub envoyait un communiqué par lequel elle disait avoir appris la mauvaise nouvelle par Mediapart (et non par le ministre, comme le dit le journal). Elle conclue par le mignon « 1 km parcouru à vélo permet d’économiser 1€ de coût social de santé selon une étude récente du CIRED-CNRS-CNAM. » sans rapport direct, si je peux me permettre. La Fub fait-elle semblant de découvrir dans Mediapart ce que Mediapart a fait semblant d’apprendre de la bouche de la Fub, laquelle aurait fait semblant de ne pas l’entendre de celle du ministre des Transports ? On est chez les fous, je vous le garanti.
▶️ Et le soir même le ministre s’exprimait devant la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, et déclarait qu’il restait un peu d’argent pour cette année, pour payer ce qui avait été promis … en précisant qu’il préférait aider l’investissement plutôt que le fonctionnement. Voir ce qu’il a dit. Cette fois on sait ce qu’a dit le ministre, il suffisait d’attendre quelques heures, et de se mettre en ordre de bataille, certes.
Attention, cette revue de presse s’arrête à fin octobre.
Attendons !
Revenons-en « aux choses sérieuses », tout ce qui précède peut aussi être mis en résonance avec ce qui se publiait il y a quelques mois … Paris 2024 : l’usage du vélo déjà gagnant. Le Monde, 1er mai 2024. C’était à la veille des Jeux Olympiques … Le vélo allait être si gagnant que la riposte allait se manifester ? …
Je me demande quant à moi si je n’avais pas déjà tout dit dès le 1er octobre 24 : Pour le vélo l’Europe s’accroche, la France décroche.
Autres actualités tout aussi intéressantes
3e Rencontres du vélo et des mobilités douces : les métropolitains au travail à Aubagne. Gomet’, 9 octobre 2024.
Merci à … Guy Engericks, Jean-Luc Saladin, Silvi de Almeida, Brigitte Cleis, Luc Servière
« Les automobilistes doivent eux aussi apprendre à partager la voirie. Un défi d’autant plus complexe que la taille, le poids et la puissance des véhicules tendent à augmenter avec la mode du SUV, catégorie qui représente aujourd’hui la moitié des ventes de voitures neuves ».
Mais oui tout devient plus gros, plus lourd, plus « sécurisé » pour les passagers de ces gros véhicules, mais en même temps plus dangereux pour les usagers qu’ils peuvent rencontrer/percuter…
Même les vélos deviennent plus gros, plus lourds, plus rapides, voire ne sont plus tout à fait des vélos… Phénomène genré ? Les personnes aussi deviennent plus grosses, plus lourdes… mais pas plus rapides ni plus performantes !
Où va-t-on ? Et la sobriété ? et la santé des personnes ? et la santé de la Planète ? et la convivialité dans nos villes ? Cet accroissement de tout est-il synonyme d’une vie meilleure pour toutes et tous et pour les générations futures ?
L’environnement s’adaptera toujours, pas les humains.
il me semble que le vélo n’a jamais été aussi vilipendé ces temps derniers alors même que le monde cycliste s’ingénie à trouver des raisons d’espérer un mieux-être. Or c’est justement l’inverse qui se produit: des automobilistes sûrs de leur bon droit, dominateurs, agressifs, toujours plus irascibles comme s’ils cherchaient un succédané sur la route à leur rancoeur contre le sort. Le sort ?!
Oui je veux parler des contre-performances du monde automobile, la fin programmée de l’automobile thermique source d’une grande incertitude, les interdits en tous genres qui se dressent en ville, la répression accentuée des excès.
A cela les pouvoirs publics participent en dressant des contre-feux comme des stop imbéciles à tous les coins de rue, des feux dits pédagogiques, des ronds-points périphériques … autant de mesures qui sapent la pratique du vélo.
▶️ Un vélo est fait pour rouler et se croiser sans s’arrêter, sans stop, sans feux et sans ronds-points. Le mal est là. Il sera très difficile de revenir en arrière.
Ne soyons donc pas étonnés si le code de la rue devient si lointain dans son acceptation du code de la route auquel s’accrochent becs et ongles les automobilistes.