Paul Maerky, 1897-1924 Souvenirs de la grande route

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Un portrait de la France rurale et provinciale d’avant les bouleversements de la guerre de 14.
Ses 25 ans de voyages à bicyclette à travers notre pays permettent à l’auteur de nous restituer une France encore très proche, que nous avions pourtant oubliée …

Voici un livre que j’ai adoré. Ce n’est pas un livre de récits de voyage, qui pourrait être intéressant s’il était écrit avec art, c’est un livre de souvenirs, écrit avec art.

Ce livre décrit la France d’avant le basculement de la grande guerre, telle que l’a parcourue l’auteur, et son épouse, pendant 25 ans chaque été. Classés par chapitres on y découvre ce qu’étaient les métiers de la route, rouliers, commis voyageurs, globe-trotteurs1 Globe-trotteur, un métier disparu, parfois retrouvé : Jason, à vélo, et avec son chien, sillonne les routes pour vendre ses cartes postales. Actu-Le Mans, 3 décembre 22. et autres, comment fonctionnaient les hôtels, comment vivaient les « Romanichels », ce à quoi étaient dévoués les « pandores » et les douaniers… puisque le couple vit à Genève. Sont décrits de nombreux métiers alors omni-présents qui ont sombré dans l’oubli, comme les attelages les plus divers. Les caractéristiques régionales sont montrées, coutumes ou bâti par exemple. Un tropisme amène souvent le couple en Bretagne, où fêtes, maisons, coutumes et costumes sont tout à fait particuliers. 

On se délectera aussi avec le dernier chapitre décrivant la vie sur et à côté des canaux, dont les chemins de halage « ne sont accessibles qu’aux seuls cyclistes ». Epoque bénie, que nous sommes peut-être en train de retrouver… En effet la dernière phrase du livre, écrite en 1932, nous alerte sur le fait que, pour l’auteur, le règne de la bicyclette est fini, du moins  » en tant que moyen de transport pour les longues distances »… alors que nous multiplions les véloroutes passant sur les chemins de halage.

Le livre est écrit dans une belle langue, fluide et simple, avec souvent des phrases plus longues que nous ne les formons aujourd’hui, si parfaitement construites que c’en est un plaisir. Les distances parcourues elles aussi sont remarquables. Avec des machines bien loin de notre sophistication et des routes en terre (les communales mieux entretenues que les routes nationales) la distance de 150 km dans la journée est monnaie courante, alors même que les deux protagonistes ne sont pas du tout des sportifs. 

Ce livre est une réédition par les éditions Artisans-voyageurs sur la proposition de Philippe Orgebin, le spécialiste des ouvrages anciens de voyage à vélo. Deux regrets, d’ailleurs partagés, concernent d’abord les fautes de ponctuation trop fréquentes. Ni Philippe ni moi n’avons vérifié ce qu’il en était dans le texte de départ, mais de toutes façons cela n’est pas une excuse. L’autre regret c’est que les photos soient publiées à la taille de l’époque, c’est à dire très petites. 

Cela nuit un peu, un peu seulement, à la lecture d’un texte extrêmement agréable, très factuel, ne provoquant pas le moindre ennui, et vraiment intéressant sur ce qu’il nous montre. Deux guerres après et notre monde a radicalement changé, tout en lui restant très proche… Sans doute sommes-nous en train de retrouver certaines de ses pratiques… Un livre à lire et à offrir sans hésiter. 

Paul Maerky
1897-1924 Souvenirs de la grande route

Editions Artisans-Voyageurs, collection Les Vélocipédiques

163 pages, seconde édition, février 2020.

14 euros + port

Présentation dans la Biblio-cycles.

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Monique
1 année

Pourquoi est-on heureux en refermant ce livre ? Parce la façon dont l’auteur voyage, ouvert à tout, bienveillant, sans préjugés sur qui que ce soit, sportif de fait sans fanfaronner, rend espoir en l’humanité (pour peu qu’on ait commencé à douter… ). Voilà un type, apparemment sans souci financier, qui chaque année embarque sa femme (bon, c’est lui qui décide, nous sommes au début du XXe siècle…) pour un long périple à vélo, depuis Genève, à travers la France. Plus de 100 kilomètres quotidiens — on se demande comment se débrouille Madame avec ses robes jusqu’aux chevilles… apparemment bien ! —, et improvisation totale pour les hébergements d’étape : les deux comparses se fient aux rencontres, et cela leur réussit toujours ou presque. En cas de mauvaises rencontres (exceptionnelles), chacun a son petit revolver à portée de main : le montrer suffit (à l’époque) à désamorcer les menaces. Autre étonnement, le vin est généreusement dégusté à l’occasion des repas à l’auberge, où les voyageurs s’attablent volontiers ensemble pour partager leurs aventures.
📝 On attend avec impatience des « Souvenirs de la grande route » des années 2020 écrits par Isabelle ! 🕊

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