Cet essai traite des voyages, ou plutôt du tourisme, comme d’un prédateur engendré par le capitalisme. Tout doit être exploité, monnayé, tout est à mon service.
Si les transports sont au coeur du problème on ne saurait s’y arrêter. Le tourisme est un bien toxique qui s’alimente par la mode, le mimétisme, et l’angoisse qui nous saisit. Pour l’auteur nous sommes déjà dans le « stress pré-traumatique », c’est pourquoi nous fuyons dans tous les sens.
▶️ Lisant cet opuscule je me suis crue dans la merveilleuse exposition Faut-il voyager pour être heureux ? février 2023.
L’auteur déplore la confusion entre « niveau de vie » et « qualité de vie », plaidant pour que la vie soit plaisante ici, là où nous sommes. Il souhaite la fin des « vacances » obligatoires (« vous ne partez pas ? »). Il nous dépeint le tourisme comme une fuite des lieux où nous ne sommes pas bien.
Une écologie poétique
Aimons nos lieux et défendons-les, insiste-t-il. Il s’agit pour lui d’une écologie poétique et méditative, venant s’ajouter à l’écologie politique et scientifique. L’écologie ne doit plus être comptable et normative, gestionnaire et technophile, «incapable d’aborder la source des problèmes et ne voulant rien changer aux finalités de la civilisation marchande». Sortir de la société de consommation est indispensable, ajoute-t-il.
▶️ La France est remplie d’écologistes. Une histoire de l’écologie dans la vie politique française. Une histoire du rien … Mai 2024.
Il faut des changements radicaux qui pourtant ne nous seraient pas imposés. Pour cela mieux vaut agir à la source, par exemple limiter d’office la puissance des voitures, plutôt que de contrôler et punir. Ce faisant cela réduirait l’image de la performance et du prestige.
Notre société est-elle devenue invivable, se demande-t-il ? La société de la consommation est en effet une société de la production et de la déjection.
Tourisme ou voyage ?
Pour autant il distingue le voyage du tourisme. Le tourisme est destructeur, le voyage est une reconquête de soi, un surplus d’être, un retour au secret de la vie. Voyager c’est faire un retour au réel, c’est intensifier nos relations au monde. « Nous devons retrouver le monde dans l’engagement simultané de la conscience et du corps », et devons cesser de tout vouloir commander. Laissons parfois la nature se débrouiller seule.
Voyager c’est découvrir la profondeur des territoires. Non seulement est-ce une manière de se réaliser soi-même, mais voyager alentour est aussi un acte (…) d’extension vers l’universel, une manière de trouver des lieux et d’établir des liens, une voie pour s’isoler et se rassembler.
Est-ce que vous n’y retrouvez pas les grands voyages du Moyen-âge ?
Amis cyclistes, et vous, comment roulez-vous ?
En touriste pressé les yeux sur le compteur, en client d’une agence vous retirant toute initiative, ou en voyageur attentif et disponible ?
Roulez-vous en touristes prédateurs ou en voyageurs ?
Peut-on voyager encore ? Réflexions pour se rapprocher du monde
Rodolphe Christin
Éditions Ecosociété, janvier 2025
93 p. 12 €
En librairie le 7 mars 2025
Rodolphe Christin est sociologue et essayiste. Fréquemment sollicité sur les enjeux liés au tourisme et au voyage, il est notamment l’auteur de Le travail, et après ? (avec Jean-Christophe Giuliani, Philippe Godard et Bernard Legros, 2017), Manuel de l’antitourisme (2017) et de La vraie vie est ici (2020), tous publiés chez Écosociété.
Observer le tourisme pour l’analyser sans complaisance et penser ses horizons conduit à ausculter le cœur même de l’existence de nos sociétés. Le tourisme, davantage que maintes autres manifestations économiques et sociales, exprime notre rapport au monde, ses débordements comme ses manques.
L’éditeur
« Le tourisme est une industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux ». (Jean Mistler).
Moi j’aime bien ce constat.
Dans le genre il y a pas mal de planches de Reiser qui montraient le mimétisme qui prévaut dans les choix de point de chutes touristiques.