Bien aménagés les carrefours seraient bien plus sûrs pour les cyclistes

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Dans sa première partie (Pourquoi les cyclistes ont-ils tant d’accidents mortels ?) Hans Kremers a souligné la fréquence des accidents graves de vélo en France et en a présenté les différentes causes. 
Dans cette seconde partie il nous montre que si on les aménageait avec soin, les  carrefours et rond-points se transformeraient en espaces fluides et sans grand danger.


Transformer de simples carrefours en giratoires

Les Néerlandais ont fait le choix de transformer de simples carrefours en giratoires, pour la sécurité des cyclistes, partant du principe que les points de conflits potentiels sont moins nombreux dans un giratoire que dans une intersection. L’évaluation des carrefours sans aménagement cyclable transformés en giratoires avec bande cyclable montre en effet une baisse de 54 % d’accidents à vélo et à vélomoteurs. Cette baisse atteint les 100 % pour les giratoires avec pistes cyclables séparées1Rotondes en andere kruispunten. SWOV-factsheet, juni 2022.

Du grand carrefour à 4 voies au rond-point les points de conflit passent de 24 à 4. 2Et encore ce graphe ne tient-il pas compte des piétons.
  • Nos faux rond-points « à la néerlandaise » sont loin d’avoir les effets attendus.
  • L’essentiel tient dans le soin apporté aux marquages au sol et de la compréhension de leur utilité.

Des intersections « à la hollandaise », ou « à la néerlandaise ?? »

Depuis quelques années des demandes croissantes sont formulées pour aménager des carrefours et giratoires à la hollandaise/néerlandaise3Rayer « hollandaise » qui ne concerne qu’une région du pays … . Les Anglais ont eu leur premier « Dutch roundabout » à Cambridge en 2020, l’ADTC (la FUB allemande) et le Radlobby autrichien recommandent aussi l’exemple néerlandais. En France c’est l’association Paris en Selle, en 2019, qui a attiré l’attention vers les solutions néerlandaises4GUIDE DES AMENAGEMENTS CYCLABLES. PARIS EN SELLE. 2019. Depuis 2021 le Cerema recommande ce type de giratoire sans même mentionner son origine58 recommandations pour réussir votre piste cyclable. Cerema. 2021.

Alors pourquoi cet engouement ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’aménagements conçus pour tous les usagers de la route, y compris les cyclistes. Trois principes essentiels sont appliqués dans les giratoires néerlandais pour offrir un compromis en matière de sécurité, de confort et de fluidité aux cyclistes :

  1. La co-visibilité des usagers, indispensable pour la sécurité les cyclistes, grâce à une distance de 5 à 6 mètres entre la piste cyclable et la chaussée, la piste suivant le cercle de l’anneau automobile. Le Fietsersbond (la FUB néerlandaise) préfère les pistes unidirectionnelles aux pistes bidirectionnelles.
  2. La priorité à la piste cyclable qui ceinture le giratoire : en règle générale les cyclistes sont prioritaires dans les giratoires en agglomération, par contre ils perdent cette priorité hors agglomération. Le premier giratoire des Pays-Bas qui donne la priorité aux cyclistes date de 1991 (ville d’Enschede). La priorité des cyclistes dans l’anneau évite la situation étrange des piétons prioritaires et des cyclistes à côté qui doivent céder le passage.
  3. La lisibilité uniforme du marquage des traversées, qui fait partie de la sécurisation des cyclistes.
Giratoire à la française, « inspiré » de celui des Pays-Bas : une différence majeure.

Vraiment à la néerlandaise ?  Eh non !

La recommandation d’aménagement du Cerema et la réalité des aménagements des giratoires néerlandais sont similaires quant à la distance pour la co-visibilité et à la priorité à la piste cyclable. Par contre la qualité des marquages des traversées n’est pas comparable. 

La lisibilité de toutes les traversées des cyclistes (giratoires, carrefours, routes …) est un élément essentiel pour la sécurité des cyclistes.
Une comparaison de tous les outils de marquage disponibles dans les deux pays pour ces traversées permet de constater que par rapport à la France, les Pays-Bas disposent d’un outil supplémentaire : le marquage bilatéral. En outre ce marquage est différent selon que les traversées soient prioritaires ou non prioritaires. Par ailleurs les traversées prioritaires sont généralement identifiées avec un revêtement rouge. Marquage bilatéral et couleur apportent un plus indéniable pour la sécurité, d’une part par la meilleure lisibilité de la traversée des cyclistes pour les automobilistes et, d’autre part, par l’effet de canalisation des cyclistes. 

Les différents outils de marquage pour les traversées cyclistes, en France et aux Pays-Bas.

Le marquage des traversées pour les pistes cyclables en France se limite en théorie aux figurines cyclistes avec ou sans double chevrons. La réalité du terrain est cependant moins simple. Les quelques photos des traversées des pistes cyclables montrées ci-dessous montrent de manière non exhaustive des situations très hétérogènes allant de l’absence de toute matérialisation aux différents marquages bilatéraux. 

En France chacun invente sa propre solution…

Ces efforts de marquage traduisent la volonté locale de rendre les traversées plus visibles. Il s’agit d’initiatives louables qui posent néanmoins une interrogation de fond : 

Est-ce que le marquage des traversées pour les cyclistes
peut dépendre du bon vouloir des services locaux

et de leurs inspirations graphiques variables ? 


Pour compléter la comparaison, voici les outils de marquage des traversées prioritaires et non prioritaires aux Pays-Bas.  

Conclusion

Toutes les améliorations possibles en faveur de la sécurité des cyclistes doivent être mises en œuvre dans les meilleurs délais. En ce qui concerne les traversées des cyclistes (carrefours, giratoires, chaussée en section courante), le Cerema recommande l’utilisation de pictogrammes mais seulement pour les traversées prioritaires. « Dans le cas où la piste n’est pas prioritaire, il est recommandé de ne pas matérialiser la traversée, afin de ne pas donner un sentiment de sécurité aux cyclistes. »6Cerema. Fiche Vélo n°07. Les pistes cyclables. 2013 

LA question essentielle qui se pose ici est celle-ci :

Faut-il éviter aux cyclistes un sentiment de sécurité
ou est-il préférable de prévenir les automobilistes en leur donnant
une meilleure lisibilité des traversées des cyclistes ? 

Je pense que le temps est venu d’affirmer clairement les priorités des cyclistes en agglomération et d’aller vers un marquage plus fort des traversées à l’aide de lignes bilatérales discontinues. Etant donné que les outils réglementaires de marquage disponibles en France ne le permettent pas, cela signifie qu’il est nécessaire d’inventer des nouvelles lignes, identiques ou non pour les traversées prioritaires et non prioritaires.

Les solutions graphiques locales sont ici à prendre en compte
puisque les bonnes pratiques viennent parfois de là.

Cela doit être faisable d’introduire des nouveautés dans la signalisation routière puisque les Allemands l’ont fait en introduisant en 2020 les triangles néerlandais (les « dents de requin ») pour renforcer le marquage du cédez-le-passage.

Il est souhaitable que ces lignes de marquage bilatéral dépassent le niveau des recommandations et qu’elles soient inscrites dans l’Instruction interministérielle sur la signalisation routière (ISSR). En effet :

Le sujet de la qualité des traversées des cyclistes nécessite
un seul traitement uniforme et clair
pour tout le pays
au lieu de la grande diversité actuelle dans les collectivités. 

Espérons que ce petit pavé lancé dans la Ceremare fera rapidement bouger les lignes en faveur de la sécurité des cyclistes.

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Alexandre
1 année

La gestion des carrefours en France est une vraie galerie des horreurs… Chacun y va de son aménagement, alors que les Néerlandais font ça très bien depuis des décennies… Exemple emblématique au sud de Nantes avec l’axe Nord-Sud vélo. La métropole a ajouté des bordures en petits pavés plats en travers de la piste, le long de la voie voiture qui permet de la traverser. Or, comme il n’y a pas de signalisation, d’après le code de la route les cyclistes sont prioritaires dans les deux sens (puisque c’est l’automobiliste qui change de direction et traverse la voie cyclable). Comment voulez-vous que les conducteurs comprennent que les cyclistes sont prioritaires alors que la bordure est posée en travers de la piste cyclable ?
Vous remarquerez aussi le petit panneau bleu, création de Nantes métropole, censé indiquer la priorité des cyclistes (mais sans indiquer que cette priorité concerne les deux sens de circulation pour la piste cyclable). Pas sûr que les automobilistes aient le temps de voir le panneau, et surtout, de comprendre ce qu’il veut dire.
Quand j’ai demandé aux services de la métropole pourquoi ils avaient fait ça, il m’ont répondu : « les cyclistes roulaient trop vite, il y avait des risques d’accidents »…
Ça rappelle également les pistes cyclables aménagées parallèlement à une route prioritaire mais qui doivent systématiquement céder la priorité aux rues/routes sécantes. C’est ridicule, certains cyclistes en arrivent à rester sur la route pour éviter de devoir s’arrêter tous les 200 mètres.

marmotte27
1 année
En réponse à  Alexandre

Différence entre Les Pays-Bas et la France ? Les Pays-Bas ont décidé (il y a plusieurs décennies de cela) de privilégier le vélo, la France privilégie toujours la voiture.

1 année

Il est avéré que les élus ont la charge d’inverser les priorités en les donnant aux cyclistes surtout sur les grands axes cyclables. Or ils ne le font pas, pourquoi? Parce qu’ils sont comptables des doléances de leurs électeurs qui revendiquent des priorités pour leur voiture et ainsi se protéger d’un éventuel accident. Cette culture pro-voiture cause un grave préjudice à notre cause. Évidemment l’exemple néerlandais donne une image brouillonne de notre façon d’aborder la question de l’essor du vélo. Oui bien sûr il faut une direction du vélo nationale qui donne du sens aux préconisations. Pas que sur les giratoires.

Adrien
1 année

Je suis d’accord avec tout cela, mais pour faire de tels aménagements dans un giratoire il faut de la place qu’on n’a souvent pas. Ici, à Besançon et alentours, je connais très peu de giratoires autour desquels on pourrait faire cela. J’en vois juste un à Besançon, qui est énorme, et qui pourrait être équipé de cette manière en réduisant la taille de l’anneau automobile et donc de l’espace vert central. Pour le reste, il faudrait démolir des bâtiments ou construire des ponts autour…

Très intéressante est la question des marquages des traversées cyclistes. C’est vrai qu’en France on a une panoplie de tout et n’importe quoi. Mais il y en a une qui est bien plus courante que toutes celles que vous avez mises en photo : la traversée cyclistes sur un passage piéton classique comme seul et unique marquage. Il y en a hélas partout, et ça n’a aucun sens (un cycliste qui voudrait respecter strictement le code de la route serait obligé de descendre de son vélo).

Olivier
11 mois

L’article est intéressant. Je suis d’accord pour avoir des marquages non ambiguës avec le moins d’interprétation possible pour les différents utilisateurs de la voirie et avec les mêmes règles sur tout le territoire français et surtout éviter cette débauche de peinture (souvent verte, parfois bleue ou rouge) dans les traversées cyclables et mêmes sur les bandes et pistes cyclables qui peut se révéler glissante par temps de pluie avec les changements de direction du vélo. La qualité de peinture sur des surfaces importantes semble être difficile à réaliser : effacement, régularité du saupoudrage des charges antidérapantes.

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