Voies vertes : la chaussée doit être parfaite

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La voie verte de l’Avesnois, entrée en France de la véloroute des Pélerins, a dû être reconstruite moins de 15 ans après son inauguration. En cause, la dégradation inéluctable du sol, comme pour toutes les voies en stabilisé. A l’occasion de sa seconde inauguration une matinée d’étude a fait le point sur la question.

Une rencontre sur les revêtements des voies vertes

L’inauguration, ce 28 mai 2022, de la résurrection de la voie verte de l’Avesnois a été l’occasion, deux jours avant, d’une rencontre technique sur le thème des revêtements des voies vertes. Ça a failli virer en revendication pour le territoire de la part des cavaliers. Ce fut finalement le récit d’une renaissance et, surtout, un plaidoyer pour la qualité. 

Quand vous ne faites pas de la qualité, ça ne tient pas et tout le monde le sait. L’AF3V en avait fait un axe fort de son plaidoyer lors des dernières élections présidentielles. Le cas de la voie verte de l’Avesnois, entre Maubeuge et Trélon sur une bonne trentaine de kilomètres, est à cet égard spectaculaire. 10 ans après son ouverture elle avait disparu, victime des intempéries, victime de la végétation, et victime de l’absence d’entretien. 

En stabilisé classique la voie verte tient 4 ans;
en stabilisé renforcé, 6 ans, et en enrobé 15 ans.

Les voies vertes sont des voies de circulation

Si l’on veut que nos concitoyens abandonnent l’automobile pour le vélo, il faut leur offrir le même confort et le même agrément qu’en automobile. En Avesnois comme ailleurs, les voies vertes de bonne qualité ne s’arrêtent pas au loisir, elles deviennent des voies du quotidien. Un sol solide provoque une fréquentation de 5 à 10 fois plus importante. Ainsi à Chambéry, une piste existante en stabilisé a été doublée par une piste en enrobé sur une longueur de 5 km. Le trafic s’est intégralement reporté sur la piste en enrobé et la fréquentation a été multipliée par 5. 

Argent public et préservation de l’environnement trouvent leur compte dans la qualité

De là vient la nécessité d’un sol dur et solide, premier critère d’appréciation d’une voie verte selon l’AF3V.  Cela a aussi le mérite de ne pas obliger à tout refaire après quelques saisons de pluie et de froid. Si le « goudron » (l’enrobé bitumineux) est plus cher que le sable et la chaux, s’il nécessite des travaux de soubassement autrement plus sérieux, en réalité il est sur le long terme bien moins polluant puisque ce sont les travaux qui le sont avant tout. 

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L’imperméabilisation des sols, que tout le monde regrette, est, au regard des avantages et de la surface concernée, un moindre mal, d’autant que l’on créé un léger dévers pour que l’eau s’infiltre le long de la voie. D’ailleurs, selon certaines sources, les stabilisés s’avèrent presque aussi imperméables que les enrobés (de 0,70 à 0,95).

Ce n’est pas l’enrobé qui est anti-écologique, c’est le trafic motorisé  

Sur les routes gaz d’échappement, fuites d’huiles, usure des freins et des pneus, corrosion de la carrosserie s’ajoutent au relargage de matériaux occasionnés par les chaussées (plus larges) et aux bâtiments liés au système automobile. 

Selon la revue bitume.info de septembre 2011 le bitume ne diffuse dans l’eau presque aucun produit potentiellement dangereux, restant le plus souvent en-dessous des limites de détection et toujours sous les seuils réglementaires. Le stabilisé par contre relâche des métaux lourds (contenus dans les ciments) si bien que l’on peut dire que le bilan écologique global d’une voie verte en enrobé est meilleur qu’en stabilisé. En fait ce sont même les «bétons bitumineux à l’émulsion» qui sont les meilleurs, alors que l’on n’a encore pas assez de recul sur les liants dits écologiques.
Cela ne signifie aucunement que la présence humaine ne soit pas nuisible sur les espèces menacées, et que l’on ne doit pas y prêter attention. Mais il faut aussi peser le pour et le contre.

En matière de pollution par ruissellement on a fait pire que le vélo …

Désormais la voie verte de l’Avesnois est une belle vitrine pour le département du Nord. Oui, mais …

S’il est si dangereux, pourquoi vous le laissez comme ça ?

L’intégration dans le réseau viaire : carrefours et signalisation

Vers la fin de la conférence j’interrogeais les intervenants sur le traitement de leurs intersections. Beau succès. Je disais qu’il était surprenant de faire porter aux futures victimes la responsabilité du choix du moment de traverser, et m’étonnais qu’on persiste à faire perdre la priorité à la voie verte quand il n’y a que peu de circulation. Je racontais que les gens en fauteuil ne traversaient pas ces voies trop larges et rapides, ce qui diminuait de beaucoup leur espace de détente. Ma remarque a été reprise par plusieurs participants, et Jean-Claude Degand rappela même que la voie en question avait naturellement toujours priorité lorsqu’elle était une voie de chemin de fer. 

En sortie de Maubeuge vers l’Est, attention, la signalisation est loin d’être parfaite. L’encadré du plan dans le guide Chamina joue alors un rôle précieux pour y remédier. Ensuite, pourtant bien convaincu désormais que la voie verte doit être aussi confortable qu’une route, le Département n’a pourtant pas pu revêtir une assez longue partie entre Ferrière-la-Grande et Ferrière-la-Petite, en direction de Jeumont. En cause semble-t-il, des questions de domanialité avec les propriétaires des terrains industriels en friche qui bordent la voie. 

Extrait de la carte de l’EV3 sur le site de CyclotransEurope

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Cette conférence était organisée par l’ADAV et CTE, avec le Département du Nord, et venait compléter la fête de ré-inauguration de la voie verte de l’Avesnois, le dimanche. La véloroute des Pèlerins y passe à son entrée en France, et mène jusqu’à Trélon, au nord d’Hirson. Voir la page dédiée sur le site de CTE

Petite vidéo (2 mn) sur l’ensemble de ces journées
de conférence, inauguration et parcours en groupe 

Pour en savoir plus voir le site de CyclotransEurope 

Deux articles suivent :
L’Aisne à la traîne
Charleroi en pleine expansion cyclable

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LeFred
1 année

J’attends avec impatience l’article sur l’Aisne… C’est la zone floue entre les voies vertes de la Somme et l’Oise, d’un côté, et celles de la Marne et des Ardennes, de l’autre.

promeneur
1 année

Ce qui fait la durabilité :
– l’épaisseur du macadam
– la durabilité du support : le sol. Il ne doit pas se déformer dans le temps et il faut empêcher les racines de venir soulever le macadam.
– On doit retrouver la qualité d’une route pour automobiles.

Ces 20 dernières années quantités de piste cyclables de mauvaise qualité ont été crées. A Pessac à la troisième année les déformations sont apparues, essentiellement dues à des racines. Le long du canal de Garonne à un endroit bien connu et répéré au moins depuis 2003 la berge n’est pas étanche et a infiltré le sol qui est fracturé et troué. Il faut faire attention à ne pas planter sa roue. Et bien ils ont posé du macadam sans traiter le problème ! ça n’a pas duré longtemps.

D’autre part pourquoi du macadam ? alors que :
– Le béton est moins cher
– S’il y a déformation du terrain le béton agit comme une sorte de pont et ne se déforme pas.
– Quant aux racines elle ne pourront pas le déformer.
– Aujourd’hui on sait faire du béton qui ne se dilate pas avec la chaleur donc sans besoin de joints de dilatation.

Ben
1 année
En réponse à  promeneur

C’est vrai le béton est la solution choisie sur les RAVEL côté wallon. Cela ne se déforme pas à cause des racines. Cependant le bilan carbone du béton est très mauvais et son prix est plus cher. Mais si on rapporte cela à la durée de vie du béton (infini, mais disons 100 ans) à l’enrobé (15-20 ans), le béton est moins cher et plus soutenable pour l’environnement.

promeneur
1 année

En ville il y a un vrai problème de priorité avec les pistes.
➡️ Alors qu’on longe une voie prioritaire, les vélos doivent s’arrêter pour laisser passer les voitures sur les voies croisant la voie prioritaire alors que avec une voie cyclable on serait prioritaire. Résultat à certains endroits on s’arrête trop fréquemment au stop et personne ne respecte les stops.
➡️ Et je ne parle pas des ronds points où on doit s’arrêter à chaque croisement de voie alors que si on se coule dans le flux de voiture une fois dans le rond-point on est prioritaire. Quand je le peux je quitte la piste pour me fondre dans le flot des véhicules.
▶️ Je propose la priorité suivante : piéton > vélo > automobile. Priorité au plus fragile.

Philippe Degand
1 année

Cette priorité aux piéton > vélo > automobile, c’est à dire au plus fragile, c’est le principe S.T.O.P. diffusé en Belgique par les Flamands. La priorité est accordée aux piétons (Stappen= marcher), puis aux cyclistes (Trappen= pédaler), ensuite aux transports publics (Openbaar vervoer) et enfin, aux véhicules privés (Privévervoer).
C’est aussi la priorité aux modes les moins encombrants, polluants, bruyants, chers, gourmands en énergie…

Velorution Dk
1 année

C’est assez marrant la présence de l’adav dans cet article, elle qui a validé les voies vertes de Dunkerque en pleine zone urbaine (partage piéton / cycliste/ trott / etc) et en béton rugueux avec des trous par-ci par-là.

steph
2 mois

Hangviller Sur la voie verte, les camions auront la priorité. Les élus de la communauté de communes du Pays de Phalsbourg ont validé l’utilisation de la voie verte de l’Eselbahn, à Hangviller, pour le transport annuel de 10 000 tonnes de grès d’une carrière alsacienne limitrophe de la Moselle. Aucun autre accès n’est possible pour relier la route. Le Républicain lorrain, 26 décembre2023.

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