Que deviennent les trottoirs sans les trottinettes ?

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On en a chassé les trottinettes électriques pour les mettre dans les pistes cyclables …

(1) Sécurité routière: le Conseil national veut réserver les trottoirs aux piétons, apprenait-on en novembre 2022

Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) a recommandé lundi de « définir légalement » les trottoirs comme réservés aux piétons, en réponse notamment aux risques de collision avec des vélos ou des trottinettes, a-t-on appris auprès de la sécurité routière.

Créée en 2001, mise en sommeil en 2008 puis réinstallée en 2012, cette instance de concertation et de propositions composée de 67 membres (élus, représentants de l’Etat, associations, médecins, entreprises…) est considérée comme le « parlement » de la sécurité routière.

Réuni lundi en séance plénière, le CNSR doit faire neuf recommandations au gouvernement, dont la n°7 prévoit de « définir légalement le trottoir comme étant une partie de la voie publique réservée à la circulation et à l’usage du piéton ».

L’instance veut aussi « préciser que le trottoir est physiquement séparé de la chaussée afin d’être repérable et détectable par tous les usagers ».

Lors d’un point presse ultérieur, le président du CNSR, Yves Goasdoué, a estimé qu’il commencait à « y avoir un vrai sujet avec les trottoirs et pas seulement à Paris, partout en France« .

Florence Guillaume, la déléguée interministérielle à la sécurité routière a elle rappelé que le statut du trottoir était déjà évoqué dans le code de la route, mais a déploré qu’il ne le soit « en creux plutôt qu’en droit ».

« Cela fait longtemps qu’on demande une définition du trottoir« , a déclaré à l’’AFP Geneviève Laferrère, représentante de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) au CNSR, qui défend cette recommandation.

« Parce qu’aujourd’hui le trottoir, c’est ce qu’il reste quand on a pris de la place pour la voiture, pour le stationnement, pour les cyclistes, quand on a pris de la place pour tout », a-t-elle ajouté, estimant qu’il « reste très peu pour les piétons » et que les trottoirs « ne sont plus un endroit convivial ».

Selon elle, « les trottinettes ont aggravé le problème (…) notamment celles en libre-service stationnées sur le trottoir quand elles sont en attente d’un nouvel usager ».

Cette recommandation intervient alors que la ville de Paris, où 15.000 trottinettes sont disponibles en libre-service, s’interroge sur leur « rapport coût/bénéfices » et leur « coût environnemental », selon les mots la semaine dernière de David Belliard, l’adjoint aux mobilités et à la voirie.

Le Point, 28 novembre 2022
avec l’AFP.

N’oublions pas que plus on définit plus on voir clair, certes, mais plus, en la matière, on risque de rigidifier l’usage. Pensez-y, les trottoirs « réservés aux piétons » c’est : sans jeux d’enfant, sans étal de commerce, sans déviation provisoire …

Ma proposition était viable : ne pas les définir par les catégories de véhicules autorisés, d’autant que cela n’a pas fini d’évoluer, mais par les vitesses pratiquées. Du statique (une table, une conversation) au compatible avec la vitesse ambiante (lente sur les trottoirs, pas très rapide sur les pistes, plus rapide en fonction du statut de la rue ou route).
Ainsi une trottinette rapide n’a rien à faire dans une piste cyclable, mais une conduite par quelqu’un qui n’éprouve pas le besoin de doubler est la bienvenue. Ainsi le vélo du papa qui accompagne son petit va très bien sur le trottoir, comme celui de la personne âgée qui a de plus en plus peur sur la route. De même le patineur … ne serait plus obligé de rouler sur les trottoirs, et les policiers sur roulettes n’enfreindraient-ils plus la règle comme ils le font en roulant, évidemment, sur la chaussée ! Aurait-on le droit de jouer sur les trottoirs ? Sans doute oui pour les jeux statiques (billes, marelles, sauts à l’élastique…), moins, sauf si personne ne passe par là, pour jouer aux gendarmes et aux voleurs ou aux jeux de ballon.

(2) Sur les trottinettes électriques en libre-service la ville de Paris a connu de nombreux rebondissements

  • Une « votation » en 2023 sur le maintien ou l’arrêt du système de trottinettes en libre service sur le territoire communal.
  • Un résultat ridicule que je qualifiais d’échec à plate couture. La participation avait été de 7,46 % des inscrits, soit 4,2% de la population parisienne.

Si les remous de la politique parisienne vous amusent vous pouvez aussi lire :

Le 31 août 2023 c’en était fini, il n’y a plus de trottinettes en libre-service à Paris.
Mais elles sont remplacées par des scooters, avec des conventions qui courent jusqu’en 2028, et des vélos électriques en libre-service sans attaches (juin 2025) pour une durée de 4 ans, soit jusqu’en juin 2029. Le commerce international a du ressort.


En mars 24 l’Etat met les trottinettes électriques dans les pistes cyclables : Pour la Sécurité routière trottinettes, EDP et vélo sont maintenant complètement confondus. Les pistes restent facultatives pour les cyclistes et sont obligatoires pour les personnes en trottinette. D’aide pour les cyclistes les pistes « cyclables » passent fourre-tout pour ceux que encore beaucoup d’habitants considèrent comme gênants. Personne n’a protesté.

Les trottinettes électriques se retrouvent donc dans les pistes cyclables, où elles gênent les cyclistes, et interdits de trottoirs, où elles gênaient les piétons. Vous voyez que tout se tient et que toute décision a ses effets secondaires, parfois pervers …

▶️ Qui a gagné ?
Je vous parle souvent des souhaits exprimés par les sociétés de vélos électriques, et ce sont les mêmes que pour les trottinettes : tout faire pour ne pas se faire chasser des pistes cyclables. Voir Attention, ils veulent envahir les pistes cyclables ! (2016). 8 ans après ils ont gagné.
Sur les trottinettes j’ai écrit beaucoup d’articles, elles ont gagné aussi.
Sur les cyclistes il y aurait pas mal à dire. Cyclistes et aires piétonnes : et si la Fub levait le nez de son guidon ? Ils voudraient au moins pouvoir rouler dans toutes les aires piétonnes, où cyclistes comme trottinettes en ont le droit mais peuvent en être chassés. Ils ne vont pas gagner. Pourtant de nombreux tronçons cyclistes aménagés passent dans des zones piétonnes, comme à Lorient ou Rochefort, Paris ou Caen. Ma proposition par les vitesses pratiquées n’est-elle pas la seule viable ?

Je parle peu des piétons, et je ne suis pas la seule, ils sont clairement les grands oubliés des politiques d’espaces publics.

En septembre 2023, le journal Le Parisien titrait Paris est-il devenu un enfer pour les piétons? pour présenter les résultats du palmarès créé par le collectif Place aux piétons. Ils mettaient l’accent sur les carrefours et les portes des villes. Pour eux en général, certes la sécurité s’était bien améliorée entre 2021 et 2023 mais tout le reste (Impression générale, confort, aménagements) avait reculé. J’en parlais, d’ailleurs : Les piétons se rebiffent, et le font savoir.

On voit des villes qui interdisent le vélo dans les zones piétonnes, et la Fub l’a mal pris. Cela n’a pas empêché la très cyclable Chambéry d’instaurer des mesures pour limiter la vitesse des cyclistes en centre-ville (France info, 3 octobre 2025). Pourtant désormais les élus concernés sont réunis dans un seul organisme, le Réseau Vélo&Marche. Le fond de l’affaire c’est que chacun revendique un territoire alors que, au moins en centre-ville, les cyclistes doivent évidemment s’effacer devant les piétons, et que c’est vite dit ! Le vélo est un véhicule, fait notamment pour aller quelque part plus rapidement qu’à pied. Plus rapidement, mais pas forcément partout; à une vitesse compatible avec celle du mode dominant de cet espace. Des vitesses variables selon les espaces, vous dis-je … mais également de vraies liaisons cyclables. La question se pose aussi dans les voies vertes. L’égalité est un leurre. Soit on reconnaît qu’il y a un dominant, soit on organise.


Il ne serait pas étonnant que, dans la prochaine campagne électorale prévue (les municipales, mars 2026), un rééquilibrage en faveur des piétons soit effectué.
On devrait y parler beaucoup moins en faveur des objets roulants, tout cyclistes soient-ils.


Les candidats auront-ils au moins le courage de parler contre les trottinettes et les petits engins à moteur ? Auront-ils le courage de sortir des cadres de description actuels réduits à des listes d’objets ? Oseront-ils parler de vitesses selon les lieux et les personnes qui s’y trouvent ? A ce moment-là les espaces n’auront besoin ni de nom ni de catégorie, encore moins de description.

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Adrien
28 jours

Je suis tout à fait d’accord avec le principe de ton approche, comme souvent.
J’ai envie d’ajouter quelques remarques personnelles.
▶️ Dans un milieu urbain très dense, si les trottoirs sont étroits, même à très faible vitesse, je pense que des cyclistes peuvent poser problème. Il y a des cyclistes qui maîtrisent très mal leur équilibre, et qui ne savent pas rouler à faible vitesse.
▶️ Dans les zones piétonnes, c’est aussi une question de densité. À Besançon, dans la grande rue commerçante où il y a beaucoup de monde, on peut rouler à vélo mais à faible vitesse sinon c’est dangereux. À l’inverse, sur la grande place de la ville, qui s’appelle la place de la Révolution, l’espace semble infini par rapport au nombre de piétons (hors jours de marchés ou manifestations), et circuler à 25 km/h ne pose aucun problème car on peut traverser toute la place sans être à moins de 10 mètres d’un piéton, si on choisit bien sa trajectoire.
▶️ Et puis il y a la question du périurbain, de la campagne, des zones industrielles… où il y a extrêmement peu de piétons et de cyclistes, et où on peut donc se permettre la mixité sur des espaces comme des trottoirs de ponts, où ça ne serait pas du tout envisageable en milieu urbain… Quitte à revoir l’aménagement si les usages non motorisés augmentent significativement dans le futur.
Certains espaces mixtes en ville me choquent, mais je les utiliserais sans problème le long d’une grande route dans un tout petit village.

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