Deux dosettes de vélo pour une marée de prolongation de l’automobile.
Malgré le titre, on n’a pas beaucoup parlé de cyclistes ou de piétons. A l’occasion du Comité interministériel de la sécurité routière, le 9 janvier 2018, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures censées faire baisser la mortalité sur les routes. Car la route est la première cause de mortalité en France, on le sait plus ou moins, et encore n’y met-on pas les ravages de la sédentarité. On y arrive.
N’empêche ça craint. 105 personnes ont perdu la vie sur les routes de France pendant les dernières fêtes. 72 000 personnes sont blessées par accident de la route chaque année, dont 25 000 graves qui resteront handicapées à vie, et qui coûtent. On va donc continuer à utiliser l’automobile et la moto, ainsi que je le vois dans le dossier de presse.
55% des morts de la route ont lieu sur les simples routes à deux voies, et c’est la vitesse, comme on peut s’en douter, qui provoque le plus d’accidents. L’alcool (19% des décès) et les drogues (9%) c’est pas mal non plus. Au total la route est pourtant moins dangereuse qu’avant, même si c’est un véritable carnage : elle fait cependant 5 fois moins d’accidents que les appareils domestiques ou la maison.
Les accidents domestiques avaient fait 20 000 morts par an, soit 2 accidents domestiques par heure, selon les estimations de l’Anah (Agence Nationale de l’Habitat) pour 2012 rapportées par le site APRIL. 5 fois plus que la route et 20 fois plus que le travail. Ces chiffres sont les mêmes que ceux publiés par Wikipedia, qui précise: « Parmi les accidents de la vie courante, on compte également des accidents survenus à l’extérieur (magasin, trottoir, etc.), les accidents scolaires, les accidents de sport, les accidents de vacances et de loisirs. En sont exclus les accidents de la route, les accidents du travail et les suicides. » Les 2/3 concernent des gens de plus de 70 ans, donc on s’en fout? Entre accident et mort il y a, bien souvent, vitesse.
La sécurité routière c’est pour continuer à rouler autant qu’on veut en voiture
Pour remédier à ce carnage accepté on va faire signer un engagement à la prudence et au respect d’autrui aux nouveaux titulaires du permis, et on trouvera un moyen de récompenser moralement les gens qui conduisent de façon exemplaire. On va baisser la vitesse autorisée de 90 à 80 km/h sur les fameuses routes à double sens sans séparateur, et publier la carte des radars automatiques. On va épargner le retrait du permis à ceux qui ont perdu tous leurs points en les obligeant à utiliser une auto équipée de contrôleur électronique de vitesse. Il y aura aussi des mesures contre l’alcool au volant, la tenue en main d’un téléphone quand on conduit. On devrait envoyer directement à la fourrière la voiture du cinglé qui conduit sous drogue, alcool, ou sans permis.
En tout une vingtaine de mesures dont l’énorme majorité concerne l’automobile. On nous refait le coup de « Tous pour la sécurité« , bien que certains soient plus coupables que d’autres. On n’est pas encore proche de la vélorution, ni de la fin de la pollution…
Les vraies victimes, ce sont les piétons et les cyclistes
Cependant parmi leurs victimes innocentes, il y a d’abord les piétons âgés, les jeunes et les gosses. Ça nous fait 559 piétons tués en France en 2016, soit 91 de plus qu’en 2015, pour 67 millions d’habitants. Alors d’ici 2018 ou 2019 on va dégager les abords des passages piétonniers, augmenter les sanctions pour non-respect des passages piétons, etc. Rien de structurellement fort, n’est-ce pas ?
Bon, on verra, mais c’est vrai qu’à ce que je vois, les accidents graves ont lieu majoritairement sans infraction d’aucune sorte de la part des piétons ou des cyclistes. Comme c’est la police qui le dit, ça a des chances d’être vrai. Parce que la tendance à penser spontanément que le cycliste ou le piéton a « brulé le feu » est forte parmi les témoins comme parmi les forces de police. Ne critiquez pas ma déclaration avant de vérifier, merci.
2% du trafic pour 21% des morts
Notez d’ailleurs que parmi les tués il y a pire, c’est une corporation qui représente 2% du trafic motorisé, 21% des morts et 44% des accidents graves. 688 tués en un an. Proportionnellement vous voyez où se trouve le potentiel de « gain en vies », c’est chez les motards. Il se trouve qu’on ne peut quand même pas interdire totalement aux vieux et aux enfants d’aller à pied. Pour la moto on pourrait parfaitement en interdire l’usage, ça économiserait pas mal de morts, mais c’est une autre affaire, vous n’y pensez pas.
Revenons aux cyclistes, et à leurs casques
La direction de la sécurité routière ne nous dit rien cette fois-ci de leurs accidents, mais nous informe que les adultes en train d’acheter ou de louer un vélo se verront administrer (ou proposer?) une sensibilisation à son bon usage.
C’est plutôt une bonne idée, mais la suite, hé hé, il fallait bien s’y attendre, on va encore tenter de faire des études scientifiques sur les avantages (et peut-être inconvénients, M. Barbe?) des casques, notamment pliables ou sous forme de bandeau, et sur leurs effets lors d’un accident.
Sur les accidents de cyclistes on peut revenir à l’article Le casque n’est plus un sujet, l’insécurité routière, si !, dans lequel vous verrez les souhaits de la Fub et divers liens.
Vu comme ça on est pas sortis de la panade, car il faudrait aussi se pencher sur l’influence de ces accessoires sur le comportement du cycliste, et lancer des études à chaque fois qu’on sort un nouvel équipement.
Rappelons en passant que la Fub (Fédération des usagers de la bicyclette) avait calculé que l’obligation à tous épargnerait 5 vies par an.
Là-dessus je ne peux que vous inviter à relire et apprendre par coeur la synthèse que j’avais écrite à la demande de Elles font du vélo, et que j’ai ensuite mis ici : Casque sur enfants : les avis.
Pour les accidents, c’est une bonne idée que d’apprendre aux gens à passer les grand-places dangereuses… et à se comporter dans la jungle.
Et enfin voici le plat tant attendu, le vélo à l’école primaire
A l’école on apprendra désormais à aller à vélo. La Fub s’en félicite, elle l’avait demandé pendant les deux campagnes électorales de l’an dernier et avait eu de bons résultats dans sa quête de promesses. Pour elle ce n’est pas tant une question de sécurité routière que de remise en mouvement. C’est la lutte contre la sédentarité, et de ce point de vue c’est peut-être moins une question de sécurité que de reprise du goût de faire.
Pourquoi alors en parle-t-on dans un comité de sécurité routière, se demande-t-elle. J’ai mon idée. C’est parce que les décisions de sécurité routière se prennent sans demander l’avis du parlement ! C’est d’ailleurs aussi le problème du code de la route, comme mes anciens lecteurs l’ont encore en tête.
J’y tiens beaucoup. Lisez cet article, Vélo et droit, un couple mal assorti
De toutes façons la Fub n’est pas au bout de ses peines, car il ne faudrait pas que cet apprentissage soit théorique ! Il doit amener à ce que les enfants aillent en classe à vélo.
Alors, mesdames et messieurs les maires, à vos pistes et garages. Sinon, cet apprentissage, c’est comme gonfler une chambre à air percée, et décevoir une fois de plus nos enfants.
—Illustration—
Dans le journal Aujourd’hui en France. A titre d’exemple.
Les cyclistes comme nous applaudissent cette décision d’introduire l’apprentissage du déplacement à vélo à l’école primaire, mais qui va assurer la formation, et que va-t-il être enseigné à nos enfants ?
S’il s’agit de leur inculquer qu’il est dangereux et pénible de se déplacer à vélo parce qu’il faut respecter les règles mais que les autres ne les respectent pas – les enfants détestent ce genre de contradiction -, ça ne le fera pas et il me faudra démonter les préceptes malsains appris à l’école. Papa cycliste fera davantage autorité que des instructeurs perroquets que quelques questions pertinentes pourraient mettre en difficulté.
S’il s’agit de leur apprendre qu’à vélo il faut simplement respecter les piétons et les priorités des autres, qu’on peut aller vite et partout et comment on se protège contre les problèmes qu’on peut rencontrer, par exemple le vol, une crevaison ou des soucis techniques (maintenance), alors oui !
Une approche équilibrée pourrait être d’envisager la première option jusqu’à 8 ans, pour ensuite basculer sur la seconde lorsque nos petits chéris doivent apprendre à circuler hors des trottoirs et se retrouvent confrontés à une réalité de la circulation beaucoup moins bienveillante que ce qu’on a pu leur laisser croire.
> La route est la première cause de mortalité en France ? Ça dépend de comment on compte. Par exemple, le tabac et l’alcool provoquent la mort prématurée de 120.000 personnes chaque année en France. On n’a pourtant pas entendu les écologistes exiger l’interdiction de ces deux substances. Pourquoi ?
> Interdire l’usage de la moto? Au pays de Peugeot, hors de question.
> Fin du pétrole? Avec 98% du transport qui carbure au pétrole, le pic, c’est déjà problématique (lien vers vidéo).
Oui. Première cause de mortalité par accident.
L’accident de Millas est-il une conséquence de la non-politique cyclable française (aussi, partiellement) ?
Si j’ai bien compris, les élèves, collégiens, donc entre 11 et 15 ans, rentraient en car du collège de Millas à Saint-Féliu d’Amont et Saint-Féliu d’Aval; des distances de 3,5 et 6km, dans la campagne autour de Perpignan, zones plates du sud de la France avec météo favorable.
Qu’est-ce qui justifie que ces enfants n’aillent pas au collège à vélo? A cet âge, le vélo, c’est le début de l’apprentissage de l’autonomie.
C’est une vraie question que je me pose. Les Néerlandais ont-ils des transports scolaires par car?
Entièrement d’accord. J’ai eu la même réflexion. Quelqu’un osera-t-il aborder cette question dans le village?
En ligne droite : 3,5 km jusqu’à Saint-Féliu d’Aval, le plus distant. Plan en lien dans ma signature. Chemins ruraux existants, jonctions à créer.
Cette remarque est essentielle. La « Sécurité routiére » se fait contre les intérets des enfants.
Une fois nos chères têtes blondes, brunes ou rousses déclarées aptes à circuler à vélo, va-t-on les lâcher dans des rues non adaptées, parfois aménagées mais souvent avec des « ruptures », au milieu d’automobilistes inattentifs ? Continuera-t-on à voir, près, voire devant, des écoles, des parents automobilistes stationnés là où ils n’ont rien à faire ? Et si certains de ces néo cyclistes osent se lancer, auront-ils des parcs vélos adaptés dans leur école, collège puis lycée ?
Le bon côté des choses, c’est qu’on peut espérer former une génération à laquelle on présentera un autre schéma mental que le « tout motorisé » des 30 glorieuses dont nos dirigeants ne sont pas encore sortis.
Utiliser un vélo « ça déclasse ! », « ça fait pas bien ! ». Les à prioris ont la vie dure; les cyclistes aussi, pas pour les mêmes raisons.
Dans ces sempiternelles questions liées à la sécurité routière, je trouve curieux que la question de la puissance des véhicules ne soit pas (jamais ?) abordée. Avons-nous besoin de véhicules de plus de 100 Ch alors que les vitesses sont limitées (et vont l’être de plus en plus) ? Cela contribuerait également à diminuer les consommations et rejets polluants. L’Union Européenne impose bien des normes de pollution pour les véhicules (que les constructeurs s’empressent de contourner…) : pourquoi ne pas imposer des limites de puissance ?
Dans le même ordre d’idée on aurait pu songer à réduire la vitesse sur autoroute. Mais 130km/h ce n’est pas dangereux et ne polue pas, du moins pour certains, ceux par exemple qui encaissent les taxes sur les carburants.
Oui, limitation de puissance et limitation de poids, pour amener les constructeurs à une convergence vers des véhicules plus légers, plus économes en énergie, et très suffisants pour les déplacements quotidiens.
C’est également une très bonne thérapie pour sevrer progressivement l’Homo-Automobilis de son addiction !
La technologie pour un véhicule léger à 1 ou 2 L/100 km est disponible, mais sans signal politique fort il faudra attendre la prochaine forte tension sur le prix du baril…
Ce qui n’empêche pas, au contraire, de développer au plus vite un système vélo digne de ce nom, afin de réserver l’usage de la voiture, fut-elle légère, aux cas où elle est légitime !!
De toute façon, pour faire face à la raréfaction des ressources métalliques et énergétiques pétrolières, notre civilisation n’a plus le choix : elle doit s’adapter au plus vite et renoncer au problématique principe du « toujours plus » qui la conduit tout droit vers le chaos.
Quant à la valeur de l’asymptote de décroissance de la voiture, elle est déjà connue, ça s’appelle un vélo ! En attendant, soyez prudents !
Il existe des écoles primaires où le vélo est mis en valeur, merci aux instituteurs qui transmettent leur expérience du déplacement à vélo: les enfants vont à vélo en classe transplantée et sont heureux de le faire, accompagnés de cyclotouristes aguerris et responsables…. Il est vrai que ce sont surtout des écoles en milieu rural, avec possibilité de stationner son vélo sans difficulté.
En milieu urbain, il est évident que le problème des pistes cyclables mal protégées et du « garage à vélo » se pose trop souvent.