De nombreux exemples de par le monde semblent montrer que les systèmes de location de vélos par bornes (type vélib’), financés par les pouvoirs publics, sont déjà radicalement dépassés. Les applications permettent un service beaucoup moins cher et tout aussi efficace. Leur force de frappe commerciale est énorme, et l’envahissement de l’espace public incontrôlable et imminent.
Les nouvelles technologies sont à l’origine de plusieurs nouveaux services. Certaines méritent une attention particulière en raison de leurs conséquences qui pourront être considérables pour le « vélo-écosystème ». Voici quelques exemples :
- Citiz propose depuis quelques semaines une nouvelle génération d’autopartage à Bordeaux, Strasbourg et Toulouse. Plusieurs dizaines de voitures, appelées Yea, en libre-service 24h/24, sont accessibles sans réservation, à l’aide d’une appli mobile, et peuvent être stationnées n’importe où dans un périmètre identifié.
- A partir de l’été prochain il sera possible de trouver à Amsterdam un scooter électrique en libre service dans un périmètre donné grâce à Felyx, une simple application créée par une startup. Son objectif est la mise à disposition de 216 scooters. Des systèmes similaires existent déjà Berlin, Bruxelles et San Francisco.
- En 2015 une startup danoise avait mis en place AirDonkey, un vélopartage pour particuliers. Ce système, qualifié d’Uber du vélo, fonctionne grâce à un verrouillage électronique qui peut être géolocalisé et commandé par une application mobile. AirDonkey soutient qu’une flotte d’une douzaine de vélos serait aussi rentable qu’un emploi à temps plein » (Novae). AirDonkey souhaite se développer dans toutes les grandes villes européennes, américaines et même australiennes. La ville d’Amsterdam a d’ailleurs vu débarquer récemment 360 vélos non géolocalisables, éparpillés en petits groupes de 2 à 4. Elle commence déjà à tousser vis à vis de cette occupation imprévue du domaine public, d’autant qu’elle a déjà subi, en novembre 2016, l’arrivée de 300 vélos électriques d’Urbee (qui en plus pense aller jusqu’à 1500).
Ces différents moyens de déplacement en libre service connecté offrent au moins deux avantages essentiels :
- La facilité d’utilisation que représente l’absence des stations obligatoires pour la fin d’un trajet;
- L’économie notable pour la collectivité puisque les exemples cités sont financés entièrement par l’initiative privée (à l’exception de la coopérative Citiz qui bénéficie « d’une part subvention publique relativement faible »).
Ils peuvent avoir aussi un gros inconvénient : l’envahissement non contrôlé de l’espace public.
Un risque pour les VLS classiques ? Zut, raconte !
Le système de vélopartage chinois ofo fonctionne avec la même facilité (réservation et commande de la serrure par appli mobile, possibilité de le garer n’importe où après utilisation). ofo (nom choisi pour ses trois lettres qui ressemblent à un vélo) a ouvert en février dernier une première brèche en Europe avec un objectif de 500 vélos à Cambridge.
Peut-être parlerons-nous bientôt d’un débarquement, ou du péril jaune, parce que :
- ofo gère déjà quelques 250 000 de vélos jaunes dans le monde.
- La deuxième société chinoise Yobike a vite suivi au début de ce mois, également en Angleterre (Bristol), avec le même objectif de 500 vélos (jaunes) pour commencer. Ses vélos sont entretenus, grâce à l’intermédiaire d’un organisme d’aide sociale, par des prisonniers qui peuvent ainsi obtenir un certificat de réparateur de vélos.
- ofo et Yobike ne cachent pas leur appétit pour le marché européen.
Et ce n’est pas tout ….
- Mobike, un autre géant qui a inondé 18 villes chinoises en moins d’une année (un million de nouveaux vélos en partage !), a également des ambitions pour l’Europe.
- Les autorités chinoises confisquent par milliers les vélos partagés qui encombrent les espaces publics ….
Pour terminer par un mot à la mode : la robustesse.
Quelle sera la robustesse des systèmes de VLS classiques ????
Comment résisteront-ils, sachant que ces nouvelles solutions ne coûtent rien à la collectivité et que le coût pour les usagers peut être moins élevé?
A titre d’exemple la comparaison du site de Yobike à Bristol avec le site actuel du Vélib’ parisien donne l’avantage à Yobike :
- Un Yobike pour une journée (24 h) coûte 5,8 € contre 187,70 € pour un Vélib (qui précise que ce système est surtout fait pour des locations de courte durée).
- L’abonnement annuel qui coûte 45 € chez Yobike permet de le pédaler pendant deux heures par jour. L’abonnement annuel du Vélib coûte 29 € pour un pédalage gratuit d’une demi heure par session, mais si l’on veut le garder pendant deux heures cela coûte 7 €. Vous pouvez faire le calcul pour l’année….
JCDecaux a peut-être eu de la chance de perdre le marché parisien … mais la question reste entière : jusqu’où devons-nous soutenir les VLS, même « classiques » ?
—Sources—
Citiz : http://yea.citiz.coop/
Felyx : http://felyx.nl/?normalHomePage=true
AirDonkey :
https://novae.ca/2015/09/une-start-up-danoise-invente-luber-du-velo/
https://www.kickstarter.com/projects/2084861579/airdonkey-join-the-bike-sharing-revolution?lang=fr
http://www.parool.nl/amsterdam/stadsdeel-west-wil-deelfietsen-donkey-republic-wegknippen~a4496080/
Mobike :
http://www.bikebiz.com/news/read/chinese-bike-sharing-company-to-drop-500-bicycles-in-cambridge/020791#after-ad
https://www.ovmagazine.nl/2017/05/chinese-yobike-gelanceerd-in-bristol-2012/
https://www.theguardian.com/cities/2017/mar/22/bike-wars-dockless-china-millions-bicycles-hangzhou
Urbee :
http://www.dutchcowboys.nl/technology/urbee-elektrische-deelfiets-in-amsterdam-voor-minder-co2-uitstoot
Les commerçants de Bristol : http://www.bristolshoppingquarter.co.uk/offers-and-whats-on/whats-on/2017/5/11/yobike-bring-bike-sharing-scheme-to-bristol-a4780
Bataille entre Mobike et ofo : https://www.youtube.com/watch?v=rvBg9m0hubM
—-Notes—-
- Au moment de publier nous tombons sur un tweet de Velogik qui donne à connaître cet article : En Chine, la guerre des vélos partagés est déclarée. Les Echos, 2 mai 2017. On vous le disait bien ! « Ce n’est sans doute pas de la location des vélos en soi que les sociétés tireront l’essentiel de leurs revenus. » … Pour l’instant les prix sont artificiellement bas, le temps que le marché se consolide. Grand classique des industriels : on tue l’adversaire d’abord; ensuite on gagne de l’argent.
- En complément, rappelons les projets français Veloptimo (utilisation rationnelle des garages à vélos), et Cyclohub (kiosque-relais électronique) élaborés au sein de la FING (Fondation internet nouvelle génération). Le numérique qui révèle la puissance du vélo.
- Citons aussi un projet déjà en place : Be Bike, location de vélos entre particuliers.
Si on considère ces nouvelles applications comme une forme de progrès débridé, peut-on, ou faut-t-il, le condamner? La photo numérique a mis à mort l’argentique, est-elle arrivée avec cette intention?
L’espace public se trouve envahi de vélos, après l’avoir été par les autos, le contrôler devient de plus en plus difficile, sauf si la voiture disparaît. Alors les autoroutes deviendront des voies cyclables. Mais là on est dans la fiction.
Les systèmes classiques de VLS ont été confrontés au vol et au vandalisme. Ces nouveaux systèmes vont être équipés d’électronique embarquée pour signaler leur localisation et actionner leur antivol, dont la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous. De plus, les opérateurs de VLS ont dû mettre en place des services de transport pour relocaliser les vélos depuis les bornes surchargées vers celles qui se déchargent tendanciellement.
Il est à parier que les mêmes soucis viendront limiter les profits de ces offres privées si elles se développent, et il n’est pas sûr que cela s’avère être la poule aux œufs d’or… À moins comme vous le rapportez que le modèle économique soit basé sur autre chose: intérêts financiers sur la caution, publicité sur l’application mobile voire sur le vélo, revente de données des utilisateurs, etc.
Pourquoi toutes ces usines à gaz, alors qu’il serait plus économique pour la société, selon notamment Julien Demade, dans « Les Embarras de Paris » (L’Harmattan 2015), et plus pratique pour les utilisateurs que chacun soit doté d’un vélo et que tous les habitats prévoient un garage à vélos? Je parle bien de vélos, pas d’engins électrifiés de toute sorte qui n’apportent pas les mêmes bénéfices pour la santé et qui induisent un besoin d’électricité, nucléaire entre autres…
Bonjour, merci pour cet article intéressant sur les évolutions du système VLS de par le monde. Je partage l’idée que ces systèmes doivent évoluer : si les collectivités n’y mettent plus d’argent, elles pourraient le réinvestir dans des flottes de vélos en location de longue durée, dont l’intérêt a été démontré dans la dernière étude de l’Ademe sur les services vélos.
Concernant les nouvelles offres évoquées dans l’article, on peut en effet se demander quel est leur modèle économique et l’éventuel impact pour les collectivités. Ne risque-t-on pas d’assister à ce qu’évoque l’article ci-après? http://mashable.france24.com/monde/20170119-chine-shenzhen-velos-libre-service-vandalisme
Je rejoins les craintes de Lomig sur le vandalisme, et j’ajoute celle de l’entretien (pression, voilage, feins, selle…). Le service ne sera utilisé dans la durée que si les vélos sont fiables et bien entretenus. Qui entretient? Qui contrôle? A quelle fréquence et pour quel coût? Oui les applis et systèmes connectés peuvent faire émerger une nouvelle génération de VLS mais leurs promoteurs ont tendance à vivre dans le cloud…